Pratiques agile et travail à distance en parfaite harmonie ?

Le pilotage de projets Agile peut sembler complexe à gérer avec le travail à distance pourtant les principes mêmes de l'Agile favorisent ces pratiques si toutefois un cadre opérationnel et organisationnel a été défini et partagé à l'échelle de l'entreprise.

I. Agile et distance peuvent s’accorder

La crise sanitaire que nous avons subi a bouleversé notre façon de travailler en nous imposant de revoir nos processus de travail ou encore notre méthodologie. De plus en plus d’entreprise ont pris conscience des avantages de basculer leurs organisations sur un mode Agile pour délivrer le plus de valeur. L’ensemble des approches Agiles existantes peuvent laisser penser qu’il est compliqué voire impossible d’appliquer les principes du manifeste Agile avec le travail à distance.

En effet, si nous reprenons le 6ème principe du manifeste pour le développement de logiciels, il mentionne que "la méthode la plus simple et la plus efficace pour transmettre de l’information à l'équipe de développement et à l’intérieur de celle-ci est le dialogue en face à face". En respectant ce principe, il semble bien évident que le travail à distance et le télétravail soient par nature incompatibles avec le mode de travail Agile.

Dans le cadre de l’Agile à l’échelle, l’expérience montre qu’il s’oppose à certains des principes du manifeste Agile avec notamment le principe numéro 11 mentionnant "les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes autoorganisées". Les équipes autoorganisées sont nécessaires en raison de la taille des projets et des équipes imposant la conception d’architectures centralisées.

D’un point de vue logistique, il est difficile de réunir régulièrement des trains Agiles (Agile Realse Train) comptant 50 à 100 personnes, c’est pourquoi l’Agile à l’échelle intègre naturellement une proportion de travail à distance.

Néanmoins, il convient de prendre en considération certaines contraintes spécifiques pour assurer l’Agile à l’échelle à distance. En effet, la logistique constitue un facteur de succès pour réussir à mener cette approche à distance avec notamment la mise à disposition de tous les moyens matériels pour travailler à distance à savoir accès aux environnements, aux outils de pilotage et également aux outils de communications et d’animation propices à un mode de travail en remote.

La contrainte viendra du fait de devoir se soustraire aux échanges quotidiens avec les équipes, il sera donc indispensable d’être pro-actif afin de pouvoir faire remonter les informations essentielles.

La mise en place d’un cadre Agile dans un contexte traditionnel n’est pas triviale comme notamment avec les pièges qui peuvent se dissimuler dernière la mise en place de Scrum. Mais la distance pourrait complexifier le pilotage si un cadre opérationnel n’est pas clairement défini.

II. Un cadre opérationnel sera nécessaire pour accorder Agile et distance

Il n’est pas nécessaire de prévoir de comitologies spécifiques liés au travail à distance, SAFe prévoit déjà un grand nombre d’instances régulières. Mon expérience pendant cette crise sanitaire m'a montré que le fait de mener ces réunions à distance était largement suffisant.

En ce qui concerne le travail des développeurs, il peut se réaliser facilement à distance à condition qu’ils puissent avoir accès aux environnements de développement et de test. Il convient donc de disposer d’un nombre suffisant d’accès VPN et d’infrastructure afin de supporter la charge. De la même façon, les outils de pilotage doivent être accessibles à distance en VPN notamment pour Jira par exemple.

  1. Coté spécifications : Le recueil des besoins utilisateurs, leurs priorisations et enfin leur spécification peuvent tout à fait être menés à distance. De nombreux outils sont mis à disposition pour justement pallier ce problème : nous utilisons Excel, les échanges de mail et les conf-call. La priorisation et le report de spécifications fonctionnelles peuvent être réalisés à distance sur l’outil de suivi Jira.
  2. Coté développements : Sur cet aspect, les équipes agiles sont autonome pour accéder aux environnements de développement, pour développer, rédiger des procédures, effectuer des audits et le tout à distance.
  3. Coté pilotage et conduite des rituels : Le pilotage peut aisément se réaliser si toutefois les équipes ont accès aux différents outils à distance (Wiki, Jira, etc.). Par ailleurs, les outils comme Teams, Skype ainsi que les partages d’écrans permettent de conduire l’ensembles des rituels du framework SAFe.

