Pascale Dumas (HP) "HP n'arrive pas trop tard sur le marché de l'impression 3D"

Après la scission avec HP Enterprise, la PDG de HP France explique au JDN comment elle fait face à ses nombreux défis, et au déclin du marché du PC en particulier.

JDN. La scission laisse l'entité qu'on surnomme souvent "HP Inc", pour la distinguer de "HPE",  face à un marché, celui des PC, qui est en déclin. Des deux entités créées, HP Inc n'aura pas vraiment le rôle le plus facile… 

Pascale Dumas est PDG de HP France. Avant la scission, elle était vice-présidente de HP France et directrice générale de la division Impression et Systèmes personnels (PPS) de la filiale française. © HP

Pascale Dumas. Le marché du PC, au sens de desktop, s'est restreint, c'est vrai. Mais finalement, les points d'accès à l'information se sont multipliés, via des terminaux, comme des tablettes, que justement nous commercialisons...

Bien sûr, la scission doit nous permettre de gagner en agilité et en souplesse. Mais elle doit aussi nous permettre d'investir plus dans notre R&D. Et cela a déjà des conséquences, car le marché de l'impression A3 nécessitait par exemple des investissements en R&D pour mieux l'adresser. Or, comme ces investissements ont désormais pu être faits, ce marché a été débloqué, et il va être adressé avec un nouveau portefeuille d'offres pour l'A3. Le champ des possibles s'élargit donc pour nous.

Le pire pour HP dans son ancienne configuration aurait été de devoir choisir, et donc de devoir renoncer à certaines activités. Car c'est sûr, HP Inc nécessite des investissements en R&D. Or, auparavant, ce n'était pas le chiffre d'affaires des services d'HP qui était injecté dans la R&D du matériel de HP. C'était plutôt l'inverse : c'était le chiffre d'affaires de ce qui est aujourd'hui HP Inc qui était réinvesti dans la R&D de ce qui est devenu HP Enterprise.

Pensez-vous que le marché du PC va bientôt reprendre des couleurs en France ? Avec un décollage de Windows 10 en entreprise ?

Je m'attends à un retour de la croissance du marché du PC en France en 2016

Je m'attends à un retour de la croissance du marché du PC en France, au troisième trimestre 2016. Je vois déjà des signes.

Windows 10 va aussi arriver dans les entreprises, même si aujourd'hui, les DSI doivent encore travailler la compatibilité de leurs applications. Ils ont aussi dû gérer la fin de vie de Windows XP, en 2014, et ont parfois dû réaliser de gros investissements pour cela. Pas facile donc pour eux de se lancer aujourd'hui dans d'ambitieux projets de migration massive vers Windows 10.

Mais je pense aussi qu'avec la transformation numérique, des entreprises vont aussi vouloir s'équiper en terminaux ultra-mobiles, capables de s'imposer comme de véritables moyens de communication unifiée. Et les entreprises pourront avoir tout cela en même temps avec Windows 10.

Les derniers chiffres du Gartner montrent que le marché des PC est en déclin en France, mais au premier trimestre, le nombre d'unités fournies par HP a progressé par rapport à l'année dernière. Comment avez-vous fait ?

Nous avons en effet renforcé nos postions en France. Nous avons enregistré de belles progressions, parfois très marquées, comme par exemple sur le terrain des notebooks. Mais le marché peut évoluer vite, et notre position n'est pas acquise. La transformation numérique est d'une ampleur telle que les cartes peuvent aussi vite être rebattues. Nous devons garder une mentalité d'outsider, et même ne pas avoir peur d'être un peu paranoïaque...

Nous avons toutefois su faire évoluer nos gammes, avec par exemple l'introduction de PC hybrides en 2014. Renouvelées et étendues, elles nous ont permis d'être agressif sur tous les segments, y compris les marchés verticaux. Nous avons aussi beaucoup investi dans nos équipes commerciales, qui ont beaucoup travaillé pour se rapprocher de leurs clients et mieux comprendre leurs attentes. Le travail et la collaboration réalisés avec nos partenaires a aussi compté.

Selon vous, à quoi ressemblera le PC de demain ?

Demain , le PC "as a service" pourrait s'imposer 

Nous avons détecté plusieurs tendances. La première est le PC "as a service", qui désigne une offre d'abonnement couvrant le poste de travail et des services associés, y compris la gestion du poste client au quotidien, et finalement tout son cycle de vie, jusqu'à sa reprise. Nous commençons à le proposer, via une offre appelée "HP Subscription". Nous allons aussi faire des annonces fin juin sur le terrain du "desktop as a service". Cela va être la grande tendance, car les entreprises ont besoin de flexibilité, et de passer d'un modèle Capex à l'Opex, comme l'intérêt pour le cloud l'a bien montré.

La sécurité va aussi être un thème majeur pour le PC de demain, à l'heure où les attaques sont si nombreuses. La cyber-mobilité va aussi être une tendance qui va continuer à s'imposer sur notre industrie, et qui va d'ailleurs, aussi, renforcer les besoins de sécurité…

Je vois aussi une évolution des PC vers la 3D. HP s'est lancé dans ce marché émergent avec Sprout : les volumes vendus de cet ordinateur qui projette des images sur un écran tactile sont peut-être ultra-faibles aujourd'hui, mais nous sommes en avance de phase, et il s'agit du futur. L'écran de réalité virtuelle de l'HP Zvr va aussi dans ce sens. La prochaine version permettra peut-être d'ajouter le toucher à la 3D, avec la possibilité de palper des matériaux virtuels, via ce qu'on appelle des hologrammes haptiques.

HP pouvait être attendu sur l'impression 3D, mais il a fallu attendre plusieurs années avant de connaître son offre. Pourquoi un tel retard ?

HP va livrer d'ici la fin de l'année ses premières imprimantes 3D [proposées de 150 à 250 000 dollars NDLR]. Nous avons auparavant noué des partenariats avec des acteurs comme BMW, Nike et Johnson & Johnson : des entreprises qui ont pu exprimer leurs besoins en matière d'impression 3D, et aider HP à la conception de ses machines.

Nous avons voulu développer une vision holistique, pour proposer des machines capables d'imprimer à la fois pour du prototypage, de manière classique, mais aussi pour la production, ce qui est nettement plus exigeant. Surtout pour les secteurs adressés, comme l'aéronautique ou l'industrie automobile, qui doivent rechercher à la fois la performance et la sécurité dans les pièces qu'ils utilisent. Nous voulions en outre pouvoir proposer des machines capables de travailler plusieurs matériaux, y compris le métal et la céramique. Au regard de ces objectifs ambitieux, ce n'est pas grave si HP n'arrive que maintenant sur le marché de l'impression 3D. Nous n'en sommes qu'au prologue de l'histoire de l'impression 3D – voire même qu'à la table des matières.