Le robotic process automation, plus gros pari de Microsoft pour 2021

Le robotic process automation, plus gros pari de Microsoft pour 2021 Face à UiPath ou Automation Anywhere qui lèvent chacun des centaines de millions de dollars, Redmond dope Power Automate au RPA. Prochaine étape : intégrer la techno de Softomotive, un pure player du domaine qu'il vient d'acquérir.

Microsoft fait du robotic process automation (RPA) son nouveau champ de bataille. Il faut dire que les perspectives sont alléchantes. D'après une étude du cabinet Grand Viewre Search parue en juin 2020, ce marché va progresser d'environ 40% par an pour atteindre 25,66 milliards de dollars en 2027. La promesse du RPA ? Automatiser nombre de process répétitifs et à faibles valeur ajoutée de l'onboarding de clients, de revendeurs ou de salariés jusqu'à l'agrégation de rapports en passant par la gestion des factures ou des commandes. Face à ces prédictions, Microsoft a livré en avril 2020 une première brique de RPA. Baptisée UI Flows, elle vient enrichir Power Automate, son outil de développement de wokflow sans code.

"Un expert métier ou un travailleur de terrain peut créer ses flux de travail automatisés sans écrire une seule ligne de code"

Pour Microsoft, il est urgent de réagir pour ne pas se faire dépasser par les pure player du domaine. Parmi les plus actifs, UIPath a bouclé un tour de table de 568 millions de dollars en avril 2020, puis un second de 225 millions de dollars en juillet. Ce qui porte à 1,2 milliard de dollars le total des fonds levés par le New-yorkais depuis sa naissance en 2005. Sa valorisation s'élève désormais à 10,2 milliards de dollars. Employant 2 900 personnes, UIPath se hisse en deuxième position du classement 2020 du Financial Times sur les entreprises américaines à plus forte croissance. Revendiquant 6 000 organisations clientes à travers le monde, l'entreprise met en avant plusieurs références françaises, dont Accor, BPCE, Crédit Agricole, EDF, LCL, Orange, Schneider Electric ou encore SNCF.

Autre pure player très actif, Automation Anywhere a levé 290 millions de dollars en novembre 2019, portant sa valorisation à 6,8 milliards de dollars. En comprenant cette opération, la société de San José, qui compte à ce jour plus de 2 400 salariés, totalise 840 millions de dollars d'investissement depuis sa création en 2003 (lire notre comparatif Robotisation des process : Automation Anywhere se démarque via une IA native). UIPath et Automation Anywhere ont tous deux ouvert un bureau à Paris.

L'automatisation à la portée de tous

Face à ces spécialistes, Microsoft a d'abord choisi de s'orienter vers une solution de RPA faite maison. "Grâce à UI flows, un expert métier ou un travailleur de terrain peut créer ses flux de travail automatisés pour se défaire de tâches manuelles sans écrire une seule ligne de code", insiste Sophie Pietremont, directrice de l'entité Business Applications de Microsoft France. L'environnement de développement visuel permet de modéliser graphiquement les différentes étapes du processus, par glisser-déposer. Des fonctionnalités ou des données en provenance d'autres applications pourront être intégrées au workflow grâce à plus de 300 connecteurs. Une bibliothèque qui recouvre aussi bien des passerelles vers Dynamics 365 et Microsoft 365 (notamment vers sa messagerie collaborative Teams pour y pousser les process sous forme de chatbot), que vers des systèmes tiers tels que Salesforce, SAP ou ServiceNow. En complément, des robots pourront être configurés pour reproduire l'interaction des utilisateurs au sein des interfaces des applications SaaS à invoquer : clics de souris, saisie de texte...

