Fin du quick commerce : qui en profite ?

Fin du quick commerce : qui en profite ? Alors que Flink, Getir et Gorillas sont au tapis, d'autres acteurs ont appris des erreurs des quick commerçants et se positionnent peu à peu sur le marché de la livraison de courses en France.

Ils étaient d'abord treize, puis quatre, et désormais zéro… La marché du quick commerce n'a pas su enregistrer de résultats suffisants pour prospérer dans l'Hexagone. Getir, qui avait racheté Gorillas et Frichti, a été placé en redressement judiciaire et se cherche un repreneur. Flink a également été placé en redressement judiciaire et a annoncé quitter la France. Ces décisions interviennent alors que le gouvernement a récemment durci la réglementation sur les ouvertures des dark stores, empêchant aux acteurs du quick commerce de s'installer dans des locaux commerciaux sans en changer la destination auprès de la commune concernée, avant d'y implanter l'un de leurs entrepôts. A la lecture de l'annonce pour la reprise de Getir, Gorillas et Frichti, les deux premiers ont réalisé respectivement 23,8 et 26,6 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022. Assez peu finalement, quand ces entreprises ont massivement dépensé en coût d'acquisition, multipliant les campagnes publicitaires et faisant vivre leurs services grâce aux promotions.

Un marché trop petit

Tout ne s'est donc pas passé comme prévu pour les acteurs du quick commerce, comme le souligne Laurent Foiry, cofondateur et managing partner chez Spring Invest : "C'était un pari osé. Ils sont rentrés sur le marché en se disant qu'en suivant le schéma des applications de livraison depuis les restaurants, ils pourraient créer un besoin, puis augmenter les prix. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. La demande était trop faible et ils n'ont jamais pu augmenter leurs prix. Le panier moyen était bas et le prix de la livraison cher donc cela ne marchait pas".

D'après les données relevées par NielsenIQ, les quick commerçants ont perdu 3 points sur le marché de la livraison à domicile à Paris, entre janvier et avril 2023, en comparaison de l'année précédente. Ils se sont arrogé 7% des parts de ce marché contre 40% pour les pure players généralistes et 30% pour les enseignes alimentaires physiques. Leur panier moyen, de neuf articles seulement, ne leur permettait pas de survivre sur un marché où la rentabilité est faible.

Uber Eats et La Belle Vie en bonne position

Sur la livraison le jour-même, pour NielsenIQ, c'est Uber Eats qui a réuni 21% des dépenses de la catégorie entre janvier et avril 2023, devant La Belle Vie (12%), Frichti (12%), Flink (8%) et Deliveroo (5%). Si La Belle Vie s'était d'abord essayé au quick commerce, son fondateur, Paul Lê avait fermé le service pour se concentrer sur la livraison de course le jour même et non plus en moins de 15 minutes.

De son côté, Uber Eats s'est positionné petit à petit sur la livraison de course à domicile. "Au début, nous avions un assortiment restreint, cela venait de notre application qui était construite pour les restaurateurs. Nous nous positionnions donc plutôt sur du dépannage. Aujourd'hui, nous avons diversifié notre catalogue, nous encourageons nos clients à faire le plein de courses", explique Chloé Baruchel, general manager grocery chez Uber Eats France. Uber Eats travaille maintenant à faire progresser les paniers. "Nous nous concentrons sur l'amélioration de notre offre, sa diversification et l'augmentation du nombre de références. Nous sommes persuadés de l'intérêt d'un assortiment plus large", continue Chloé Baruchel. La plateforme accueille désormais un service en partenariat avec Carrefour baptisé Carrefour XL. Les livraisons ne se font pas depuis des commerces de proximité mais depuis des hypermarchés et supermarchés pour proposer quelques 15 000 références aux consommateurs. Les clients peuvent aussi bénéficier de leur programme de fidélité avec les retailers directement sur la plateforme. "Chez Uber Eats, la livraison de course a cru de 20% en 2022 en comparaison avec une année précédente Covid. La livraison de course est notre dernier business lancé, celui qui a le plus gros potentiel et dans lequel nous investissons le plus", ajoute Chloé Baruchel.

PicNic débarque en Ile-de-France

D'autres services de livraison de course se développent, à l'image de PicNic, qui est arrivé en France en avril 2021, en même temps que le quick commerçant allemand Gorillas. PicNic a toutefois adopté un modèle diamétralement opposé. Le supermarché en ligne sans magasin physique propose 10 000 références au prix d'un hypermarché et avec une livraison gratuite à J+1 sur une fenêtre de 20 minutes. La société hollandaise n'a pas fait ses débuts dans la capitale mais à Valenciennes. "Nous avions ouvert un seul entrepôt pour créer l'assortiment et nous habituer au droit du travail français. Ensuite, au bout de six mois, nous avons ouvert à Lille puis attendu deux ans avant d'aller sur l'Ile-de-France. Nous visons les villes qui ont un gros potentiel pour nous : beaucoup de familles, beaucoup de maisons individuelles et une densité de supermarché assez faible", énumère Grégoire Borgoltz, le directeur des opérations France de PicNic.

PicNic a fait son trou dans le Nord de la France : le supermarché en ligne totalise 20% de la part de marché de la livraison alimentaire à domicile dans les Hauts de France et un panier moyen de 78 euros en avril 2023 d'après les données de NielsenIQ. "Ce qui fait que notre proposition marche c'est le prix, nous sommes 10 à 25% moins cher que les autres, nous offrons la livraison et nos clients restent grâce à notre qualité de service", souligne Grégoire Borgoltz. Le service de livraison surveille aussi ses coûts en s'installant dans des zones industrielles, en minimisant ses dépenses marketing et avec des pertes proches de zéro. Contrairement aux quick commerçants, PicNic qui a récemment ouvert des entrepôts en Ile-de-France ne s'attaque pas à Paris, mais à sa périphérie. "Si nous dézoomons, il y a 12 millions de personnes qui vivent en Ile-de-France contre seulement 2 millions à Paris", justifie le directeur des opérations de PicNic France. Depuis son arrivée en région parisienne, PicNic enregistre 10% de croissance du nombre de ses commandes chaque semaine. Le marché du quick commerce n'étant pas suffisamment grand, les services de livraison de course qui ont fait preuve de patience, se font finalement et petit à petit une place dans la livraison à domicile.