Marine Boudot (Stripe) et Louis Chatriot (Alma) "En ligne de mire de notre partenariat, il y a l'internationalisation d'Alma avec Stripe"

Stripe annonce un partenariat avec la fintech française Alma. Pour le JDN, Marine Boudot, head of sales France chez Stripe, et Louis Chatriot, CEO d'Alma, détaillent cette collaboration.

JDN. Vous annoncez, à l'occasion du Stripe tour, un partenariat entre la plateforme de paiement Stripe et l'acteur du BNPL Alma. Quelles sont les raisons de cette collaboration et qu'inclut-elle ?

Marine Boudot, head of sales Stripe France, et Louis Chatriot, CEO d'Alma. © JDN

Marine Boudot (Stripe). Alma est un client historique, nous avons des relations de proximité depuis de longues années. Mais avec ce partenariat, Alma devient une méthode de paiement native sur la plateforme de paiement Stripe. Tous les marchands clients de la plateforme peuvent ajouter sur leur e-commerce la méthode de paiement Alma en un clic. Il n'y a pas d'intégration, c'est extrêmement rapide et d'un point de vue finance, toute la réconciliation passe par Stripe. Pareil pour le reporting. Cela nous permet de répondre à la demande des marchands en France où Alma est très populaire. Et pour Alma, cela signifie avoir un accès privilégié aux millions de marchands clients de Stripe. Nous sommes très fiers de cette annonce qui est un témoignage de l'investissement de Stripe en France. A ce jour, nous avons déjà une centaine de méthodes de paiement partenaires, à la même époque en 2023 nous en avions seulement cinquante.  

Louis Chatriot (Alma). Les raisons pour lesquelles nous utilisons Stripe ont changé depuis six ans. Auparavant, Stripe était la solution parfaite parce que la plus facile à intégrer. Nous étions tout petit, donc il n'y avait pas de sujet d'échelle. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Notre sujet est l'échelle avec des marchands comme la SNCF, Maison du Monde, etc. pour qui la disponibilité est importante. Nous devons donc travailler avec des plateformes de paiement qui sont capables de tenir la charge. C'est un partenariat gagnant-gagnant : c'est bon pour Stripe qui offre la meilleure solution de paiement fractionné à leur marché français, et c'est bon pour nous qui pouvons distribuer plus facilement notre solution.

Au-delà du partenariat commercial, y a-t-il des développements produit prévus ?

L.C.  Nous sommes sur des business un peu différents, si nous travaillons ensemble c'est parce qu'il y a de la valeur à créer pour les deux entreprises. Mais il n'y a pas, pour l'instant en tout cas, de grands co-développements prévus. Je ne sais pas de quoi l'avenir est fait, mais aujourd'hui je n'en vois pas.

M.B. L'avantage pour Alma est vraiment la  facilité de distribution, également à l'étranger.

Sur ce point, comment Stripe peut-il permettre à Alma d'entrer sur de nouveaux marchés en s'adaptant aux pratiques financières et bancaires locales ?

L.C. C'est évidemment quelque chose que nous allons vouloir faire avec Stripe, mais plutôt dans un second temps. Nous nous concentrons sur la France pour commencer, mais bien sûr en ligne de mire il y a l'internationalisation d'Alma avec Stripe. Aujourd'hui, Alma est surtout une entreprise française qui travaille également avec des marchands en Italie et en Belgique (10% des clients, ndlr). En termes de clients finaux, nous sommes capables d'adresser dix pays européens au total. Si tout se passe bien avec Stripe en France, nous allons penser à étendre notre partenariat dans d'autres pays. Et là, l'intérêt pour Alma est d'utiliser la surface commerciale de Stripe pour se développer plus facilement à l'étranger sans recruter d'équipes locales.

M.B. Chaque solution de BNPL a son ADN, pour Alma c'est l'absence de frais de retard. Une identité qui peut résonner dans certains marchés même si d'autres concurrents y sont déjà implantés. L'international arrivera ensuite, comme le dit Louis, mais c'est clairement une grosse opportunité. Pour Stripe également, dont le but est de proposer le maximum de choix à ses marchands.

