Chronopost, DHL, Relais Colis… Ils dopent leur service client à l'IA pour la peak season
Entre la Black Week et Noël, les deux derniers mois de l'année donnent du fil à retordre au service client des prestataires logistique. Mais cette année l'IA entre en piste.
Entre les événements promotionnels du Black Friday et les fêtes de Noël, le pôle service client fait face à l'emballement habituel de fin d'année dans la logistique depuis la mi-novembre. DHL France prévoit, sur le seul mois de décembre, de traiter 18% de colis supplémentaires par rapport au reste de l'année. Chez Relais Colis, le pic monte à plus 60%. Une explosion des volumes qui se répercute automatiquement sur le service client : Chronopost enregistre en moyenne 25% de contacts clients supplémentaires sur la période.
Mais cette année, les transporteurs ont un atout de taille : l'IA générative. Pour la première fois, ils l'injectent dans leur service client pour supporter la peak season. Tour d'horizon des différents cas d'usage.
Relais Colis : un chatbot client
Pour le plus courageux, j'ai nommé Relais Colis, l'IA générative est directement au contact du client. "En moyenne, on enregistre 90 000 tentatives de contact client sur le mois de décembre, contre 45 000 les autres mois de l'année, expose Julien Guillaume, responsable relation client chez Relais Colis. En revanche, nous n'avons pas les capacités de doubler les effectifs en parallèle". Pour supporter ce pic d'activité sans que la facture ne s'envole, le prestataire logistique mise sur un chatbot dopé à l'IA générative. Depuis ce lundi 25 novembre, celui-ci a remplacé le formulaire de contact sur Relais Colis. "Le chatbot repose sur ChatGPT et via API il a accès à la localisation du colis dans le réseau, à la date et au libellé du dernier événement, détaille Julien Guillaume. Evidemment, il n'a pas accès aux données RGPD". Des règles de gestion qui devraient permettre au chatbot de répondre à 100% des contacts client par mail selon Relais Colis : "Où est mon colis ?", "Quand est ce que je vais être livré ?" ou encore "Quelle est ma date de rendez-vous de livraison ?".
Pour être une alternative satisfaisante, Relais Colis a entraîné l'IA générative pour qu'elle identifie quand le colis a dû retard pour faire preuve d'empathie et renseigner les prochaines étapes comme la reprise de l'acheminement du colis ou le lancement d'une enquête en interne. A partir du deuxième trimestre 2025, l'API permettra également la modification des rendez-vous pour la livraison.
30% des appels résolus avec le chatbot
Au-delà de la page formulaire de contact, le chatbot est mobilisé quand la ligne téléphonique est trop encombrée. "Si l'attente au téléphone est de plus de 3 minutes ou si la position dans la file d'attente fait attendre plus de 3 minutes, le client va recevoir une notification pour être redirigé vers le chatbot", décrit le responsable du service client. Dans un premier temps, le transporteur vise la résolution de 30% des appels avec le chatbot. "Ce qui devrait nous permettre de respecter notre taux de joignabilité cible", confie Julien Guillaume. Et si le chatbot ne parvient pas à répondre à la problématique du client… un conseiller humain prend le relais par chat.
Bien que le coût de traitement par IA soit quatre fois inférieur au coût humain, Relais Colis prévoit de maintenir ses effectifs externalisés et de les faire monter en compétence, pour proposer à terme un service premium facturé à ses clients. "Nous avons commencé la montée en compétences des équipes pour qu'elles puissent réaliser des enquêtes de localisation chez les points relais", explique Julien Guillaume. Des tâches auparavant réalisées en agences : ce n'était pas les mêmes délais, ni les mêmes volumétries d'après le responsable du service client. "Le ROI est là : les frais sont moindres en traitant les contacts avec le bot, et derrière nous faisons du premium qui sera potentiellement facturé à nos clients", conclut-il.
DHL et Mondial Relay : des agents IA
Chez DHL, l'approche est plus prudente : pas question d'exposer directement les clients à une IA générative jugée encore imparfaite. L'entreprise mise sur des agents conversationnels internes pour assister ses conseillers. "Nous avons vu comment certains acteurs américains, en voulant être en avance de phase, se sont brûlés les ailes", justifie Thierry Kauffmann, program manager chez DHL. En octobre dernier, le transporteur a misé sur des agents IA avec des systèmes RAG. Ils sont appelés "genAI knowledge chatbot". Ces derniers ont été entrainé sur les principaux documents spécifiques au service client au niveau mondial de DHL (procédures, normes…). "Concrètement, le service client pose une question, l'IA fouille dans sa base documentaire pour soumettre une réponse avec les éléments les plus pertinents", illustre Thierry Kauffmann. A terme, l'agent devrait permettre une formation moins intense pour les conseillers recrutés pour le pic d'activité. "Cette année le timing est trop court", regrette le program manager.
