Une solution originale pour régler ses impôts : la dation en paiement

La dation en paiement permet à des contribuables, disposant de peu de liquidités, de faire face au règlement de leurs impôts. Cette solution méconnue peut s'avérer opportune dans certains cas.

En principe, les droits dus sur certaines opérations courantes doivent être réglés préalablement à la formalité de l’enregistrement. Des exceptions sont toutefois prévues, comme le paiement échelonné, différé, ou fractionné. En pratique, le paiement des droits d’enregistrement est réalisé, soit en espèces, soit par un autre moyen de paiement (virement bancaire, la remise d’un chèque, etc.). 

L’article 1716 bis du code général des impôts prévoit un mode de paiement original : la dation en paiement. Cette solution est peu connue du grand public, sachant qu’au cours de la décennie écoulée, à peine 300 offres de dation en paiement ont été déposées par des contribuables, selon le Ministère de la Culture. Cette solution a pourtant le mérite de permettre à des contribuables disposant de peu de liquidités de faire face au règlement de certains impôts.

La dation en paiement : de quoi s’agit-il ?

Conformément aux dispositions de l’article 1716 bis du code général des impôts, il est possible de s’acquitter des droits de mutation à titre gratuit, du droit de partage (par exemple en cas de divorce), et de l’impôt de solidarité sur la fortune (IFI), en remettant certains biens à l'Etat. La liste des impôts mentionnée à l'article 1716 bis étant limitative, il n’est pas possible de recourir à une dation en paiement pour le règlement de l’impôt sur le revenu, des droits de mutation à titre onéreux (par exemple en cas d’acquisition à titre onéreux de valeurs mobilières ou d’un immeuble), ou encore pour le paiement de la TVA.

En pratique, la dation en paiement consiste pour un contribuable à remettre un actif (autre que de l’argent) à l’Etat pour s’acquitter de sa dette fiscale. Cette procédure spécifique suppose de respecter les modalités prévues aux articles 384 A à 384 A ter de l’annexe 2 du code général des impôts. L’article 1716 bis du code général des impôts fournit une liste de biens pouvant être remis à l’Etat pour régler les impôts précités. Il s’agit pour l’essentiel d’œuvres d’art (sauf en principe celles d’artistes vivants), de livres, d’objets de collection, ou de biens de haute valeur historique ou artistique. 

Il peut également s’agir de certaines catégories d’immeubles situés dans certaines zones (des terrains, des marais, etc.), ou encore du bois, des forêts, ou des espaces naturels susceptibles d’être compris dans le domaine forestier de l’Etat (BOI-SJ-AGR-50-20 n° 50, 6-11-2018). Les objets d’art ou de collection ne peuvent faire l’objet d’une dation en paiement que s’ils sont de nature à enrichir le patrimoine national. Parmi les conditions impératives pour recourir à la dation en paiement, le contribuable doit obligatoirement être propriétaire du bien proposé à l’Etat depuis au moins cinq ans (à moins toutefois que le bien ait fait l’objet d’une acquisition à titre gratuit).

L’article 1716 bis du code général des impôts ajoute que le montant des droits à payer doit être au moins égal à 10 000 euros, pour qu'une dation en paiement ait lieu. Ce seuil s’apprécie pour chaque imposition. La dation en paiement ne peut être réalisée qu’une fois que les droits sont devenus éligibles (par exemple le décès du propriétaire du bien remis en dation pour le paiement des droits de succession). Autrement dit, il n’est pas possible de recourir à une dation en paiement pour s’acquitter de dettes fiscales qui ne sont pas encore certaines dans leur principe et dans leur montant. A noter que la dation en paiement peut être utilisée pour régler une partie des droits dus, et non la totalité. Dans ce cas, il convient de régler le complément de droits avec un autre moyen de paiement.

Les modalités de mise en œuvre d’une dation en paiement

La dation en paiement n’est pas un mode usuel de règlement des impôts. C’est pourquoi, les articles 384 A à 384 A ter de l'annexe 2 du code général des impôts prévoient la nécessité d’obtenir un agrément de l’Etat pour recourir à ce mode de paiement. C’est au contribuable d’adresser une proposition de dation en paiement au service des impôts compétent. La proposition de dation en paiement est déposée en même temps que l’acte constatant la mutation ou le partage, ou en même temps que la déclaration de succession ou d’IFI.

Au moment du dépôt de son offre de dation en paiement, le contribuable doit lister les biens concernés, leur valeur, les conditions de leur acquisition, et plus généralement leur nature. Il existe un modèle établi par l’administration fiscale pour proposer une dation en paiement. Il doit être déposé, rempli, daté, et signé, en quatre exemplaires. Si le contribuable souhaite proposer en dation en paiement un objet d’art ou de collection, il doit utiliser le modèle BOI-LETTRE-000114.

S’il souhaite proposer un immeuble éligible à la dation en paiement, il doit alors recourir au modèle BOI-LETTRE-000128 ou BOI-LETTRE-000129 (selon le cas). L’offre de dation en paiement ne peut être conditionnelle, comme par exemple l’affectation de l'oeuvre d'art proposée à tel ou tel musée. Dans tous les cas, la décision d’agrément est prise par le ministre chargé du Budget. Une fois l’agrément obtenu, et conformément à l’article 1716 bis I du code général des impôts, la dation en paiement est parfaite après l’acceptation par écrit du contribuable de la valeur libératoire mentionnée dans la décision d’agrément. 

La valeur libératoire correspond au montant des droits pouvant être acquittés par la remise du bien proposé en dation en paiement. En cas de refus de la proposition de dation en paiement, le contribuable en est informé par un courrier recommandé. Il dispose alors d’un délai de 30 jours pour s’acquitter des droits dus par un autre moyen. Passé ce délai, il s’expose à un intérêt de retard au taux de 0,20% par mois. Si le contribuable conteste le refus, il bénéficie de la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal Administratif.

Ce formalisme particulier et chronophage peut rebuter certains contribuables. C’est sans doute la raison pour laquelle la dation en paiement est si peu utilisée aujourd’hui. Elle peut toutefois s'avérer opportune pour les contribuables ayant peu de liquidités, mais disposant d’un patrimoine mobilier et/ou immobilier composé de biens de valeur, susceptibles d’enrichir le patrimoine national.