Mesosphere, la start-up qui défie Docker et Kubernetes

Mesosphere, la start-up qui défie Docker et Kubernetes La société de San Francisco s'est fait un nom dans les architectures informatiques distribuées et containérisées. La concurrence de Docker EE et surtout de Kubernetes rebat toutefois les cartes.

La start-up américaine Mesosphere porte bien son nom. La mésosphère est la couche de l'atmosphère qui se situe au-dessus de la stratosphère, entre 50 et 80 kilomètres d'altitude. Elle constitue en quelque sorte la zone tampon entre la Terre et l'espace. Monter dans les couches hautes de l'informatique distribuée, c'est, de fait, la vocation de la jeune pousse. De l'outil de gestion de cluster Mesos à DC/OS (un système d'exploitation pour data center) en passant par l'orchestrateur de containers Marathon, Mesosphere n'a eu de cesse depuis sa création en 2013 de vouloir progresser dans la chaîne de valeur de l'infrastructure informatique.

L'histoire de Mesosphere remonte à la fin des années 2000. A l'époque, son futur co-fondateur Benjamin Hindman, alors étudiant à Berkeley, planche dans le cadre de ses travaux universitaires avec deux de ses camarades sur une technologie de gestion de cluster. Leurs travaux aboutissent en 2009 à la sortie de Mesos. Un outil open source qui permet d'allouer aux applications les ressources informatiques dont elles ont besoin (CPU, espace de stockage, réseau...). Il est notamment adapté pour piloter des applications big data distribuées à grande échelle, comme Hadoop, Spark, Storm ou Kafka. Objectif : gérer plusieurs dizaines de milliers de serveurs au sein d'un même cluster. Une promesse qui a rapidement séduit des sociétés comme Twitter, eBay ou AirBnB.

Le couple Mesos - Marathon

Dans les années qui suivent, Mesos est associé à Marathon, un orchestrateur de containers, lui aussi open source. Le but est de répondre à la montée en puissance  des besoins autour des containers Docker et des architectures reposant sur cette technologie. On retrouve aujourd'hui ces deux briques dans l'offre DC/OS (Datacenter Operating System) de Mesosphere. Cette plateforme vise plus précisément à faire tourner des systèmes d'informations à base de micro-services containérisés.

Console de pilotage de l'orchestrateur de containers Marathon. © JDN / Capture

Pour soutenir son développement, Mesosphere a procédé à plusieurs levées de fonds. En mars 2016, le Californien levait 73,5 millions de dollars, auprès notamment de HPE et Microsoft, portant à près de 126 millions de dollars le total des fonds engrangés depuis sa création. Au-delà de l'entrée des deux géants à son capital, Mesosphere a noué des partenariats avec eux. HPE revend ses solutions en direct ou via son réseau de partenaires. DC/OS a par ailleurs été intégré par le groupe à son offre technologique de cloud privé (Synergy). Quant à Microsoft, il a porté DC/OS sur Azure dès 2015 pour offrir à ses clients un moyen de gérer des déploiements massifs de containers Docker sur son cloud. La même année, on prêtait à Microsoft l'intention de racheter Mesosphere pour plus d'un milliard de dollars (dixit The Information).

Une longueur d'avance pour Kubernetes

Une opportunité qui ne se présentera peut-être plus tant la donne a changé depuis.  La guerre des orchestrateurs de containers qui s'est engagée entre Mesos Marathon, Docker Swarm et Kubernetes (soutenu par Google et Red Hat) semble bel et bien avoir été remportée par ce dernier. K8 (le petit nom de Kubernetes) s'envole. Pour preuve : le nombre de ses contributeurs sur GitHub (plus de 1 500) ou encore son taux de pénétration qui ne cesse de croître de mois en mois (cf. le dernier baromètre de Datadog). Les deux autres camps semblent d'ailleurs avoir baissé pavillon. A la dernière DockerCon Europe en octobre 2017, Docker a annoncé supporter Kubernetes dans sa version Enterprise Edition (EE). Quant à Mesosphere, il l'a devancé en officialisant un mois plus tôt le support de Kubernetes par DC/OS, faisant ainsi cohabiter ce dernier avec Marathon.

