Mathieu Llorens (AT Internet) "Nous voulons faciliter l'accès au Big Data"

L'acteur français du Web Analytics détaille sa singularité, dévoile ses projets de R&D, et fait le point sur ses ambitions internationales.

JDN. Acteur français du Web Analytics lancé dès 1996, AT Internet a procédé à une nouvelle levée de fonds, de 6,25 millions d'euros, en juin dernier, pour se développer à l'international. Comment se passe cette expansion ?

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Mathieu Llorens est directeur général d'AT Internet. © AT Internet

Mathieu Llorens. Plusieurs priorités guident aujourd'hui notre développement à l'international D'abord le Brésil, où nous employons déjà 6 personnes et où nous cherchons à recruter davantage. Ensuite, l'Asie, où nous venons d'ouvrir un bureau à Singapour avec 3 employés, et là aussi bientôt plus. Enfin, nous somme à Moscou depuis 2 mois, et où l'on a déjà signé de beaux contrats, comme par exemple avec le moteur de recherche et portail russe Rambler.

Si nous sommes déjà implantés en Europe avec de belles références, comme Deutsche Telekom et Soundcloud, nous mesurons déjà 4 milliards de pages en Amérique latine et 4,5 milliards en Asie. Nous réalisons aujourd'hui la moitié de notre chiffre d'affaire à l'international. L'objectif est que cette part atteigne 75% d'ici deux ans. En France, où nous sommes présents depuis 1996, notre potentiel est plus faible.

Pourquoi un site Web opterait pour AT Internet plutôt que les solutions de Web Analytics rivales comme Google Analytics Premium ou Adobe Analytics ?

Je citerai trois arguments principaux. Il y a déjà la flexibilité de notre solution, qui peut séduire par sa proximité, et par la personnalisation que nous pouvons apporter, mais que ne proposent pas les outils de grandes entreprises américaine. Ensuite, je mettrai en avant notre performance et notre fiabilité, qui passent par des engagements de performance élevée en matière de collecte de données ou d'accès à ces dernières notamment.

Enfin, nous sommes indépendants, et français, ce qui peut être un argument important pour la sécurité des données collectées et analysées. Je précise cependant que les décideurs n'ont pas attendu les derniers scandales liés à la NSA pour être sensibles à cet argument.

Par ailleurs, nous avons aussi des concurrents de Google comme client, et ils ne veulent évidemment pas faire appel aux outils de ce géant... Des banques ou des administrations n'en veulent souvent pas non plus.

J'ajoute que nous soignons aussi notre support et le consulting que nous proposons : ce sont des activités qui sont presque surdimensionnées chez nous... Dans son évaluation, Forrester nous a d'ailleurs attribué la meilleure note sur ce point.

Vous avez aussi récemment annoncé vous lancer dans le Big Data via le projet "SpeedData", soutenu par l'Etat dans le cadre des "Investissements d'Avenir". Quel est le but de ce projet ?

Nous avons en effet un partenariat avec de brillants cerveaux du Labri, le Laboratoire Bordelais de recherche en informatique. L'objectif final est de développer une plateforme décisionnelle en mode SaaS offrant des analyses de données inédites.

Mais j'ai parfois un peu du mal avec cette notion floue de Big Data, qui relève souvent plus du buzzword qu'autre chose. L'immense majorité des entreprises n'a pas besoin d'utiliser de telles technologies, très avancées et difficiles à prendre en main. Mais nous oui.

Nous allons utiliser le Big Data pour détecter des anomalies

A mon avis, même des sites Internet d'envergure ne manipuleront pas les technologies Big Data, et préfèreront sans doute plutôt faire appel à des prestataires. Nous pensons donc que nous devons accompagner les clients dans leur usage du Big Data. Ce n'est donc pas du tout la même approche que celle de l'offre Big Data de Google, Google BigQuery, par exemple.

Nous voulons faciliter et simplifier l'accès au Big Data, ce qui peut par exemple passer par de la datavisualisation, pour que nos clients puissent tirer bénéficie du Big Data, sans forcément leur mettre ces technologies complexes entre les mains. Mais après, c'est vrai qu'il n'est pas impossible que certains de nos clients, très mûrs sur ces questions, veuillent et puissent les manipuler eux-mêmes.

Nous allons aussi utiliser ces technologies de Big Data pour détecter des anomalies, pour traiter des aberrations remontées par les outils de Web Analytics. Identifier des phénomènes anormaux en interprétant les données remontées peut sembler simple, mais ces données peuvent être influencées par tant de facteurs extérieurs complexes, comme la météo, les ventes offline, les statistiques financières, ou les données des flux logistiques... Or, le Big data se prête bien à cet usage.

Sur quoi d'autres travaille aujourd'hui la R&D d'AT Internet ? 

Nous nous concentrons beaucoup sur les API, que nous souhaitons faire aller plus loin que de simples exports/imports, en y ajoutant une couche d'intelligence. Il ne s'agit plus seulement de faire passer les données d'un endroit à l'autre, sans limites d'appels, mais aussi d'ajouter une interface pour manipuler ou transformer ces données, avec un moteur de requêtes.

Nous travaillons aussi beaucoup sur l'analyse du trafic issu des mobiles, que nous souhaitons faire gagner en fiabilité et en efficacité, par exemple pour permettre de meilleures segmentations par device, et de facilement comparer ces segments. Car l'analytics mobile n'est pas simple à bien faire... et d'ailleurs, aujourd'hui presque personne ne le fait correctement, à part quelques acteurs de niche.

Consolidation de l'information, API, SDK, interface et dashboarding... ce travail d'amélioration de l'analyse du trafic mobile va impacter tous les niveaux. Des nouveautés dans ce sens sont attendues pour début 2014. Nous sommes par ailleurs passés au développement agile, pour accélérer les développements, et ajouter des possibilités plus régulièrement, à un rythme plus soutenu.

Enfin, l'un de nos autres défis est de rendre plus accessibles les données remontées par les outils de Web Analytics. Avoir une dimension encore un peu trop limitée aux pages vues et aux visiteurs uniques est un reproche fréquent qui nous est adressé. Il faut que nous les ouvrions à de nouvelles dimensions, pour que les directions générales, ou marketing, puissent s'y retrouver plus facilement.