Mainframe : quatre recommandations pour empêcher une explosion des coûts

De plus en plus d'éditeurs de logiciels essaient de tirer profit des entreprises qui continuent d'utiliser des logiciels tournant sur des mainframes. Ce n'est cependant pas une fatalité

Même si le modèle d’infrastructure distribuée est aujourd’hui largement dominant, il est encore rare de trouver de grandes entreprises qui se soient totalement affranchies des systèmes mainframes. Les entreprises cloud natives restent une exception souvent limitée aux start-up. Les autres continuent généralement d’utiliser les technologies sur lesquelles elles se sont initialement établies. Pour cette raison, le mainframe est souvent au cœur de processus fondamentaux : transactions financières, contrôle de la production ou encore gestion des stocks. C’est d’ailleurs l’un des principaux enjeux de la transformation numérique des entreprises. En effet, les grands systèmes (mainframes) continuent d'être au cœur des opérations IT, mais les développeurs qualifiés dans ce domaine sont de moins en moins nombreux. Les professionnels formés par les écoles et les constructeurs préfèrent se former sur le cloud et les plateformes technologiques modernes.

La pénurie de compétences met les entreprises en difficulté. Certaines se voient contraintes de rémunérer généreusement des experts retraités pour bénéficier de leur savoir-faire afin d’assurer des interventions classiques. D’autres entreprennent de migrer vers des systèmes ouverts et doivent affronter des années de travail de conversion de codes anciens vers des langages de programmation modernes avec tous les risques que cela comporte. Aucune de ces solutions n’est compatible avec la recherche d’un retour sur investissement rapide à laquelle sont aujourd’hui soumis les DSI.

Certains fournisseurs proposent maintenant des offres mainframe as-a-service, mais ils ne font que déplacer le problème. Au final, au niveau de leur back-office, ceux-ci sont eux-mêmes confrontés aux mêmes problèmes et doivent composer avec la rareté et la cherté des ressources mainframe d’une manière ou d’une autre. Ce modèle est finalement contradictoire avec l’esprit de consommation en libre-service et à la demande des services dans un monde informatique de plus en plus basé sur des systèmes ouverts.

Le scénario catastrophe pour les entreprises est le suivant :

Un grand groupe fait tourner un logiciel sur son système mainframe. Ce logiciel imprime quelque 10 000 factures par mois à destination des clients PME. La société travaille depuis plus de 25 ans avec l’éditeur du logiciel, si bien qu’une routine transactionnelle s’est installée. Huit mois avant l’expiration du contrat, les achats ont demandé à l’éditeur un devis pour la reconduction de leurs licences, avec des projections sur plusieurs années.

Plusieurs mois s’écoulent, souvent émaillés de discussions sur la stratégie à suivre, mais sans obtenir de devis ferme. Au bout de plusieurs rappels insistants, l’éditeur répond finalement, quelques semaines avant l’expiration de la licence. Et là surprise, le devis est alors maintes fois supérieur (jusqu’ à 10 à 12 fois) au montant du contrat précédent, avec une seule option : un engagement pluri annuel, à régler d’avance, auxquels s’ajoutent quelques centaines de milliers d’euro de frais de support.

Compte tenu de l’urgence de déterminer une solution avant l’expiration de la licence du logiciel concerné, la société n’a pas le temps de programmer le code de remplacement, ni même d’explorer en détail des alternatives moins onéreuse. Malgré l’intervention de la direction et de l’équipe juridique, elle n’a eu d’autre choix que d’accepter les nouvelles conditions de l’éditeur.

Ce genre de scénario est malheureusement assez réaliste. Il est même appelé à devenir la norme. De plus en plus d’éditeurs de logiciels essaient clairement de tirer profit des entreprises qui continuent d’utiliser des logiciels tournant sur des mainframes. Ce n'est cependant pas une fatalité, pour peu qu’on suive les quatre recommandations suivantes.

  1. Prévoir le renouvellement des licences bien en amont de la date d’expiration. L’équipe en charge de la gestion des actifs logiciels a tout intérêt à anticiper le renouvellement des contrats au moins 12 mois avant leur expiration. Opter pour une démarche proactive et insister pour avoir un devis en amont, sans attendre que l’éditeur amorce la négociation, permet de conserver une marge de manœuvre plus favorable.
  2. Observer les bonnes pratiques de gestion des actifs logiciels. Les équipes chargées des relations fournisseurs ont besoin de transparence pour pouvoir suivre les contrats de licence et anticiper suffisamment en avance. Les équipes achats, IT et métier doivent être impliquées ensemble pour bien comprendre les besoins et permettre d’identifier la meilleure solution possible avant d’être contraintes de poursuivre avec la solution préexistante au risque de répercussions financières massives.
  3. Evaluer les avantages à opter pour une nouvelle technologie. Même si la perspective d’engager un projet de sortie du mainframe est peu séduisante et potentiellement coûteuse, ce n’est en rien comparable aux coûts exorbitants que représenterait une escroquerie similaire à notre exemple. S’intéresser à de nouvelles solutions technologiques peut être vécu comme un saut dans l’inconnu. Cependant, les dirigeants et les décideurs IT doivent aussi envisager de nouvelles manières d’atteindre leurs objectifs. Même si le retour sur investissement peut être plus long, migrer un ensemble d’opérations vers des plateformes ouvertes peut s’avérer finalement plus avantageux que de continuer à travailler avec un fournisseur qui profitera d’un contexte technologique changeant. À l’inverse, si vous avez une bonne relation avec votre fournisseur, cela peut coûter moins cher à long terme de renouveler les licences sur mainframe que d’investir dans de toutes nouvelles plateformes.
  4. Créer un environnement compétitif. Étudier le marché et les alternatives pour des fonctionnalités comparables et faire jouer la concurrence permet de mettre sur pied un plan de secours avec un autre fournisseur, afin de ne pas se retrouver au pied du mur sans avoir le temps ni les ressources d’évaluer une autre solution.

Les procédures de renouvellement de licences et les négociations qu’elles entraînent peuvent être l’occasion de faire des économies considérables. Cependant, garder le contrôle sur les besoins et les licences en matière de logiciels requiert une expertise spécifique et la mise en place d’une véritable stratégie SAM (software asset management ou de gestion des actifs logiciels en français). Les entreprises doivent investiguer en amont les champs du possible et rester en capacité de déterminer ce qui est possible technologiquement dans un contexte changeant.