À l'heure de Rufus et ChatGPT, Amazon est-il un risque ou un levier d'image ?

" Amazon dévalorise-t-il notre image ? " Cette question revient sans cesse dans les discussions avec les dirigeants de PME, surtout dans les univers premium et B2B.

Le sujet est sensible, car Amazon véhicule encore, dans l’imaginaire collectif, l’image d’un « supermarché » qui nivelle tout par le bas. Pourtant, la réalité est bien plus complexe. En effet, Amazon impose ses propres codes mais c’est aussi pour les marques qui savent s’y investir un levier de notoriété, de crédibilité et désormais de visibilité renforcée, grâce aux nouveaux relais créés par l’intelligence artificielle.

Perception contre réalité : dépasser les idées reçues

Il faut d’abord tordre le cou à une croyance persistante : non, Amazon n’est pas qu’une jungle de contrefaçons et de copies bon marché. Depuis plusieurs années, la plateforme investit massivement pour assainir son image et protéger les marques. En 2024, plus de 99 % des tentatives de publication de produits contrefaits ont été bloquées en amont, avant même leur mise en ligne. Amazon a déployé une IA multimodale, capable d’analyser conjointement le texte, les images et même les comportements des vendeurs. Résultat : le nombre d’infractions signalées a chuté de 35 % depuis 2020.

Dans le même temps, plus de 2,5 milliards d’articles ont été authentifiés grâce au programme Transparency, qui appose un QR code unique sur chaque produit, et près de 15 millions de contrefaçons physiques ont été saisies et détruites en 2024. Des chiffres qui montrent qu’Amazon n’est plus dans une logique défensive mais bien proactive, au service des marques.

En France, la réalité des usages confirme l’ancrage d’Amazon dans le quotidien des consommateurs. Selon la Fevad et Médiamétrie, Amazon domine toujours le e-commerce, touchant plus d’un acheteur sur deux. Une enquête Ifop de 2025 va plus loin : 69 % des Français déclarent avoir acheté sur Amazon dans les 12 derniers mois. Et la part de marché de la plateforme dans le e-commerce français dépasse désormais les 20 %.

Autrement dit, Amazon est devenu non seulement un lieu d’achat, mais aussi un réflexe de recherche et de comparaison. Ne pas être sur Amazon au nom d’une crainte de « dévalorisation » revient donc, pour une marque, à renoncer à un canal qui concentre l’attention et la confiance d’une majorité des consommateurs.

Amazon : une place de marché à piloter

La grande différence entre Amazon et un site web de distributeur classique est fondamentale : c’est une place de marché. Ce sont donc les marques elles-mêmes qui déterminent, en grande partie, la qualité de leur image sur la plateforme.

Les outils existent, encore faut-il les activer. La Brand Registry, accessible gratuitement dès lors qu’une marque est déposée, permet de verrouiller les fiches produits, bloquer les modifications non autorisées et surveiller les vendeurs tiers. En 2024, Amazon a renforcé cette approche avec le « Brand Catalog Manager », qui permet de figer les éléments stratégiques d’une fiche (titres, visuels, mots-clés) pour éviter toute altération.

À cela s’ajoutent les outils de valorisation de contenu :

  • La fiche A+, qui transforme une page produit en mini-site immersif avec comparatifs, visuels en situation et storytelling, peut faire grimper le taux de conversion de 5 à 20 %.
  • Le Store, boutique exclusive au nom de la marque, qui permet de créer un univers visuel cohérent : Amazon estime que les visiteurs y dépensent en moyenne 71 % de plus qu’ailleurs sur la plateforme.
  • Enfin, les outils d’authentification comme Transparency ajoutent une couche de confiance précieuse dans des secteurs premium ou très sensibles.

Autrement dit, Amazon n’impose pas une image : il offre aux marques les moyens de la construire. Mais si ces outils ne sont pas utilisés, l’image est laissée à la merci des revendeurs ou d’acteurs tiers.

