Laurent Esquenet-Goxes (Député) "Il faut davantage de coercition pour que les plateformes respectent les droits voisins"

Laurent Esquenet-Goxes, député MoDem et Indépendants de la Haute-Garonne, explique comment sa proposition de loi, déposée avec 20 autres députés de son groupe, entend faire des droits voisins une réalité pour la presse.

JDN. Vous avez déposé à l'Assemble nationale une proposition de loi visant à "renforcer l'effectivité des droits voisins de la presse". Pourquoi la directive européenne de 2019, qui a instauré ces droits, ne suffit-elle pas ?

Laurent Esquenet-Goxes, député MoDem et Indépendants de la Haute-Garonne. © LEG

Laurent Esquenet-Goxes. La presse a perdu 70% de son marché publicitaire ces 20 dernières années. Les utilisateurs lisent les contenus de la presse numérique chez les Gafam, souvent sans se rendre sur les sites des éditeurs, privant les médias des revenus publicitaires dont les plateformes s'accaparent. Or, on constate une absence de dialogue entre les plateformes et la presse pour le calcul légitime des droits voisins. La plupart des plateformes ne négocient pas, le rapport de forces leur étant favorable. Certaines, comme Google et Meta le font, mais souvent sous la contrainte et selon leurs propres règles notamment en écartant certains contenus dont elles estiment qu'ils ne sont pas couverts par les droits voisins. Or, nous parlons là de droits d'auteur : celui qui crée le contenu doit être rémunéré quel que soit le moyen de sa diffusion. Pour sortir de cette situation, il nous faut créer les conditions pour que les négociations aient lieu et, même en cas de désaccord, qu'on aboutisse à une rémunération. Il faut par conséquent être davantage coercitif.

Comment cette proposition de loi entend-elle changer la donne ?

Notre projet de loi vise à renforcer la procédure de négociation des droits voisins. La directive 2019/270 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique ne précise pas quels éléments doivent être transmis par les plateformes vers les acteurs de la presse pour permettre à ces derniers de vérifier que les montants des droits sont calculés de manière appropriée. Les plateformes font de la rétention d'information. De plus, les acteurs de la presse doivent se fier sur leur bonne parole sur la manière de calculer ces droits. Notre projet de loi prévoit que la liste de ces éléments soit établie par décret et que ces derniers soient transmis dans un délai maximum de six mois à compter de la première demande d'accès à ces informations. Le refus exprès ou tacite de transmettre ces éléments sera puni d'une amende allant jusqu'à 2% du chiffre d'affaires mondial de la plateforme.

Un autre point important concerne le fait que ces négociations n'aboutissent pas. Comment entendez-vous favoriser la conclusion d'accords ?

En effet, la directive de 2019 ne fixe pas de délai précis pour l'issue des négociations, et cela est primordial. Notre projet prévoit que les négociations doivent aboutir sur un accord dans un délai maximum d'un an à compter d'une demande d'ouverture de négociation. En cas d'absence de conclusion d'un accord, le média peut saisir l'Autorité de la concurrence pour une médiation. Si au bout de six mois aucune issue n'est trouvée à cette négociation encadrée, l'Autorité de la concurrence sera habilitée à déterminer elle‑même les conditions de la rémunération.

Qui avez-vous consulté pour établir ce projet de loi et quelles sont les prochaines étapes ?

Pour cette première proposition nous avons principalement consulté l'Alliance de la Presse d'information générale. Il nous a paru opportun de relancer ce sujet maintenant. Ce texte est une première étape. Je suis soutenu par le groupe Médias et Information - Majorité Présidentielle, dont je fais partie, mais j'espère que nous aurons la possibilité de retravailler cette proposition avec une base plus large de députés afin d'en faire une proposition de projet de loi transpartisanne.