Réutiliser les batteries des véhicules électriques : une fausse bonne idée ?
Alors que l'Europe lance un deuxième projet d'airbus des batteries afin d'être indépendante sur la production de batteries neuves, la question de leur réutilisation reste entière.
Alors que l’Europe lance un deuxième projet d’airbus des batteries afin d’être indépendante sur la production de batteries neuves, la question de leur utilisation 8 à 10 ans plus tard lors de leur sortie du véhicule électrique reste entière. Bien que moins performantes, elles ne sont pas encore en fin de vie et pourraient servir à d’autres usages. De nombreux acteurs communiquent sur cette "seconde vie" mais est-ce vraiment intéressant économiquement ou ne faut-il pas simplement recycler ces batteries ?
Faut-il allonger le cycle de vie en ajoutant une seconde vie à la batterie des VE ?
Tous les cas d’usage de seconde vie ne sont pas exploitables : exemple dans un immeuble de bureaux. Utiliser des batteries en seconde vie pour un immeuble de bureaux peut sembler pertinent a priori. Ces batteries sont moins chères que les neuves et la courbe de charge des bureaux est suffisamment prédictible pour optimiser la consommation. Les batteries pourraient donc être utilisées pour décaler les consommations en heures pleines et heures pointes vers les heures creuses et optimiser sa facture. En réalité, ce cas d’usage est très difficile à rentabiliser en France car le secteur de l’immobilier recherche de la rentabilité à court terme, les règles du marché de l’électricité ne sont pas adaptées et les coûts d’un système à batteries sont souvent négligés.
Un secteur en recherche de rentabilité à court terme
Les bâtiments tertiaires de bureaux présentent l’avantage d’avoir une consommation suffisamment prévisible pour permettre l’exploitation de batteries afin d’optimiser la consommation heures pleines/heures creuses. Dans des conditions très favorables, ce genre d’installation peut espérer un ROI (retour sur investissement) positif après 8 ans. Ces résultats sont donc incompatibles avec un secteur recherchant des ROIs positifs après 3 à 5 ans d’exploitation.
8 ans. C’est le temps minimum pour avoir un retour sur investissement (ROI) positif en utilisant des batteries en seconde vie pour optimiser sa facture
Des offres d’électricité et un marché non propices en France
Les batteries sont utilisées pour décaler les consommations et optimiser les coûts. Elles permettent donc de transférer les consommations en heures pleines et heures pointes vers les heures creuses et de lisser les consommations dans le temps pour optimiser sa facture.
Si techniquement la solution ne pose pas de difficultés particulières, l’équilibre économique reste loin d’être assuré pour diverses raisons qui tiennent à la nature même du marché cible. La rentabilité recherchée est basée sur un écart de prix entre les plages tarifaires et ces écarts ne sont pas assez marqués en France dans les offres des fournisseurs, dans le tarif d’acheminement (le TURPE) et dans les taxes associées.
Des pertes d’énergie significatives avec un système à batteries
Un système à batteries va augmenter la consommation globale d’électricité. En effet, les opérations de stockage et de restitution de l’électricité se font toujours moyennant des pertes d’énergie. En prenant des valeurs raisonnables de rendement de l’ordre de 95%, les surconsommations engendrées sont non négligeables et viennent donc alourdir la facture totale.
Une surconsommation causée par le rendement du système à batteries
Pour un immeuble de bureaux, chercher à compenser totalement ces heures pointes et heures pleines revient à augmenter sa consommation globale d’électricité de plus de 8%. Une surconsommation difficile à contrebalancer avec un marché de l’électricité en France qui ne valorise pas assez l’écart de prix entre les plages tarifaires pour permettre de compenser les pertes accusées par la charge/décharge.
Un cas d’usage inadapté à la seconde vie
En ajoutant le coût du reconditionnement, l’équation devient de moins en moins attractive pour ce cas d’usage. Le reconditionnement est une étape indispensable pour proposer une utilisation en seconde vie et des premières études estiment son coût à 30€ / kWh. Un coût minimal auquel il faut potentiellement ajouter le prix de vente de la batterie qui peut varier de 0 € / kWh pour un constructeur automobile à 30 €/ kWh minimum pour un autre acteur.
L’usage des batteries en seconde vie dans des immeubles de bureaux est donc très difficile à rentabiliser. Ce secteur recherche un ROI à court terme de 3 à 5 ans sur des solutions qui seront rentables après une dizaine d’années. Plusieurs facteurs devront évoluer pour rendre intéressant ce cas d’usage à savoir le marché de l’électricité (tarification dynamique), les techniques et technologies (reconditionnement, rendement) et potentiellement la réglementation. Malheureusement pour la rentabilité et l’avenir de ce cas d’usage, ce sont des évolutions qui sont longues à mettre en œuvre.
Une seconde vie qui dépendra des cas d’usage
Bien qu’une seconde vie de batterie semble pertinente, une batterie sortant d’un VE ne sera pas toujours exploitable. Ces batteries nécessitent un reconditionnement coûteux et induisent des surconsommations. De plus, les cas d’usage de seconde vie restent flous avec des rentabilités très variables. Une seconde vie devra se faire via un accord avec le constructeur automobile pour notamment baisser le prix du reconditionnement. Les cas d’usage doivent être étudiés selon un modèle économique et non uniquement en prenant en compte les aspects environnementaux ou l’image de marque des constructeurs. Sans rentabilité économique, ces cas d’usage risquent de s’apparenter à du Greenwashing des acteurs et verront difficilement le jour et c’est pourtant un axe intéressant pour diminuer le coût des batteries et par conséquent le prix d’achat d’un VE.