"DC/OS pourrait devenir la plateforme coordonnant les clusters Kubernetes dans une approche de livraison continue"

Les géants du cloud ont, eux aussi, officialisé cette victoire par KO. Avec son nouveau service EKS (pour l'heure disponible en version préliminaire), Amazon propose un environnement Kubernetes managé. EKS gère la disponibilité et le dimensionnement d'une infrastructure Kubernetes, cluster par cluster. Avec AKS, Microsoft Azure commercialise une solution équivalente.

Une fois cette prédominance de Kubernetes actée, "Mesosphere n'a pas d'autre solution que de sortir par le haut", analyse  Kévin Sztern, consultant chez Octo Technology. Pour lui, la prise de position de Mesosphere suite à la dernière  KubeCon est révélatrice (lire le post : Kubernetes is not an island). "Elle donne une indication claire sur la direction que prend Mesosphere. En l'occurrence, DC/OS pourrait devenir la plateforme qui coordonne les différents clusters Kubernetes utilisés pour le développement, le test et la production, dans une approche de livraison continue", décrypte Kévin Sztern.

Dans le sillage de cette stratégie, Kévin Sztern note une évolution dans la communication de la société. Alors que la marque Mesosphere est toujours mise en avant, les technologies Mesos et Marathon ne sont, elles, plus guère mentionnées, disparaissant au profit de DC/OS.

Un positionnement qui doit être clarifé

Principale conséquence, Mesosphere va devoir clarifier son message. Pour Arnaud Mazin, manager référent chez Octo Technology, "la société est prise en tenaille car elle cherche à s'adresser à deux communautés bien distinctes, celle de la containerisation d'un côté, et celle du big data et d'Hadoop de l'autre." Un positionnement fragilisé par la prédominance prise désormais par Kubernetes et les velléités des pure players du big data.

Attendu au tournant, Mesosphere aurait tort de vouloir concurrencer frontalement Kubernetes ou Docker. La start-up doit une fois de plus monter dans la chaîne de valeur. "DC/OS pourrait devenir le socle commun entre le volet orchestration géré par Kubernetes et le monde du distribué et du big data, avec l'écosystème NoSQL et Hadoop", poursuit Arnaud Mazin.

Tableau de bord de monitoring de DC/OS. © JDN / Capture

Pour rappeler sa légitimité dans le monde du big data, Mesosphere met en avant son appartenance à l'architecture Smack (pour Spark, Mesos, Akka, Cassandra, Kafka), au sein de laquelle la brique Mesos assure la gestion des ressources. Un édifice, certes un peu artificiel, qui a pour but de rassembler exclusivement des solutions open source distribuées par la fondation Apache. Mais là encore, Mesosphere est attaquée par Kubernetes. Depuis sa version 1.7, sortie en juillet dernier, l'orchestrateur facilite l'intégration d'API personnalisées via son concept de custom resource definition (CRD). Ces API pourraient servir de points d'accroche à l'écosystème Hadoop, et ainsi faire de Kubernetes un socle de gestion clustérisée concurrent de Smack. Kubernetes propose déjà des connecteurs pour Kafka et ElectricSsearch sur GitHub.

Une forte présence dans le Fortune 50

Pour se donner un peu d'air, Mesosphere tente de se diversifier. En mars 2016, la société présentait Velocity, une plateforme d'intégration continue basée sur l'application Jenkins. "Elle n'apporte cependant pas de réelles valeurs ajoutées par rapport à cette dernière", constate Kévin Sztern. Pour le consultant d'Octo Technology, "il n'est pas toujours facile de donner du sens aux annonces de Mesosphere qui se multiplient".

Kévin Sztern rappelle toutefois que, grâce à sa base installée, Mesosphere demeure bien accroché à son marché. "Historiquement, le Californien est très présent chez les très grands comptes. Une entreprise du Fortune 50 sur quatre utiliserait Mesos, la solution étant présentée comme l'une des seules capables de gérer de très forte volumétrie", explique le consultant. Il reste donc encore du temps à la start-up pour clarifier sa stratégie.