La distance avec le PI Planning et Inspect & Adept :

Il existe des outils bien spécifiques pour réaliser un PI Planning à distance. Les outils tels que Skype ou WebEx sont souvent privilégiés pour les sessions plénières. 

  1. En ce qui concerne les sessions pour lesquels les participants sont répartis dans leur équipes respective, il existe des outils comme Maestreo Conference afin de créer plusieurs salles de virtuelles pour chaque équipe. Les acteurs transverses à savoir le BO, le PO et le PM peuvent circuler à travers chacune des salles virtuelles.
  2. En ce qui concerne la gestion des tableaux de suivi, il existe de nombreux outils permettant la gestion des priorisations ainsi que la découverte des interdépendances. J'ai l’habitude d’utiliser Mural par exemple qui s’intègre relativement bien avec Jira ou PI planning.io.

Dans une démarche d’Agile à l’échelle à distance, il est essentiel de rappeler la prise en main des outils aux participants sans quoi la démarche risque d’être vouée à l’échec. En effet, il sera nécessaire d’aligner chacun des participants à la technicité des outils afin de se prémunir de l’échec d’un participant qui pourrait entrainer l’échec de la démarche tout entière.

III. Nos recommandations pour réussir le pilotage de ses projets Agile à l’échelle

Dans le cadre de cette crise sanitaire, j'avais pour mission un accompagnement et un renforcement au pilotage des projets Agile à distance chez un client référent de la distribution. Je me permets de partager mon point de vue sur 2 niveaux :

a) Recommandations générales

La gestion à distance est éprouvante et impact nécessairement les équipes raison pour laquelle il faut s’abstenir parfaitement de mettre de la pression aux équipes. Il faut mettre l’accent sur la responsabilité et l’autonomie des équipes, les piliers de l’Agilité. Pour toutes ces raisons, le micro-management est à proscrire au risque de corrompre le pilotage à distance.

Une bonne pratique à avoir serait d’assurer une communication constante avec les équipes avec les différents outils évoqués (Teams, Slack etc.) afin de conserver d’une part une relation quotidienne mais surtout de faire redescendre l’information de manière pertinente.

b) Recommandations spécifiques aux cycles de développement

  1. Coté conception : Il est essentiel de maintenir une relation avec les utilisateurs finaux d’autant plus si leur accès est en mode dégradé. Par ailleurs, il sera primordial d’apporter le plus de visibilité possible dans les spécifications que ce soient les environnements, les tests et les éventuelles dépendances entre fonctionnalités afin de permettre un arbitrage efficace sur des fonctionnalité à privilégier.
  2. Coté développement : Par nature, l’Agilité prône la transparence et elle doit être d’autant plus accrue dans le cadre d’un pilotage à distance pour permettre une circulation plus fluide de l’information. La distance efface progressivement les échanges informels qui doivent être impérativement maintenus en complément avec les points réguliers formalisés par la méthode Agile.

Encore une fois, un management de proximité sera un facteur de réussite pour l’avancement en favorisant plus facilement la remonté des alertes et problèmes rencontrés. Un arbitrage pourra plus facilement se réaliser pour avancer sur les projets.

La priorisation des tâches pouvant être effectués à distance doivent être priorisés et au contraire, les travaux ne pouvant se faire à distance doivent être reportés comme par exemple les tests d’intégration avec un SI externe avec l’hypothèse que les environnements ne peuvent pas être accessibles.

Les principes de l’Agile à savoir l’auto-organisation, l’auto-gestion et la responsabilité individuelle favorisent le pilotage de projets Agile.

Néanmoins, un cadre opérationnel devra être structuré et cohérent pour permettre la circulation des informations et laisser un libre arbitrage en toute neutralité aux décideurs.

Le pilotage des projets Agile à distance n’est pas trivial et impose à chacun de s’adapter au contexte comme la nouvelle gestion du backlog, les politiques de tests etc.