Pourquoi IBM fait le pari du multicloud

Pourquoi IBM fait le pari du multicloud Le géant américain entend appliquer une approche agnostique du cloud pour aider les entreprises à tirer profit des avancées de l'intelligence artificielle.

Si la bataille fait rage entre Alibaba, Amazon, Google et Microsoft sur le terrain du cloud public, IBM prend un chemin différent. Certes, Big Blue dispose d'une offre de cloud public : IBM Cloud (qui regroupe sous une même marque le PaaS Bluemix et le IaaS issu du rachat de SoftLayer). Mais le groupe promeut plus que jamais une approche hybride.

A l'heure où les entreprises basculent des pans entiers de leur système d'information dans le cloud, 90% d'entre elles utiliseront plusieurs services et plateformes cloud à horizon 2020 (dixit IDC). IBM en a bien conscience. "Adresser un environnement hybride multicloud implique des plateformes, des outils mais aussi de l'expertise. IBM réunit les trois", argue Ramzi Ben Ouaghrem, directeur technique de l'entité cloud de la filiale française du groupe. Sur ce terrain, la société d'Armonk bénéficie de plusieurs décennies d'accompagnement de clients et revendique pas moins 100 000 migrations réalisées. "Chaque migration vers le cloud est unique. Il faut tenir compte de l'emplacement des applications, de la localisation des données, de l'intégration des fournisseurs", égraine le CTO.

Le choix de standards ouverts

En termes d'outillage, IBM a rassemblé ces dernières années différentes pièces du puzzle. Comme brique de base, on retrouve d'abord IBM Cloud Private (ICP), une solution de cloud privé qui permet de gérer des applications containerisées sur site. Elle intègre des frameworks open source, tels l'orchestrateur Kubernetes et le PaaS Cloud Foundry mais aussi des services de déploiement, de monitoring et de sécurité. Le pendant cloud public d'ICP s'appelle IKS, pour IBM Cloud Kubernetes Service. Au-dessus, on trouve Cloud Orchestrator, une cloud management platform qui automatise le provisionnement de services et charges de travail cloud. Avec Cloud Brokerage Managed Services, IBM propose en outre une solution de broker de cloud conçue pour aider les entreprises à optimiser leurs coûts dans une stratégie multicloud. Elle découle du rachat de Gravitant fin octobre 2018.

"IBM est déjà le principal co-contributeur du projet Kubernetes avec Google"

En parallèle, IBM lançait Multicloud Manager. Basé lui aussi sur Kubernetes, ce système de gestion multicloud permet de gérer des environnements dédiés, des clouds publics, privés ou hybrides depuis une interface unique.  Multicloud Manager s'appuie sur ICP pour encapsuler les applications dans des containers afin de les gérer quel que soit leur emplacement. Son tableau de bord met en musique leurs règles de conformité et de sécurité. Avec Multicloud Manager, IBM entre en concurrence avec des acteurs comme Nutanix et Kublr.

Au sein de ce portefeuille, IBM donne une large place aux standards ouverts. Objectif : offrir des technologies agnostiques afin de réduire la dépendance aux providers de cloud et assurer la réversibilité des applications et des données. En rachetant Red Hat, chantre open source du cloud hybride, Big Blue élargit encore son écosystème et sa communauté de développeurs. "IBM est déjà le principal co-contributeur du projet Kubernetes avec Google", rappelle Ramzi Ben Ouaghrem. Avec Red Hat, le géant informatique s'empare notamment de l'offre de PaaS de containers logiciels OpenShift, mais aussi de Tectonic, une plateforme de gestion de containers multicloud s'appuyant là-encore sur Kubernetes.

Sur le front du multicloud, le cabinet Ovum classe IBM parmi les challengers derrière DXC, Micro Focus, Oracle et VMware. © Capture / JDN

L'acquisition de Red Hat devrait venir renforcer la stratégie hybride et multicloud d'IBM. Selon un benchmark d'Ovum, les deux sociétés se classaient sur ce segment parmi les challengers derrière DXC, Micro Focus, Oracle et VMware. Dans cette étude, le cabinet pointait la faiblesse d'IBM en matière d'environnements de virtualisation, évoquant Oracle VM et... Red Hat Enterprise Virtualization (RHEV) comme alternatives. Mécaniquement, le rachat de Red Hat vient donc combler ce vide.

Utiliser l'IA pour créer l'IA

L'approche ouverte et agnostique que défend IBM doit selon ce dernier aider les entreprises à tirer pleinement profit des apports de l'intelligence artificielle. En même temps que Multicloud Manager, le groupe a lancé AI OpenScale. Cette plateforme vise à répondre à la difficulté que connaissent les experts en data science de devoir jongler entre des outils d'IA disparates issus de multiples fournisseurs. AI OpenScale permet de gérer le cycle de vie d'une IA, quelle que soit la plateforme de développement qui a servi à la construire ou l'environnement dans lequel elle s'exécute. La solution supporte les frameworks Tensorflow, Scikit-learn, Keras et SparkML et des plateformes de création, de formation et de déploiement de modèles d'IA dont Watson et PowerAI d'IBM mais aussi Seldon, Amazon SageMaker ou encore Microsoft AzureML.

Avec AI OpenScale, IBM entend par ailleurs favoriser la démocratisation de l'IA hors du cercle des spécialistes de la donnée dans le sillage de son offre Data Science Experience. AI OpenScale formule dans des termes accessibles la manière dont l'IA prend des décisions ou émet des recommandations et s'assure qu'elle se conforme aux réglementations de type RGPD. La solution corrige de manière automatique les biais dans une application d'IA. Enfin, AI OpenScale intègre, en bêta, un moteur de synthèse de réseau neuronal. Baptisé NeuNetS (pour Neural Network Synthesis Engine), il est taillé pour automatiser la création de réseaux de neurones, à l'instar d'AutoML de Google. Ou comment utiliser l'IA pour créer de l'IA.