Proposé en option dans Power Automate, AI Builder permet de recourir à l'intelligence artificielle pour automatiser des processus. Ici, le flux traite une facture par reconnaissance d’image. © JDN / Capture

"Coca Cola fait par exemple appel à Power Automate (avec UI flows, ndlr) pour gérer l'approvisionnement de ses distributeurs de cannettes. Power Automate automatise toutes les étapes du process : l'enregistrement de la commande dans le CRM, la création du bon de commande dans l'ERP, la récupération du numéro du client et de la demande dans un fichier Excel, la génération et l'envoi de la facture par mail", égraine Sophie Pietremont. En France, la SNCF déploie l'outil pour gérer le reporting d'incidents techniques, les commandes de pièces de rechange de train ou encore la location de véhicules de travail. Filiale de Total experte en énergie verte, Total Solar y a recours pour piloter ses chantiers d'installation de fermes de panneaux solaires. "Les flux mis en place automatisent notamment l'envoi des informations clés tout au long des projets d'implantation", explique Sophie Pietremont.

Au total, Microsoft revendique plus de 350 000 organisations à travers le monde créant des workflows à partir de Power Automate. Le groupe ne communique pas pour autant sur la part de cses clients utilisant la brique de RPA du produit (UI flows) qui permet comme on l'a vu d'intégrer des applications tierces dans les process.

30% des heures de travail automatisées

Pour enrichir l'intelligence de son RPA, Power Automate propose en option une brique d'IA. Baptisée AI Builder, elle introduit une série de briques prépackagées de traitement du langage. Au programme : reconnaissance de caractères, détection de langues, extraction de phrases clés ou d'entités, analyse de sentiments... Objectif ?  Analyser un message ou de tout autre contenu (client, fournisseur) en vue de déclencher le processus adéquat : répondre à un mail dans la langue de son expéditeur, créer un contact dans le CRM à partir d'une carte de visite, rattacher une commande entrante au bon dossier client, allouer une demande de support à l'interlocuteur adéquate, etc. Des modèles taillés pour le traitement des reçus et la classification par catégorie (de produits ou de fournisseurs par exemple) sont actuellement en bêta.

Fin mai, Microsoft a annoncé le rachat de Softomotive, un acteur du RPA pour desktop. Son application, baptisée WinAutomation, est conçue pour intégrer des fonctionnalités issues de logiciels Windows, non-cloud par conséquent. Ce que Power Automate ne sait pas faire. La solution apporte également à Microsoft 315 API supplémentaires pour se connecter à Citrix, Java ou SAP par exemple. S'installant sur le poste de travail, WinAutomation est aussi capable de tourner en mode déconnecté. Ce qui n'est évidemment pas le cas de Power Automate. Enfin, il permet d'exécuter plusieurs workflows et taches d'automatisation en parallèle sur la même machine.

Avec l'acquisition de Softomotive, Microsoft complète son offre de RPA en mode cloud d'une solution taillée pour le poste de travail. © JDN / Capture

Pour bénéficier pleinement d'UI flows, Microsoft propose un forfait Power Automate d'entrée de gamme à 34 euros par utilisateur et par mois. Incluant la possibilité de recourir à WinAutomation, il autorise la création d'un nombre illimité de flux pouvant solliciter des applications tierces. "Cette offre bénéficie de la brique Common Data Service qui orchestre l'ensemble des applications intervenant autour d'un processus", précise Sophie Pietremont chez Microsoft France. "Elle permettra par exemple de créer un flux de données sur des notes prises dans Teams pour les envoyer dans Dynamics en fonction du nom de client qu'elles contiennent, ou encore de vérifier une disponibilité en stock dans Dynamics ERP avant de générer un bon de commande".  Pour bénéficier d'AI Builder, il faudra compter 421 euros supplémentaires par mois et par unité de traitement, celle-ci dépendant de la tâche à réaliser. Prenons un cas concret : une unité correspondra, par exemple, à 4 500 cartes de visite à intégrer au CRM. L'AI Builder Calculator mise à  disposition par Microsoft permet d'estimer le nombre d'unités nécessaires en fonction du projet ciblé.

Basé sur Microsoft Azure, Power Automate et UI flows sont disponibles sur les deux régions France du cloud de Microsoft. Un élément qui pourra se révéler clés pour certaines activités impliquant un hébergement des données sur le territoire national. On pense notamment aux opérateurs d'importance vitale ou aux informations personnelles de santé. Dans une récente étude, Mckinsey estime que 30% des heures de travail pourront potentiellement être automatisées d'ici 2030 par des technologies telles que le RPA. Tout dépendra de la vitesse d'adoption de ces solutions.