Que ce partenariat dit-il sur la tendance des facilités de paiement et du paiement fractionné en particulier sur les sites e-commerce ?

M.B. Ce que ça traduit ? Que le paiement est une source de business. Le BNPL est un exemple, c'est une facilité de paiement qui augmente la conversion et le revenu des sites. Il y a un changement de mentalité avec le paiement. Nous le voyons sur le marché français, les marchands, les e-commerçants, les retailers commencent à basculer : le paiement passe d'un poste de coût à une opportunité business.

"Pour ancrer le BNPL dans les usages, il faut s'assurer qu'il soit sain, qu'il ne contribue pas au surendettement"

L.C. Je suis absolument d'accord. Le paiement en général a longtemps été vu par les marchands comme une pure source de coûts. Cela reste un coût mais nous pouvons pousser des notions de retour sur investissement (ROI). Il y a des différences de performance entre les méthodes et les acteurs. Chez Alma, nous disons aux marchands de comparer eux-mêmes. Le marché commence à comprendre qu'il y a une vraie notion ROIste à avoir.

Plus spécifiquement sur le BNPL, il y a un changement des mentalités. Quand nous avons lancé Alma il y a six ans, beaucoup de marchands nous disaient que le paiement fractionné ne leur correspondait pas, mais aujourd'hui ils reviennent. Le BNPL est de la montée en gamme pour le client donc, non seulement les produits sont plus chers, mais aussi plus margés. De plus, financer ses achats d'équipements est logique. Je connais peu de personnes qui achètent des voitures cash. Pourquoi ? Parce qu'avoir les moyens et les liquidités d'acheter un produit sont deux choses différentes. Ce qui était vu, comme une solution CSP- devient la norme chez des marques premium. Mais pour ancrer le BNPL dans les usages, il faut s'assurer qu'il soit sain, qu'il ne contribue pas au surendettement. Et pour nous, la seule manière d'avoir une approche saine du BNPL, c'est de ne pas facturer de frais de retard qui sont une incitation pour le prêteur à prêter aux personnes fragiles. Même si ça représente beaucoup d'argent : les frais de retard sur le BNPL peuvent représenter un taux effectif moyen de plus de 150%.

Avec dix et six ans d'expérience, vous avez vu les difficultés de grandir dans le monde du paiement où les acteurs traditionnels sont très implantés. Quels conseils prodigueriez-vous aux nouvelles fintechs ?

L.C. Ce qui distingue Stripe et Alma des entreprises similaires, c'est l'utilisation des nouvelles technologies, notamment du machine learning. Dans le cas de Stripe, c'est pour la gestion du risque de fraude et pour Alma de la fraude et du risque d'insolvabilité. Beaucoup de fintech souffrent en ce moment, et quand je dis "souffrent" c'est qu'elles sont en train de mettre la clé sous la porte. Parce qu'innover et avoir de la tech, ce n'est pas suffisant pour créer un business. Il faut aussi être capable de créer les bons partenariats avec les acteurs traditionnels. On ne peut pas être en remplacement de ce qui se faisait avant, mais plutôt apporter de la valeur à une infrastructure déjà existante. Alma n'est pas venu remplacer les banques, mais créer le pont entre celles-ci et les acteurs du retail. Il y a bien des secteurs où des boîtes tech vont remplacer la vague d'avant, mais je pense que dans le secteur bancaire, pour des raisons de réglementation, des raisons de taille et des raisons de stabilité économique, ça n'arrivera pas.

M.B. Effectivement, sur l'aspect tech, Stripe sait innover avec près de 4 000 ingénieurs. L'échelle à laquelle Stripe opère (1 000 milliards de dollars de paiements processés en 2023, ndlr) nous permet d'exercer nos modèles de machine learning avec une très grande quantité de data. Pour preuve de la performance de nos modèles, l'ensemble des entreprises d'IA sont clientes de Stripe.