On peut être auteur d'un logiciel non protégeable par le droit d'auteur !

Le logiciel, ou programme informatique, est protégé par le droit d'auteur, à condition d'être original. Ceci signifie que, dans certains cas, on peut être l'auteur d'un logiciel, sans pour autant pouvoir bénéficier des prérogatives du droit d'auteur.

L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 novembre 2015 est intéressant en ce qu'il rappelle que l'on peut rapporter la preuve que l'on est l'auteur d'un logiciel, mais que cette démonstration ne se confond pas avec celle de l'originalité du programme.

Dans cette affaire, un informaticien revendiquait des droits d'auteur sur une série de logiciels d'émulation, permettant de faire fonctionner des programmes informatiques sur des ordinateurs auxquels ils ne sont pas destinés, notamment en simulant la présence d'un disque dur. Ces logiciels d'émulation étaient commercialisés par une société qui, du jour au lendemain, en 2010, a signifié à l'informaticien la cessation de leurs relations commerciales.

L'informaticien prétendait être l'auteur des logiciels en question et réclamait l'interdiction de leur exploitation par cette société.

Comme en première instance, la Cour d'appel a considéré que l'informaticien rapportait bien la preuve qu'il était l'auteur des logiciels, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel "la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée."

En l'espèce, la Cour s'est fondée notamment sur un dépôt du code source du logiciel auprès de l'Agence pour la Protection des Programmes (APP), réalisé pourtant en 2011, c'est-à-dire postérieurement à l'éviction de l'informaticien. Cette preuve est utile mais n'est pas parfaite car, a priori, n'importe qui peut déposer des sources à l'APP. Un dépôt à l'APP n'est pas non plus créateur de droits mais permet seulement de matérialiser l'existence, à un instant t, d'un code informatique. C'est la raison pour laquelle le demandeur fournissait également des attestations de tiers confirmant la qualité d'auteur sur les logiciels litigieux.

Las pour l'informaticien, la preuve de la qualité d'auteur n'est qu'une étape vers la reconnaissance des droits d'auteur. Il lui fallait en effet démontrer en sus que les logiciels étaient originaux, c'est-à-dire qu'ils portaient l'empreinte de la personnalité de leur auteur, étant précisé que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de justice de l'Union européenne, ni les fonctionnalités, ni le langage de programmation, pas plus que le format des fichiers ne sont protégeables.

La Cour d'appel de Paris devait donc vérifier si le programmeur avait fait des choix personnels résultant d'un effort créatif. Cet aspect de la protection des logiciels par le droit d'auteur pose régulièrement problème. Et en l'espèce, un rapport d'expertise trop sommaire n'a été d'aucune utilité. Les juges ont considéré qu'en l'état des éléments de preuve qui leur étaient soumis, il n'existait aucun élément relatif aux choix de l'informaticien. Il n'était pas démontré en quoi son travail se démarquait du travail d'autres informaticiens. En quoi, donc, il était original.

La protection du logiciel par le droit d'auteur soulève toujours les mêmes difficultés. Autant l'originalité est facilement retenue pour les oeuvres d'art dit classique, autant elle est délicate à démontrer s'agissant d'oeuvres techniques comme les logiciels. Ce sont les partisans du logiciel libre qui s'en félicitent les premiers !