L'agilité et grande entreprise, est-ce compatible ?

Dans la mise en œuvre des méthodes agiles, les start-up et petites entreprises auront certainement plus de facilités que les grandes entreprises qui, elles, devront d’abord entamer une démarche isolée.

La diversification de la concurrence, l’intensification des innovations et les besoins changeants des clients poussent aujourd’hui les grandes entreprises à opérer une transformation digitale pour rester compétitives. Dans ce contexte, il n'est plus question de subir l' « effet tunnel » engendré par la gestion de projet classique qui, selon le Standish Group, produit des applications dont 64% des fonctionnalités ne sont pas ou rarement utilisées.

Ces entreprises doivent revoir leur organisation pour devenir « agiles », c'est-à-dire "customer centric". Pour ce faire, elles doivent proposer seulement des produits qui procurent de la valeur ajoutée à leurs clients, et réduire le "time to market" pour rendre ces produits rapidement utilisables. Cependant, peut-on devenir agile en étant une grande entreprise ?

L'agile, une gestion de produit, pas de projet

Au-delà du concept des 4 valeurs et 12 principes définis par Le Manifeste pour le développement Agile de logiciels (1), s’initier à l’agile commence par une première expérimentation d'une méthode telle que Scrum ou Kanban. La structure, l'organisation et la culture d'entreprise détermineront le suivi de ces concepts : les start-up et petites entreprises auront certainement plus de facilités que les grandes entreprises qui, elles, devront entamer une démarche isolée.

Plusieurs options existent : Air France réserve des espaces pour ses équipes agiles, Orange leur dédie un bâtiment depuis 2016, et Boursorama a misé en 2015 sur le rachat de start-up, avec l’acquisition de Fiduceo (2). Dans chaque cas, des rôles seront créés, des cérémonies seront mises en place, et la durée d'un sprint sera définie. Plusieurs frontières de la méthode en cascade seront à dépasser pour assurer la qualité du produit : la présence du représentant du besoin devra être continue, la mise en production régulière et la collaboration de l'équipe projet et des utilisateurs assidue.

Cependant, rien n'empêche d’appliquer au sein des projets traditionnels quelques bonnes pratiques issues de l'agilité. La principale problématique que rencontre généralement l'équipe projet agile est celle de devoir travailler avec une équipe projet classique. La mise à disposition des applications de cette dernière peut freiner le bénéfice temps qu'apporte l'agile. Pour remédier à cela et développer la maturité agile de l'entreprise, trois options existent et peuvent être complémentaires. Une extension horizontale de l'agilité permettra de dupliquer les projets agiles à d'autres produits dans des entités distinctes. Les deux autres options seront développées ci-dessous : l'agilité à l'échelle qui concerne les projets à forte interaction et l'extension verticale qui concerne la diffusion de l'agile aux fonctions supports de l’entreprise.

L'agilité à l'échelle, pour un produit dépendant d’autres services

Opter pour l'agilité à l'échelle ou le « Scrum de Scrum » est nécessaire quand l’interdépendance des différentes applications du système d’information nécessite une forte interaction entre les équipes(3). Plusieurs configurations d'organisations existent pour coordonner ces équipes agiles, tout en leur laissant à chacune son indépendance. Trois sortes d’organisations peuvent exister : d'abord le Large-Scale Scrum où un seul Product Owner sera présent pour plusieurs équipes, ensuite le Scaled Scrum with Scrum où chaque équipe conserve son PO et une nouvelle équipe apparaît avec l'ensemble des PO et un "Lead Product Owner", enfin le Nexus où un seul PO est présent pour plusieurs équipes mais il fait partie d'une nouvelle équipe dite d'intégration. Le succès ne sera alors garanti que si les représentants de chaque équipe, les Product Owners, se coordonnent en créant un unique lieu où l'ensemble des tâches à accomplir sont rassemblées : on parle de « backlog ». C’est ainsi que le Scrum de Scrum permet la gestion de bout-en-bout du produit. Cependant, pour garantir une souplesse encore plus durable des équipes, il est conseillé d’opter pour une extension verticale de l’agilité en entreprise.

L'agilité diffusée à toutes les directions

Afin de casser les lourdeurs administratives et organisationnelles existantes et pérenniser la culture agile, la décision de devenir une « entreprise agile » devra être appuyée par le top management pour une diffusion des principes vers les services. Plusieurs mouvements montrent la volonté croissante de prise en main de ce concept par les grandes entreprises. Le mouvement DevOps par exemple rapproche les équipes d'exploitation et celles de développement pour réduire le « time to market». L’Agile Marketing Manifesto adapte l’agile aux directions marketing et digitales. Le Lean Startup aide les directions innovation, R&D et les directions opérationnelles. Le Scaled Agile Framework s'occupe des dimensions portefeuille, gestion de programme et équipe. Le Framework Management 3.0 accompagne les managers à devenir agiles(2). L'agilité se diffusera direction par direction, les premières étant les pilotes et exemples des secondes.

Bien que les nouvelles techniques agiles ne cessent de se multiplier, imprégner une organisation d’une nouvelle culture agile n’est pas sans écueils. Sensibiliser par la formation, impliquer un coach agile garant de l’application des règles, et matérialiser les bienfaits de la méthode dans un projet emblématique sont les trois étapes qui permettront de poser les bases d’une adhésion pragmatique et large. 

1* Source
2* Source
3* Source