Les risques existent, mais peuvent être contrés

Les dérives ne manquent pas. La perte de la Buy Box qui concentre plus de 90 % des ventes reste la plus courante. Un revendeur tiers proposant une remise légère ou un délai de livraison plus court peut capter la majorité des ventes, parfois au détriment de la politique tarifaire de la marque. D’autres marques constatent des fiches modifiées, des visuels altérés, voire des titres tronqués.

Ces situations existent, mais elles ne sont pas une fatalité :

  • Juridiquement, le Brand Registry offre des recours efficaces.
  • Techniquement, les systèmes de verrouillage et de surveillance permettent de limiter les dérives. 
  • Et commercialement, une politique claire vis-à-vis des revendeurs assortis d’une communication proactive reste le meilleur rempart. 

L’erreur la plus fréquente est de considérer qu’Amazon est « trop gros » pour être contrôlé. C’est en réalité l’inverse : plus la plateforme est puissante, plus les outils de pilotage sont indispensables.

Une vitrine incomparable quand elle est maîtrisée

Lorsqu’elles jouent pleinement le jeu, les marques obtiennent des résultats spectaculaires. Pendant le Prime Day 2024, plusieurs PME françaises ont vu leurs ventes exploser, parfois multipliées par dix, avec des budgets publicitaires pourtant modestes. La clé ? Un Store bien conçu, des contenus A+ clairs et une stratégie publicitaire ciblée.

Les résultats dépassent largement la France. Le rapport PME 2024 d’Amazon indique que plus de 16 000 PME françaises ont généré 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires sur la plateforme, dont près de 725 millions à l’export. Amazon devient alors bien plus qu’un canal de vente : c’est un tremplin international.

L’effet de levier des IA : Rufus et ChatGPT

La nouveauté, c’est l’entrée en jeu massive des intelligences artificielles dans la découverte produit. Deux dynamiques coexistent :

  • À l’intérieur d’Amazon, avec Rufus, l’assistant IA lancé en 2024. Rufus guide déjà les acheteurs en proposant des réponses comparatives, contextuelles et conversationnelles. Pour apparaître dans ces recommandations, une marque doit fournir des fiches complètes, des attributs techniques clairs, des Q&A structurées et des visuels crédibles. Une donnée mal renseignée, un titre imprécis ou des images de faible qualité peuvent réduire la visibilité de la marque dans les réponses de Rufus.
  • À l’extérieur d’Amazon, avec des IA généralistes comme ChatGPT. En août 2025, ChatGPT générait déjà près de 20 % du trafic de recommandation vers Walmart et plus de 20 % vers Etsy. OpenAI travaille même à intégrer le paiement et le checkout directement dans son interface, transformant ces flux gratuits en véritables parcours d’achat. Pour les marques, cela signifie que la qualité de leur présence sur Amazon avec des fiches enrichies, des titres optimisés, un stock disponible va déterminer aussi leurs chances d’être recommandées par ces IA externes.

Demain, un consommateur pourra découvrir une marque via ChatGPT, comparer ses produits grâce à Rufus, puis finaliser son achat sur Amazon ou en dehors. Cette convergence illustre bien que la bataille de l’image se joue désormais autant dans la donnée que dans le storytelling.

En conclusion : Amazon est ce que vous en faites

Amazon n’est ni un poison, ni un remède miracle. C’est un miroir grossissant de votre organisation. Si votre marque est structurée, déposée, pilotée et défendue, alors Amazon en sera la meilleure vitrine. Mais si vous la laissez en roue libre, elle risque de devenir un champ de bataille, où vos valeurs, vos prix et votre image seront remis en cause.

Pour vous dirigeants de PME, le message est clair : il est temps de cesser de subir Amazon. Il faut décider, structurer, et agir. Car la vraie question n’est plus de savoir si votre marque doit être présente sur Amazon, mais comment elle doit y être représentée. Et c’est là que tout se joue.