Les cookies tiers vont-ils entraîner la publicité ciblée dans leur chute ?

Initialement annoncé pour fin 2022, les cookies tiers ne seront finalement plus pris en charge en 2023 par Chrome. Bien que d'autres navigateurs comme Safari et Firefox les bloquent déjà par défaut, Google vient bouleverser le secteur de la publicité en ligne puisqu'il représente à lui seul plus de 68% des parts de marché avec Chrome.

L'intérêt des cookies tiers est de pouvoir suivre le parcours des internautes sur les différents sites web consultés, et ainsi permettre le ciblage de leurs intérêts. En ce sens, ils représentent des outils très utilisés par les annonceurs. Google a mis en place un plan allant au-delà de la simple suppression de cookies. A l’aide de technologies mettant l’accent sur le respect de la vie privée plutôt que sur les cookies tiers, la firme souhaite mettre en place de nouvelles méthodes de suivi des utilisateurs.

Face à ces annonces, des questions émergent : vont-elles mener à la fin de la publicité sur internet et menacent-elles le monde du marketing digital ?

La remise en cause du système : entre confidentialité et efficacité 

Les utilisateurs sont à l’origine de cette décision. Sur le sujet de la confidentialité, la méfiance vis-à-vis de Google et Facebook est croissante puisque les utilisateurs sont de plus en plus soucieux de voir leurs données personnelles protégées. L’application de récentes lois comme le règlement général sur la protection des données (RGPD) en 2018 ou le futur règlement ePrivacy 2021, imposent un cadre réglementaire de transparence aux entreprises et soulignent les premiers signes d’évolution. Il est primordial que l’internaute puisse comprendre comment ses données personnelles sont utilisées afin de lui permettre de choisir s’il souhaite ou non les communiquer. C’est le cœur du problème concernant les cookies tiers puisque, pour la création de profils extrêmement ciblés, une récupération et une revente des données des internautes est réalisée pour permettre le ciblage publicitaire. Les utilisateurs deviennent donc méfiants face à l’exploitation massive et opaque des données.

Les cookies tiers présentent d’autres problèmes que les enjeux de confidentialité qui impactent directement les annonceurs. Tout d’abord, en étant accessibles à toutes les entreprises, les données manquent de précision et sont partagées entre tous ceux qui peuvent se les payer. Ensuite vient la question de la fiabilité puisque les annonceurs ne peuvent ni vérifier la provenance des informations, ni leur ancienneté, ni leur exactitude. Ils sont donc dans l’incapacité de juger de la pertinence d’une campagne de publicité pour l’utilisateur. A titre d’exemple, une personne peut recevoir une publicité pour des billets d’avion pour la Suède à la suite d’une recherche de photo de paysage de ce pays, même si elle ne souhaite pas voyager là-bas.  

La fin des cookies tiers semble proche, notamment car les internautes savent désormais se servir de bloqueurs de publicité et d’autres méthodes comme le mode incognito ou les réseaux anonymes type Tor afin de ne plus être pistés.

Et si "Privacy sandbox" était la solution ?

La fin de ces données ne signifie pas la mort de la publicité ciblée pour autant. Lors de l’annonce de sa décision, le programme Privacy Sandbox a été présenté par Google. Son objectif est la création de technologies alternatives de ciblage. En effet, par ce programme, Google entend récolter lui-même les données des utilisateurs afin que les annonceurs puissent ensuite y avoir accès en utilisant une API sécurisée. Cette méthode respecterait la vie privée des clients puisque les entreprises n’accèderaient pas à des données trop personnelles. Le géant souhaite d’ailleurs l’intégration de l’ensemble des acteurs du marché à ce projet. Le nouveau mécanisme FLoC, ou Federated Learning of Cohorts, fait partie de ces propositions. Il est testé en tant qu’alternative possible aux cookies tiers et "respectueuse de la vie privée". Grâce aux historiques de navigation similaires par segments d’audience, les utilisateurs sont réunis par Google dans le but d’empêcher les annonceurs de retracer leur navigation individuelle.

Malgré cette alternative, certains questionnements demeurent, comme le fait de savoir si les annonceurs seront obligés de s’orienter uniquement vers Google et Facebook. Avec la disparition des cookies tiers, se reposer sur les Big Tech représente une solution de facilité pour les entreprises puisque ces géants regroupent des milliards d’utilisateurs pouvant être potentiellement traqués. Selon une étude, Google et Facebook détiendraient déjà 75% du marché de la publicité en ligne.

Les critiques concernant FLoC sont nombreuses. Elles viennent notamment des défenseurs de la vie privée, des régulateurs mais aussi d'autres entreprises comme Amazon qui a bloqué son utilisation sur ses propriétés web. Comparée aux cookies tiers, recevant uniquement les informations des sites consultés, l’analyse complète de l'historique de navigation des utilisateurs est réalisée par le programme et représente alors un volume de données important. De plus, du fait des risques de non-conformité avec le RGPD, les tests FLoC n’ont pas été réalisés dans l’Union Européenne.

Adieu le cookie tiers, bonjour le cookie natif

Les solutions que Google propose ne sont en réalité pas optimales mais elles ne sont évidemment pas les seules. La solution au problème ne serait-elle pas de se concentrer sur le client et de renforcer ses liens avec l’entreprise ? Les cookies natifs, ou first-party, ont alors leur rôle à jouer. En effet, les marques ou les entreprises récupèrent ces données de manière directe auprès de leurs clients et utilisateurs lorsque ces derniers ont des interactions sur leur site Web par des jeux concours ou des formulaires de requête par exemple. Ce type de cookies présente des atouts majeurs puisque les informations sont à la fois authentiques, précises, et données de façon volontaire par les utilisateurs eux-mêmes. En conséquence, la relation de confiance avec le client et sa fidélisation n’en sont que renforcées, tout en respectant sa vie privée. Cela permet également la création de campagnes marketing davantage personnalisées.

De nombreuses entreprises utilisent déjà ces cookies natifs qui ne sont pas nouveaux. Désormais, le défi lancé aux marques est l’optimisation et l’utilisation de ces informations à bon escient. Cela passe par l'utilisation d’outils adaptés comme les Customer Data Platforms ou d’autres systèmes équivalents. Par ces systèmes, l’unification et la consolidation des données first-party est possible. Cela permet la création de profils clients et de segments d’audience aussi complets que personnalisés avant la redistribution aux outils d’activation de l’entreprise comme le CRM ou le Marketing.

Mais les cookies tiers entraînent dans leur chute une remise en question de tout l’écosystème du marketing digital, obligeant les entreprises à repenser leur façon de faire concernant la publicité sur le web. Cette transformation pourrait pourtant se révéler bénéfique si les données first-party sont favorisées par les acteurs. Etant à la fois précis et pertinents, ces renseignements viennent aider les spécialistes du marketing à proposer sur divers canaux des expériences plus significatives et plus intéressantes à leurs clients. Pour finir, une entreprise peut concurrencer les autres par l’obtention d’informations uniques sur ses prospects et clients. Pour l’ensemble des spécialistes du marketing, il est désormais nécessaire de réfléchir à des outils adaptés afin de bénéficier pleinement de ces données.