Applications pour smartphones : qui est responsable des contenus ?
Près de 107 applications pour mobile font la promotion du tabac. En contradiction avec la loi. Mais pour ces applis, sujets de contentieux, qui est responsable ?
Selon une étude réalisée dernièrement par
l’université de Sydney, pas moins de 107 applications pour mobile (notamment
identifiées sur l’App Store et sur le Google Play Store) sont en lien avec le
tabac et pourraient en réalité être destinées à le promouvoir indirectement,
cela malgré une législation contraire.
A ce titre, il n’est ainsi pas inutile de
rappeler les textes applicables et les responsabilités qui pourraient éventuellement
être encourues si cela devait être le cas.
Au niveau international l’article 13 de la Convention cadre de l’OMS, a instauré une interdiction globale de «toute publicité en faveur du tabac».
Dans ce contexte, le terme de
«publicité» doit être pris au un sens large, celui-ci s’entendant de «toute
forme de communication,
recommandation, ou action commerciale
ayant pour but, effet ou effet
vraisemblable de promouvoir
directement ou indirectement un produit du tabac ou l’usage du tabac».
Au niveau français la loi dite Evin n°91-32 du 10 janvier 1991 (codifiée
dans le Code de la Santé Publique) a étendu la prohibition de la publicité des
produits du tabac, instaurée la loi dite Veil, à tous les supports
publicitaires ainsi qu’à la propagande
et aux actions de parrainage en faveur des produits ou marques de tabac. La jurisprudence a sanctionné quant à elle à
de nombreuses reprises la publicité indirecte sur le fondement des textes
précités. Notons qu’une infraction aux
dispositions en question peut être punie
d’une amende de 100.000 euros, laquelle peut être portée à 50% du montant des dépenses consacrées à l’opération
illégale.
Si les
applications en question devaient promouvoir indirectement le tabac, elles contreviendraient ainsi directement tant aux lois
internationales que nationales. Qu’en serait-il de la responsabilité des
sociétés qui les éditent et/ou les
développent ?
Pour y répondre, il faut se référer à la loi pour la confiance dans l'économie numérique n°2004-575 du 21 juin 2004 applicable à
toutes les communications
au public en ligne.
Deux types d’acteurs doivent être
distingués :
* L’éditeur
de contenus, qui engage automatiquement sa responsabilité ;
* L’hébergeur qui ne peut voir sa
responsabilité engagée que s’il n’a pas agi promptement pour retirer tout
contenu illicite à compter du moment où le caractère illicite dudit contenu lui
a été notifié.
En
application de la LCEN, Apple devrait être considéré comme éditeur des
applications disponibles sur I’Apple Store du fait qu’elle effectue une validation de ces
dernières avant mise à disposition au public. Cette question avait d’ailleurs déjà été soulevée dans le cadre du contentieux né en septembre
2011 suite à la disponibilité d’une
application «Juif ou pas juif» sur l’Apple Store. Apple se considérait bien évidemment comme
hébergeur. Ce débat ne fut cependant pas tranché les associations antiracistes et antisémites
s’étant désistées de leur action après le retrait immédiat par Apple de
l’application litigieuse.
Il pourrait en être différemment pour Google en ce qui concerne Android dans la mesure où Google ne validerait quant
à elle pas les applications.
En tout état de cause toute société, étrangère ou non, peut voir sa responsabilité engagée dès lors que des contenus illicites mis en ligne sont accessibles sur le territoire français, qu’ils soient destinés au public français ou que leur victime ait ses intérêts en France (TGI Paris, 12 oct. 2012, RG n°11/09814 : responsabilité de la société belge Agoravox engagée sur le fondement de la LCEN, du fait de sa qualité d’éditeur, pour la contrefaçon de droit d’auteur opérée sur le site du même nom).
Ainsi comme dans le cas «Juif ou pas juif», il n’est pas exclu que des associations de consommateurs ou que toute personne ou entité compétente puissent solliciter d’Apple, de Google le retrait des applications litigieuses.