Prospective - Quels futurs numériques à horizon 2030 ?

Vision prospective des industries du numérique - que retenir de la conférence G9plus du 4 avril ? quels sont les futurs possibles ?

Dans son Rapport d’Orientation Stratégique 2021, le Cigref avait élaboré 4 scénarios prospectifs présentés au cours de l’une de ces keynotes. Revisitons-les avec les moments forts de cette conférence.

  • Porté par les usages digitaux et le Métaverse, le scénario « Far West colonies digitales et cartels numériques » devient aujourd’hui très réaliste et accessible à moyen terme. Même si tout est à construire, l’approche par l’expérimentation en cycles très courts peut permettre d’atteindre une maturité digitale suffisante pour soutenir l’essor de nouveaux usages et le développement d’une filière forte entertainment / gamification / merchandising : « la technologie va vite mais les usages beaucoup moins. C’est pour cela qu’Inetum lance sa plateforme Intraverse » (Normann Hodara, Inetum). C’est l’avènement de l’économie de plateformes où la richesse réside dans la relation directe avec le client et la maîtrise de cette donnée.
  • Le scénario « une Chine conquérante dans un monde bipolaire » nous permet d’imaginer une bipolarité portée par le facteur des talents, naturellement liée à la démographie planétaire avec un barycentre de la main d'œuvre « tech » en Asie. La création de richesses dans ce scénario réside dans la capacité des acteurs qui se démarquent à attirer et fidéliser les talents, par exemple par des communautés de pratiques : « L’évolution du travail c’est une forme de nouveau compagnonnage, dans laquelle on est fidèle à son métier mais pas forcément à son entreprise » (Bernard Duverneuil, Elior / Cigref).

L’association de ces deux scénarios pourrait donner lieu à un modèle économique basé sur la relation directe, dans lequel il y aurait une symétrie de l’attention entre le client et les talents. Dans ce new normal, la bipolarité du monde réel serait exacerbée par un écosystème digital surdéveloppé dans ces régions du monde, du fait d’une concentration humaine et des infrastructures technologiques, générant une fracture numérique augmentée « Le métaverse ira très vite…si le réseau suit. Le vrai défi c’est l’accélération des flux » (Jean-Philippe Couturier, Whoz).

  • Avec le scénario « vers une Europe "puissance" dans un monde régionalisé », il est difficile à ce stade de prédire si l’Europe parviendra à se démarquer. Ce scénario est porté par la recherche de sens, dans lequel les technologies et l’innovation se mettent au service des défis environnementaux et sociétaux « Les innovations de demain ne seront efficaces qu’avec plus de collaboration » (Christel Loitron, DSI de transition). Le terrain de jeu technologique d’innovations telles que l’informatique quantique peut donner lieu à des cas d’usages et des modèles économiques en rupture par rapport à ceux que nous pratiquons aujourd’hui, donc tout est possible ou presque. Une chose est néanmoins certaine : pour que cela puisse arriver il sera nécessaire que des écosystèmes entiers se développent « Passer de l’ego-système à l’écosystème est la clé » (Vincent Raffara, Sopra Steria).
  • Enfin, avec le scénario d’une « mondialisation régulée par les équilibres géopolitiques », l’âge de raison est associé à une réelle maturité et à l’atteinte d’une forme de stabilité. Les chaînes de valeur sont réparties de façon équilibrée, et ont le niveau de granularité des écosystèmes qui organisent et gèrent la donnée « La data traverse tout l’écosystème, le data altruism, l'échange de données sont indispensables » (Jawaher Allala, Systnaps). Ce scénario peut paraitre un peu utopique, mais après tout, l’histoire nous a montré qu’après des phases de conquêtes – de l’espace maritime, aérien et spatial – nous avons su construire une régulation dont la structure a porté le développement de filières entières. La réalisation de ce scénario est conditionnée par l’atteinte d’une stabilité suffisante pour permettre une réelle modélisation des échanges, mais aussi d’une « reconquête de la confiance envers nos institutions » (Pierre-Marie Lehucher, Numeum / Berger-Levrault) avec, toujours, la menace qu’un équilibre trop stable puisse brider la capacité de l’écosystème à s’adapter à la « bonne » vitesse au regard d’un contexte toujours aussi changeant.

Et puisque « la meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer » (Peter Drucker), nous pouvons aussi imaginer un assemblage du meilleur de ces 4 mondes : des usages hybrides équilibrés entre le réel et le digital, dans lesquels les écosystèmes portés par des technologies disruptives telles que le quantique se sont développées pour atteindre un équilibre responsable, économiquement et écologiquement vertueux. 

Qu’on se le dise, la nouvelle édition du cycle Prospective est maintenant lancée !