"Il y a un moment où vous êtes obligé d'y aller parce que stratégiquement, vous ne pouvez pas laisser le train passer"
Le service client devrait tout de même gagner en efficacité avec un système unique et multilingue. "Auparavant, tous les documents devaient être traduits et distribués à chaque changement de procédure, avec le risque que certains se réfèrent à une ancienne version, relate Thierry Kauffmann. Maintenant, l'outil est unique et peut être interrogé dans toutes les langues sans étape de traduction". L'agent IA devrait donc permettre un meilleur traitement des appels téléphoniques, soit 50% des contacts clients. Le reste étant géré par le chatbot "traditionnel" de DHL.
Aujourd'hui, le transporteur estime qu'il est encore trop tôt pour juger de la rentabilité de la solution tout juste âgée d'un mois et demi. "Il y a beaucoup de projets où vous vous posez la question de la rentabilité, encore plus sur l'IA générative au vu des coûts des API, confie Thierry Kauffmann. Mais il y a un moment où vous êtes obligé d'y aller parce que stratégiquement, vous ne pouvez pas laisser le train passer".
L'initiative de DHL fait écho à celle menée par le groupe InPost (Mondial Relay). Si Mondial Relay France a intégré en mars dernier un chatbot interne générale dopé à l'IA générative, en Pologne, le groupe a déjà déployé depuis un an un "InChat AI", soit des agent IA spécialisés pour le service client. Le projet devrait arriver en début d'année prochaine dans l'Hexagone. "C'est hype, mais il y a d'autres projets qui amènent plus de valeur actuellement, estime Tomasz Burzyński, directeur data chez InPost. Plus de 50% des cas sont résolus grâce à notre chatbot (traditionnel), ce qui permet déjà de décharger le service client".
Pour autant, les deux sociétés, InPost et DHL, affirme que les chatbot d'IA générative en contact direct avec les clients feront partie de l'avenir. "Nous voulons d'abord éprouver en interne les réponses non adéquates, développe le program manager de DHL. Reste à voir si ce sont des problèmes que l'on peut résoudre ou des défaillances plus structurelles des LLM".
Chronopost : un résumé magique
Le leader français de la livraison à domicile La Poste a aussi positionné l'IA générative auprès des conseillers mais avec une posture un peu différente. Sa filiale Chronopost a développé fin septembre un outil pour lire les informations de tracking. L'objectif ? Accélérer la formation des nouvelles recrues. "Les effectifs totaux courant décembre vont atteindre les 900 personnes, explique Laurent Pluchon, directeur de la relation client chez Chronopost. Soit à peu près 170 personnes de plus pour renforcer les équipes."
Le service de livraison express possède déjà un chatbot basé sur arbre de décision pour absorber une partie des contacts, et le but n'était pas de remplacer cette technologie. "Au départ de chaque contact client, il y a un numéro de commande, qui donne lieu à un suivi colis", rappelle le directeur de la relation client. Cette analyse du tracking colis diligente toutes les actions nécessaires pour apporter une réponse au client : il est perdu, en chemin, déjà arrivé… "Pour chaque conseiller, il y a une formation initiale sur la bonne lecture du tracking, l'ensemble des codes événement, pour lui permettre d'être efficace, explique Laurent Pluchon. Le souci, c'est que ces choses s'apprennent aussi avec l'expérience, et pour la peak season, le timing est assez court".
Pour résoudre cette problématique, Chronopost a créé "le résumé magique". La fonctionnalité permet de synthétiser en quatre phrases plusieurs pages de codes événement. Courant octobre, le transporteur a testé le dispositif avec ses agents confirmés. "Le principal problème remonté était le temps de latence : le conseiller expert qui a l'habitude de voir l'enchaînement des codes événements avait déjà tiré sa conclusion le temps que l'IA génère une synthèse", partage le directeur de la relation client. Après avoir réduit au maximum ce temps de latence, l'outil est noté 4 sur 5 par les conseillers experts de Chronopost.
Si le prestataire logistique n'a pas pu se passer totalement de formation pour ses renforts saisonniers, le "résumé magique" semble prometteur : en synthétisant le tracking colis, il accélère le traitement des demandes et séduit même au-delà du service client. "Quotidiennement, un tiers des sollicitations du résumé magique sont faites par nos collaborateurs en agence qui accueille les clients", ajoute Laurent Pluchon. Pour Chronopost, la prochaine étape est d'enrichir encore l'outil pour qu'il puisse, en fonction du résumé, suggérer au conseiller les actions à réaliser.