Guillaume Lacroix (Brut) "En 2025, 50% de l'Ebitda de Brut viendra de l'étranger et cela va continuer d'évoluer"

Guillaume Lacroix, cofondateur et CEO de Brut, partage avec le JDN le bilan 2024 et sa feuille de route en 2025 pour "accroitre sa rentabilité".

JDN. Fin 2024 vous annonciez que Brut avait dépassé en mai le seuil de 2 milliards de vidéos vues par mois. Avez-vous maintenu ce niveau depuis ? Où en est Brut en termes d'abonnés 

Guillaume Lacroix est le cofondateur et CEO de Brut. © Brut

Guillaume Lacroix. Brut compte un demi-milliard de spectateurs uniques par mois pour un peu plus de deux milliards de vidéos vues dans le monde. Ce volume est en progression : en 2024, notre audience a augmenté de 30% dans le monde. 2025 s'annonce aussi dynamique, sachant que la roadmap de Brut est de continuer de s'étendre à l'international. Quant au nombre d'abonnés, il faut savoir que les algorithmes sociaux ont évolué. Ils exposent les gens aux contenus en fonction de leurs centres d'intérêt, qu'ils soient "followers" d'une marque média ou non. Nous devons avoir environ 80 millions de followers dans le monde, mais ce chiffre est totalement décorrélé de notre puissance.

Dans quels pays Brut est-il en progression ?

Nous sommes aujourd'hui présents et en forte progression aux Etats-Unis, en Inde et en Afrique francophone sur toutes les plateformes sans exception, y compris Pinterest, LinkedIn et Whatsapp, réseau qui est très important en Afrique et en Inde (l'Inde a banni TikTok). En Europe, nous sommes le plus gros média d'information sur TikTok. La France, pays où nous sommes arrivés à maturité, nous touchons 100% des 15-35 ans par mois sur toutes les plateformes. Toujours en France, Brut a entre 35% et 40% des parts du marché des médias sur les réseaux sociaux et 50% du marché de l'information sur ces plateformes.

Ceci étant, comme nos contenus ne sont pas géolocalisés, ils sont accessibles et consommés partout dans le monde, en Europe, au Canada, en Australie et en Angleterre. Brut India par exemple est très fortement consommé en Angleterre, où il y a une importante diaspora indienne. Dans au moins une centaine de pays, notre reach est supérieur à un million de personnes par mois.

Votre modèle économique est publicitaire avec le brand content comme format historique. Depuis 2023 vous proposez également Brut.Pub, adaptation des spots télé aux réseaux sociaux. Quel est le poids de cette activité dans vos revenus désormais ?

Le modèle économique de Brut est effectivement publicitaire : nous sommes un média gratuit financé par la publicité. Nous avons trois activités différentes, dont Brut.Pub, que nous avons lancé en 2023 et qui représente déjà un tiers de notre chiffre d'affaires. Il s'agit d'adapter aux spécificités du social les contenus publicitaires des annonceurs, qui bénéficient également de notre data afin que les bons messages publicitaires soient adressés aux bonnes audiences.

Notre activité publicitaire historique, le brand content que nous appelons aussi opérations spéciales, pèse pour 40% de nos recettes. Ce sont des séries de reportages très clairement identifiées comme étant produites en partenariat avec des marques. Et ces contenus cartonnent. Les audiences s'intéressent à la vie des marques si l'histoire est bien racontée et que le contrat de lecture est respecté.

La troisième activité est l'agence sociale, qui représente environ 25% de notre chiffre d'affaires : nous opérons en marque blanche une partie des comptes sociaux de Visa, de la principauté de Monaco, le compte TikTok de Duolingo France, etc. Sur ces trois activités, nous avons encore beaucoup de marge de croissance à faire, y compris en France.

La capacité de targeting à laquelle vous faites référence ne serait-elle pas plutôt le fait des plateformes sociales où vous diffusez ? Au final, la data leur appartient. De plus, elle est accessible à tous les annonceurs, non ?

En tant que publisher, seul Brut a accès à une donnée stratégique : le taux de complétion des vidéos. Nous sommes par conséquent en capacité de faire de la rétention un critère clé de ciblage, en plus des centres d'intérêt et autres segmentations de nos audiences. Et cela change tout.

La capacité à adapter aux réseaux sociaux une vidéo publicitaire au départ dédiée à la télévision est aujourd'hui largement répandue ne serait-ce que grâce à l'IA. Comment Brut.Pub peut-il garder son attractivité ?

Tout d'abord grâce à notre marque, Brut.Pub. La force d'une publicité est dans l'association des marques. Nous associons la marque Brut à celle des annonceurs qui choisissent Brut.Pub. Le logo Brut.Pub reste affiché au sein de la pub. Pour nos clients, c'est très important de s'associer à la marque Brut, parce qu'elle a la confiance des jeunes générations. Mais il y a aussi notre expertise en écriture sociale que les outils d'IA que vous décrivez seuls ne peuvent fournir. Le style de Brut nous est propre. Nous entrainons les IA que nous utilisons. Et il faut que le storytelling soit en adéquation avec l'audience pour que cela fonctionne.

Quel a été votre chiffre d'affaires en 2024 ? La presse généraliste évoque 55 millions d'euros en 2023 dont près de 80% en France et une croissance de 25% en 2024. Vous le confirmez ?

Je ne confirme pas ces chiffres. Je peux en revanche vous dire qu'en 2025, 50% de l'Ebitda de Brut viendra de l'étranger et cela va continuer d'évoluer.

Vous déclarez que Brut est rentable depuis le dernier trimestre 2023. Cette dynamique de rentabilité s'est-elle maintenue en 2024 ? Et pensez-vous qu'en 2025 ce sera toujours le cas ?

L'arrivée de CMA et de MoonPay dans le capital de Brut en 2023 nous a permis en effet d'aller vers la profitabilité avec suffisamment de cash pour être sereins. L'année 2024 a confirmé notre rentabilité structurelle. Pour 2025, notre objectif est d'accroitre cette rentabilité.

L'année 2025 a commencé de manière tendue en France, les annonceurs sont prudents. Certains de vos concurrents semblent en difficulté. Comment voyez-vous les choses ?

La monétisation de Brut n'est pas encore à la hauteur de sa puissance, et c'est normal. Nous sommes par conséquent très confiants sur le fait que notre business ne peut que se développer malgré le contexte du marché publicitaire. C'est ce que nous observons depuis le début : notre business rattrape progressivement le développement de nos audiences. Nous avons également la chance de compter sur l'expertise et la puissance de France TV Publicité, la régie qui commercialise Brut, qui nous permet de toucher un important portefeuille d'annonceurs.