Dans le BTP, au-delà de la numérisation, l'enjeu est la chaîne de digitalisation

La numérisation a déjà fait son chemin dans le BTP. Pour autant, cette numérisation seule n'assure pas la continuité de l'information de la conception du bâtiment jusqu'à sa démolition.

Dans les projets de construction, la numérisation est déjà très largement à l’œuvre. Si le papier n’a pas complètement disparu, de plus en plus d’informations transitent sous format numérique. Cependant, il faut différencier la simple numérisation de la chaîne de digitalisation. Cette dernière correspond à la conservation de la donnée sous format numérique pendant tout le cycle de vie de l’infrastructure.

Les occasions de rompre la chaîne digitale dans le BTP sont nombreuses

Le cycle de vie d’une infrastructure passe par plusieurs phases principales : avant-projet, conception, exécution, livraison, exploitation, démolition. Une chaîne digitale complète doit assurer la continuité de l’information à travers toutes ces phases.

Et pourtant, il y a de nombreux exemples de ruptures ! Par exemple, il n’y a souvent pas de continuité digitale entre les exigences initiales et les informations au sein des outils de conception.  De même, en fin de conception numérique, le plan est parfois imprimé pour que la personne en charge signe dans le cartouche. Même si celui-ci est ensuite numérisé et réindexé, on multiple les étapes, les erreurs possibles et on prend le risque de perdre en traçabilité.

Entre la construction et la livraison, les documents sont parfois modifiés directement sur les formats papier, sur le chantier, impactant ainsi le Dossier des Ouvrages Exécutés qui sera livré.

Pendant l’exploitation du bâtiment, les modifications entraînent souvent des ruptures de la chaîne de digitalisation.  Une simple correction comme un changement de la tuyauterie va être réalisée sur le site, mais ne sera pas reportée dans la version numérique.

Des causes historiques et directement liées aux spécificités du BTP

Historiquement, une cause du retard de la digitalisation du BTP découle du volume d’interactions réalisées directement sur les chantiers avec une multitude d’intervenants de niveaux et de métiers différents.

Une autre spécificité du secteur de la construction, c’est la succession de phases séparées. Chaque phase a ses propres entreprises, équipes, enjeux et donc des outils et des logiciels qui vont être dédiés.

Pourtant, il ne faut pas perdre l’information lors du changement d’une phase à l’autre ! A chaque "sortie de route digitale", on perd en pertinence des données. En scannant un plan, des outils permettent certes de récupérer une partie des informations, mais pas leur totalité. Il en est de même lorsque les informations sont ressaisies d’une application à l’autre.

Ainsi, numériser l’information est loin de garantir sa continuité à travers toutes les phases. Cette numérisation initiale va la plupart du temps se concentrer sur la production d’informations numériques. Elle est souvent localisée à une phase, à un instant t, qui dispose de ses propres outils. Il faut donc aller plus loin, et mettre en place des solutions transverses qui vont assurer la circulation de l’information entre tous ces îlots de données.

Mettre en place une vraie chaîne de digitalisation dans la construction

Le premier impératif est d’utiliser des normes, des formats d’échanges comme l’IFC (industry foundation classes). Récupérer l’information ne suffit pas si on ne peut l’interpréter et l’exploiter ! Il faut donc arbitrer sur les formats des informations qui navigueront dans cette chaîne digitale et s’appuyer sur les normes existantes qui garantiront la circulation de l’information entre les différents logiciels.

La deuxième exigence est d’implémenter un outil transversal qui lie les applications et les intervenants entre eux. C’est-à-dire synchroniser toutes les informations au travers d’un référentiel et assurer leur circulation, leur synchronisation et leur utilisation par les outils métiers. Stocker les informations ne suffit pourtant pas ! Les données doivent aussi être liées entre elles.

Pour finir, la maquette numérique va permettre de suivre, analyser, superviser, identifier les impacts de conception sur les autres phases. C’est avant tout un outil décisionnel qui valorise l’information et la rend exploitable, visible, intelligente.

Cette chaîne de digitalisation, c’est la vraie définition du BIM (building information modelling). Le BIM est souvent résumé, avec erreur, à la maquette numérique, mais son sens c’est avant tout la gestion de l’information du bâtiment. La réponse n’est donc pas simplement une somme d’outils. C’est la mise en place d’une colonne vertébrale de l’information à travers toutes les phases et pour tous les intervenants.