Pour être rentable, la location de vêtements doit encore trouver son public
La recrudescence des spécialistes multimarques de la location de vêtement comme l'américain Rent the Runway ou le français Une Robe Un Soir donne des idées aux marques. En France, Ba&Sh a passé le pas dès 2020, suivi de Maje, Gemo et Petit Bateau. En 2023, des géants du prêt-à-porter entrent dans la course avec H&M en Belgique et Asos au Royaume Uni. Selon l'IFM, 9% des 100 marques françaises interrogées proposaient un service de location en 2022. Mais le marché de la location étant encore embryonnaire, le modèle économique reste à trouver.
Location occasionnelle…
Plutôt que d'acheter une robe de cocktail à 295 euros pour une occasion, Maje propose à ses clientes de la louer 25 euros par jour. La location de courte durée pour les vêtements de cérémonie est le modèle historique des spécialistes. Adaptée aux marques premium qui proposent des tenues de fête, cette formule permet au marchand de recruter de nouveaux clients en réduisant la barrière du prix. "La première logique est celle de prix, confirme Cédric Rossi, analyste chez Bryan, Garnier & Co. Plus vous montez en gamme, plus les consommateurs trouveront un intérêt à l'offre de location".
L'année dernière, certaines marques d'entrée de gamme ont également adopté la location courte durée pour mettre en avant leurs collections haut de gamme. Depuis fin mai 2023, Asos propose aux consommateurs britanniques la location de robes sur ses collections Asos Design, Asos Luxe et Asos Edition. Même stratégie chez H&M avec le lancement de H&M Rental. La plateforme propose des pièces de la collaboration avec Rabanne ou encore des produits d'archives exclusifs. Le service, réservé aux membres H&M, permet de booster son programme de fidélité.
… ou abonnement
"Au départ, la location concernait surtout du moyen et haut de gamme, explique Anna Balez, fondatrice et CEO de la start-up de location B2B Lizee. Mais aujourd'hui nous commençons à démontrer de la rentabilité sur de l'entrée de gamme." La location par abonnement concerne majoritairement les produits à plus faible valeur dont la durée d'usage est plus courte que la durée de vie. "Dans cette catégorie de produit, on retrouve les doudounes pour enfants ou les vêtements de grossesse : les usages ne durent pas dans le temps mais dépassent un ou deux jours, ajoute Anna Balez. Et dans ces cas de niche, l'abonnement est idéal".
Moins concurrencées par les sites de location B2C, les marques de vêtements pour enfants et femmes enceintes sont plus nombreuses à s'être lancées en marque propre. Parmi elles, Sergent Major, Petit Bateau ou encore Gémo. "Nous avons deux offres de box, l'une à 20 euros par mois pour quatre articles et l'autre à 40 euros par mois pour huit articles, détaille Charline Chalumeau, chef de projet de Gémo location. Dans les deux cas, un package de services est compris avec le pressing, la livraison et un échange gratuit par mois." Même si l'abonnement est sans engagement, il permet à la marque d'avoir des revenus récurrents et nécessite une logistique moins importante que la location courte durée. En un an, Gemo compte 800 clientes ayant souscrites à au moins un abonnement, 75% choisissant la formule à 20 euros.
Intégration à la chaine de valeur
"Le business de la location est rentable à partir du moment où il y a du volume, expose Gautier Feld, cofondateur de Circular X. Les marques doivent, si leurs produits répondent aux besoins de cette pratique, prendre leur part dans la location et l'internaliser". Pour cela, la plupart des acteurs ont choisi des partenaires pour la logistique et le traitement des produits. Lizee, qui accompagne une trentaine de clients dont Gemo et Maje, définit le prix de la location des articles en fonction de leur désirabilité. Pour l'entrée de gamme, le montant représente 15% du prix neuf sur la durée de location et cela peut représenter jusqu'à 30% pour les marques haut de gamme.
les 20% de références qui se louent mal sont exclues
Pour maximiser les passes sur un produit, Lizee a deux méthodes. D'abord, les 20% de références qui se louent mal sont exclues. Ensuite, "nous avons cracké la question de la remise en état, vante Anna Balez. Plus nous traitons de volume, plus le processus est rapide et moins d'opérations ont besoin d'être effectuées sur un produit quand il revient. Les produits créent quasiment en permanence de la valeur". Lizee possède 8 entrepôts en Europe et avec les data réunies sur les 50 000 produits en circulation la start-up a calculé des statistiques pour anticiper les contrôles qualité nécessaires selon les produits.
Pour le cofondateur de Circular X, "la location doit s'intégrer sur la même chaîne de valeur que la gestion globale de la seconde vie des produits : les retours, la location et la seconde main. Ainsi les coûts sont amortis." Si elles veulent proposer un service de location, les marques doivent déjà avoir construit une logistique bien rodée pour la seconde vie de leurs produits.
Si les modèles peuvent être rentables, un frein persiste à la popularisation de la location selon Gautier Feld : "A l'exception de quelques-unes, les enseignes ne savent pas encore bien mettre en avant ce service parce qu'elles ne savent pas s'écarter de leur mission première : vendre du neuf". Certains préfèrent alors confier la location à des partenaires B2C. La start-up Studio Paillette, qui propose la location de pièces de mode, permet aux marques de céder une partie de leur stock d'invendus gratuitement contre des contenus médias (partenariat avec des influenceurs par exemple) et une commission sur la location. "Un de nos partenaires est Ganni. La marque a déjà testé la location en marque propre et nous a confié que cela revenait trop cher pour les clients et que ça nécessitait beaucoup d'investissements en acquisition clients", explique Léa Germano, cofondatrice et CEO de Studio Paillette. Sans coût d'achat de stock, la start-up propose des prix très concurrentiels : 10% du prix neuf pour un mois de location.