Big Data : des laboratoires de données pour réconcilier DSI et opérationnels

Les projets analytiques répondent à deux typologies distinctes, souvent antagonistes. Soit ils sont pilotés en central, ils sont sponsorisés par la DG et mis en œuvre par la DSI. Soit ils sont tactiques, et menés à l’initiative de départements métiers. Partis de zéro, ils font alors fi de l’existant et des standards décisionnels de l’organisation.

Ces deux typologies portent chacune des promesses qui semblent incompatibles. D’un côté une gouvernance unifiée et centralisée des données, gage de leur cohérence et de leur qualité. De l’autre une souplesse et une autonomie dans les analyses, synonyme d’agilité. Au centre, une fracture, celle de la DSI et des équipes métiers.
Très souvent constatée sur le terrain, cette dichotomie est regrettable. Pourquoi en effet choisir entre gouvernance et agilité ? Ne doit-on pas au contraire chercher à associer le meilleur des deux mondes ? D’autant qu’un terrain d’entente existe ! Seulement pour le trouver, les organisations devraient se pencher sur les raisons qui poussent nombre d’opérationnels à contourner leur DSI en déployant dans leur coin des offres décisionnelles accessibles en self-service, quasi prête à l’emploi et très facilement manipulables.

Que recherchent avant tout ces opérationnels ?

Un maximum d’indépendance vis-à-vis de leur DSI. Indépendance dans l’élaboration des analyses, dans l’exploration des données, dans leur mode de visualisation et surtout dans le croisement de sources hétérogènes. De plus en plus, les départements désirent en effet enrichir leurs analyses avec des éléments piochés en dehors de l’infocentre de la société.
En récupérant ici des objectifs trimestriels tirés de fichiers Excel, là des prévisions envoyées par les partenaires, là-bas des données météorologiques ou socio économiques, etc. Leur finalité ? Bâtir à la volée leurs propres indicateurs, et les diffuser à toutes les personnes concernées.  
Problème : cet enthousiasme se heurte à la stratégie des DSI. Lesquels, rappelons-le, sont garants de la cohérence et de l’alignement stratégique des systèmes d’information. Depuis des années, ils s’évertuent à déployer des plateformes décisionnelles renfermant des jeux de données fiables et centralisés, assortis à une sémantique commune. Leur priorité : éviter au maximum la prolifération de silos indépendants et maintenir une version unique de la vérité.
En l’occurrence celle d’objets métiers (un chiffre d’affaire, un calcul de marge, une rentabilité client, etc). Dès lors, toute velléité d’indépendance des utilisateurs est perçue par les DSI comme un retour en arrière, voire une négation de leur travail d’uniformisation de la donnée.
Fort heureusement, une troisième voie se dessine, marquée par le consensus. Une voie médiane réconciliant les exigences des deux populations. Cette piste consiste à greffer sur les plateformes analytiques d’entreprise des zones exploratoires, destinées à tous les utilisateurs métiers (siège, agences, magasins, forces de vente…) pouvant utiliser des fonctions de « data blending ».
 
Ces espaces, stockées en mémoires sur les serveurs, rendraient accessibles les métadonnées définies en central tout en autorisant la construction d’analyses et d’indicateurs personnels à partir du web ou sur terminaux mobiles. Elles faciliteraient également l’import de sources externes et leur association avec les données référencées en central.
L’intérêt de ces laboratoires de données ? Observer, tout en les encadrant un minimum, les expérimentations menées par les métiers et en ce sens, cerner leurs besoins pratiques. L’objectif est double.
Non seulement apporter suffisamment de souplesse aux utilisateurs pour qu’ils ne délaissent pas la plateforme décisionnelle d’entreprise, mais surtout identifier les indicateurs, jeux de données et analyses, qui méritent d’être industrialisés et diffusés au plus grand nombre. Autrement dit les nouveaux éléments qui doivent faire l’objet de traitements préalables par la plateforme (calculs de valeurs, chargement de données, publication de tableaux de bord, etc).
Ce modèle hybride, basé sur l’enrichissement continu, casse avec l’image monolithique des plateformes d’entreprises. Trop souvent perçues comme le seul fruit du top management, celles-ci gagneraient en collégialité. A ce stade pourtant, la difficulté est moins technologique qu’organisationnelle.
Avant de déployer ce cadre participatif, des règles précises doivent être définies pour superviser les expérimentations.
  • Quelles analyses méritent d’être capitalisées ?
  • Celles qui sont le plus reprises par les utilisateurs ou celles qui plaisent le plus aux managers ?
  • Doit-on systématiquement valider toutes les sources de données externes pointées par les utilisateurs ?
  • Qui assure cette sélection ?
  • Qui sera habilité à consulter ces nouveaux gisements ?
Autant de questions organisationnelles que devront résoudre ensemble DSI et métiers, autant de compromis à réaliser de part et d’autre.
Le sujet des données non structurées avec le Big Data (web, digital…) est une opportunité qui va permettre ce rapprochement inévitable pour savoir comment d’une part, stocker et rendre visible cette information, mais aussi d’autre part, quels usages développer afin que l’entreprise en tire des bénéfices.