Google Analytics 4 : comment les éditeurs se sont adaptés

Google Analytics 4 : comment les éditeurs se sont adaptés Même face à un outil totalement métamorphosé, certains éditeurs médias ont opté pour garder Google Analytics. Une décision qui a exigé un travail intense d'adaptation. Retours d'expérience.

Du point de vue des éditeurs médias, le passage d'Universal Analytics (aussi nommé "GA3") à la version Google Analytics 4 s'est fait dans la douleur. La nouvelle version de l'outil ne répondant pas en l'état aux besoins des éditeurs.

"La collecte de données chez GA4 fonctionne très bien. En revanche, son interface native ne propose quasiment plus de rapports simples et efficaces sur les données d'audience dont les éditeurs médias ont besoin, comme les pages vues, les sessions et les sources de trafic. D'un outil de décision quasi temps réel et clé en mains, Google Analytics est devenu avec GA4 une solution de dashboarding sur le temps long : excellent pour faire des rapports très sophistiqués sur le passé mais inutilisable au quotidien pour les éditeurs", résume Damien Mangin, directeur data du groupe Figaro et CTO de CCM Benchmark.

Totalement métamorphosé, GA4 est venu bousculer des années de pratique et imposer de sévères adaptations à ceux ayant fait le choix de le garder. Un choix en partie contraint car difficile de se passer d'un outil référence en matière de collecte de données stratégiques, comme en témoigne Guillaume Machu, lead product manager chez Prisma Media : "Chez Prisma Media, la donnée collectée via Google Analytics est très importante pour plein de besoins en interne qui dépassent le seul cadre éditorial et vont jusqu'aux analyses servant au pilotage des revenus publicitaires et au monitoring du fonctionnement des sites. Certes nous aurions pu opérer tous ces croisements de données en nous servant d'autres outils d'analytics du marché. Mais il aurait fallu changer toute l'architecture de notre système d'information (SI) interne. Sans compter le besoin de former en profondeur l'intégralité de nos équipes."

Mais comment s'y sont-ils pris pour rendre utilisable un outil devenu inadapté ? Retours d'expérience.

Adaptation de l'interface utilisateur

Il fallait trouver un moyen de contourner les obstacles liés à une restitution inadaptée des données sans pour autant abandonner GA. Et c'est ce que le groupe Figaro a fait en développant des interfaces adaptées aux besoins de l'éditeur qui viennent interroger GA4. Au lieu de tomber sur les dashboards complexes de GA, l'éditeur découvre tout de suite sur son interface dédiée l'information qui compte pour lui. "Nous développons ce genre d'outil pour toutes les BU du groupe", précise Damien Mangin.

Chez Prisma Media, le travail d'adaptation a été colossal, notamment dans le choix de données à traiter. "L'implémentation technique de la migration était certes très simple mais l'adaptation du plan de tracking, beaucoup plus longue à mettre en place", explique Guillaume Machu. Cette modification du plan de tracking a été la clé pour permettre de simplifier les moyens d'accès aux données prioritaires. "Nous en avons profité pour standardiser ce compromis entre un accès simplifié et des données suffisamment intéressantes pour tous", poursuit-il.  La prochaine étape pour l'éditeur sera de personnaliser la visualisation des données au sein même de GA4 afin de la rendre la plus proche possible de GA3.

Cette adaptation a exigé des uns comme des autres plus d'une année de développement et parfois le recours à des cabinets externes.

Utilisation couplée à Wysistat

La complexité de GA4 peut en partie expliquer la progressive érosion de la pénétration de Google Analytics auprès des éditeurs médias en France, d'autant qu'aucune méthode ne permettait de conserver l'historique de données collectées avec GA3. Selon Mind Media, alors qu'en novembre 2022 67% d'entre eux se servaient encore de GA, ils n'étaient plus que 42% en avril 2024. Toujours selon Mind, entre mars 2023 et avril 2024, la majorité des autres solutions du marché ont vu leur pénétration progresser, dont notamment Piano (AT Internet), qui équipe 51% des sites médias, et Wysistat, près de 30%. En avril dernier, 69% des sites utilisant Wysistat le combinaient avec Google Analytics (contre 80 % en octobre 2023), et 19% pour Piano Analytics (contre 18 % six mois plus tôt).

Prisma Media utilise Wysistat (IDfr) en parallèle à GA pour deux raisons principales. Tout d'abord, cette solution est dispensée par la Cnil de demande de consentement aux internautes parce qu'applicable à des fins d'analyse d'audience uniquement. Cela offre un moyen de comparer le comportement du trafic remonté par GA après consentement, à des fins de résolution de bugs notamment. Ensuite, elle est certifiée par l'ACPM, contrairement à Google Analytics qui a perdu sa certification le 1er janvier 2023. Cela signifie que les éditeurs ne disposant que de GA ne peuvent pas faire reconnaître auprès de l'organisme certificateur d'audiences leurs déclarations de fréquentation.

Wysistat dispose de trois autres atouts : c'est une technologie française ; elle est simple d'utilisation et taillée aux besoins des éditeurs ; c'est une solution bon marché. Ajoutées aux deux premières cela fait un ensemble de motivations suffisamment fortes pour que le groupe Figaro étende son déploiement, au-delà du site éponyme, qui utilise la solution depuis trois ans en parallèle à GA. "Wysistat en revanche ne pourrait remplacer GA dans notre cas, ne serait-ce que parce qu'elle n'est pas autorisée à délivrer des données en temps réel. Je pense que nous nous dirigeons vers une configuration où les éditeurs se serviront des différents outils pour les ajuster à leurs besoins", conclut Damien Mangin.

Quant à Piano (ex-AT Internet), solution jugée beaucoup trop chère par nos interlocuteurs, même si sa part de marché a progressé, elle équipait déjà nativement de nombreux sites médias depuis de nombreuses années. C'est notamment le cas du groupe Les Echos-Le Parisien qui a même choisi de débrancher Google Analytics il y a trois ans. "Nous avons décidé de conserver uniquement la solution dont nous nous servions depuis dix ans, AT Internet devenue Piano Analytics, qui en plus d'être un outil labellisé ACPM bénéficie de l'exemption de la Cnil pour la mesure agrégée des audiences à de fins d'analytics", explique Camille Douay, responsable data du groupe. Pour Les Echos-Le Parisien, GA était surtout un outil servant les équipes marketing à de fins de conquête de nouveaux abonnés. Un besoin depuis comblé par leur DMP Permutive.