La télé digitale perce en France et compte bien attirer les annonceurs
La mutation de la consommation de l'audiovisuel s'accélère en France. La part des foyers français équipés d'une smart TV ou d'un boitier OTT continue de progresser, selon le dernier Référentiel des usages numériques Arcep-Arcom : elle était respectivement de 49% et de 30% au deuxième semestre 2022. Ces devices offrent un accès direct à internet sans que l'utilisateur ne soit obligé de passer par les box des opérateurs télécoms. Ces dernières restent pour le moment très largement majoritaires, équipant 82% des foyers français, mais le marché table sur leur absorption au sein des CTV.
"Les quatre principaux opérateurs télécom français ont signé des deals avec Samsung qui leur permettent d'embarquer leurs applicatifs télé directement dans notre OS Tizen parce qu'ils ont compris l'intérêt de dématérialiser leur set-up box", explique Antoine Chotard, directeur de Samsung TV Plus France (le service FAST AVOD du constructeur, ndlr). Selon notre interlocuteur, 95% des utilisateurs ayant acheté une TV Samsung en 2022 consomment les contenus TV directement via l'environnement Tizen, en plus de passer par les box, au moins une fois par semaine.
Et pour cause. L'offre de nouveaux acteurs entrants sur l'OTT évolue et se diffuse, et même si sa consommation reste encore timide comparée aux contenus digitaux proposés par les chaînes historiques elle commence à percer à en croire la 13e vague du Baromètre OTT NPA Conseil / Harris Interactive conduite fin juin. Cette étude a mis en parallèle la consommation des applications AVOD des groupes audiovisuels français (6Play, arte.tv, france.tv, MYTF1), YouTube sur le téléviseur et les services AVOD et FAST de type Pluto TV, Samsung TV PLus, Rakuten TV et Molotov Channels sur les CTV. On apprend que ces derniers captent 11% des audiences générales et 17% des 25/34 ans. Les plateformes des groupes audiovisuels attirent la part la plus importante de la population : près de 60% de couverture mensuelle. Ces chiffres en disent long sur les usages émergeants et le développement d'une offre de plus en plus riche de services SVOD, AVOD et de chaînes FAST proposés par de nombreux nouveaux acteurs en plus des chaînes historiques.
Dans trois ans la consommation du streaming au même niveau du live
"Il n'y aura pas de basculement abrupt entre la TV live et le streaming, les choses vont continuer de se faire progressivement. Et pour cause, le live se maintiendra comme un pilier de reach et de puissance instantanée certainement les trois prochaines années, le digital venant en superposition de ce reach TV. Quand le basculement se fera, on considérera ces leviers comme étant équivalents", explique Olivier Baconnet, directeurs des investissements et des expertises médias chez Group M France.
Le spécialiste cite l'exemple de ce qui passe aux Etats-Unis où, d'après ses chiffres, le streaming représente, avec 37,4%, la part d'heure consommée par les 2 ans et plus la plus importante (Netflix et YouTube à eux seuls comptant pour près de la moitié de cette part, suivis d'Amazon, Disney, Amazon Prime, Hulu et toute une myriade de services SVOD et AVOD). "Nous entrons dans une nouvelle ère faite d'expérience utilisateur, de segmentation des audiences et de personnalisation de l'expérience publicitaire. C'est ce que l'on nomme la TV augmentée : on ne fait pas disparaître ce qui existait avant, mais on l'enrichit et le transforme. La force de la TV connectée repose aussi sur la force de la TV traditionnelle, tout comme la force de YouTube en CTV repose aussi sur son succès sur les autres devices", conclut-il.
Des budgets publicitaires encore limités mais en forte hausse
Qu'ils soient proposés par les acteurs historiques ou non, le fait est que l'écosystème des contenus diffusés sur la CTV offre déjà aux marques un nouveau terrain de jeu notamment pour toucher les audiences que la télévision linéaire classique n'arrive plus à attirer c'est-à-dire en gros une partie conséquente de la population française âgée de moins de 50 ans d'après ce que nous laissent entendre plusieurs experts de ce marché.
Reste que la réalité de l'investissement média sur ces nouveaux canaux est encore très timide même si en forte croissance : sur l'univers purement digital du grand écran en excluant donc l'usage de la TV linéaire, on estime à 20% les budgets des agences consacrés aux offres AVOD/SVOD sur l'OTT, 20% aux offres digitales des chaines historiques (AVOD et replay), et le reste chez YouTube.
A titre illustratif, NPA Conseil estimait à 15 millions d'euros le chiffre d'affaires publicitaire des services AVOD et FAST sur la CTV en 2022, un montant trois fois supérieur à l'estimation de 2021, mais bien inférieur aux 123 millions de l'IPTV (replay des chaines historiques sur le box) associé à la TV segmentée. Des chiffres eux-mêmes à mettre en perspective avec les 3,48 milliards bruts captés par les régies des chaînes télé française la même année (digital compris, en baisse de 1,5 % comparé à 2021), très massivement encore assurés par le linéaire.
Mais pour l'activation publicitaire il faut de la data et la capacité technologique à rassembler puis à mesurer avec le même standard une myriade d'applications et portes d'entrée différentes. Si des solutions existent pour avoir une vue d'ensemble et gérer le capping et comparer les performances sur les différents contenus en OTT, il n'est à ce jour pas encore possible de faire le lien entre OTT et IPTV (les box). Cela sans compter la nécessité de disposer d'une vue d'ensemble complète entre les différentes facettes du digital (box, OTT) mais également du média TV dans son ensemble (linéaire et non linéaire).
"Il y a aussi un aspect fondamental : que l'accès à la donnée soit facilité pour les annonceurs", précise Thomas Allemand, directeur senior adtech et supply chez Jellyfish, allusion aux contraintes contractuelles imposées pour l'accès à la data des FAI par des chaines TV. Des enjeux que le JDN abordera en détails ce jeudi 30 novembre au Forum de l'Alliance Digitale à Paris avec GroupM, Jellyfish, Yves Rocher, Samsung TV Plus et Médiamétrie lors de la table ronde consacrée aux enjeux et aux opportunités de la TV digitalisée.