Chez Klaxoon, la R&D est secret défense

Chez Klaxoon, la R&D est secret défense La plateforme rennaise de management visuel a décidé d'isoler son activité de recherche et développement au sein d'une zone à régime restrictif. Objectif : ne pas se faire copier par les géants de la tech avant toute sortie produit.

Pionnière du management visuel avec son tableau blanc digital lancé dès 2015, Klaxoon entend bien protéger son savoir-faire contre les géants de la Silicon Valley. Dès la mise au point de la première version de sa plateforme en 2014, la start-up se dote d'une zone à régime restreint (ZRR). Objectif : isoler sa R&D au sein d'un espace physique et informatique à accès limité visant à préserver la confidentialité de ses développements. Nom de code interne : la Bulle. "Chez Daimler, mon premier employeur en 2004, j'ai été sensibilisé au risque de fuite de concept innovant. J'étais alors ingénieur sur les réseaux de neurones pour les voitures autonomes", explique Matthieu Beucher, CEO et fondateur de la société rennaise.

La ZRR est au cœur de l'arsenal législatif français visant à protéger le savoir-faire stratégique et les technologies sensibles des établissements de recherche publics et privés. Cette structure offre une protection juridique par des sanctions prévues dans le code pénal en cas de fuite de données (jusqu'à 15 ans de détention et 225 000 euros d'amende). Elle implique un contrôle des accès aussi bien physiques que numériques : locaux sécurisés, réseau informatique en vase clôt... Des dispositifs qui sont audités et contrôlés régulièrement par les services de l'Etat. Mise en place dès 2013, la ZRR de Klaxoon contribue d'emblée à sensibiliser les collaborateurs à l'importance de sécuriser les idées au cœur de l'innovation produit de l'éditeur en amont de tout lancement de produit.

Responsabiliser la R&D

Au-delà de la protection de ses secrets de fabrication, Klaxoon capitalise sur sa ZRR pour protéger sa R&D de toute perturbation extérieure. "Elle a tout loisir de se concentrer sur les process qualité, les priorités, les délais... Cette position et ce niveau de confiance lui confèrent aussi une plus grande responsabilité", souligne Matthieu Beucher. Autre avantage : en évitant de multiplier les échanges avec la R&D, les ventes et le marketing se focalisent à 100% sur la commercialisation du produit et l'accompagnement des clients.

Afin de dynamiser l'idéation, la ZRR n'est évidemment pas complément hermétique. A l'occasion d'une réunion mensuelle de plusieurs heures, les équipes en charge de la relation client partagent les demandes et remarques des utilisateurs avec les responsables produit. Charge à ces derniers d'intégrer ensuite ces remontées dans la feuille de route et de les communiquer aux ingénieurs. Un processus structurant qui permet à Klaxoon de maitriser les feedbacks tout en évitant les développements sauvages. Des développements qui typiquement pourraient se décider suite à des discussions informelles autour de la machine à café, et susciter ensuite de faux espoirs chez les clients.

"Il a fallu que l'équipe de R&D comprenne qu'elle travaillait sur des sujets suffisamment importants pour ne pas en parler en interne"

La structure n'a pas été simple à mettre en place. "Il a fallu que l'équipe de R&D comprenne qu'elle travaillait sur des sujets suffisamment importants pour ne pas en parler en interne", se rappelle Matthieu Beucher. "In fine, l'objectif était de se donner les moyens de protéger nos idées avant les lancements, et ainsi de maitriser à 100% les phases de commercialisation", se félicite le CEO. "Avec la ZRR, les sorties de produit, qui sont d'abord réalisées interne, revêtent de facto une toute autre dimension pour la R&D. Elles impliquent d'emblée de maximiser la qualité et minimiser les bugs."

Le défi d'anticiper de nouveaux besoins

Une fois la ou les nouvelles fonctionnalités développées, elles sont mises entre les mains des équipes marketing. Des équipes évidemment tenues au courant en amont de la feuille de route de sortie. Reste que le marketing demeure tout entier focalisé sur le go to market. Il n'est pas le dépositaire unique de l'analyse du marché. Toujours dans une logique d'efficacité et de management participatif, toutes les équipes métier, plongées de facto dans une culture d'entreprise de la collaboration, y contribuent.

La ZRR paraît bel et bien en phase avec la mission de Klaxoon, à savoir sortir de nouvelles fonctionnalités collaboratives "pas vues ailleurs", avec le défi d'anticiper de nouveaux besoins. "Par exemple, quand nous avons lancé le Board en 2016, le marché demandait plutôt des outils de gestion de tâches et des quiz, mais n'émettait pas de besoin pour un outil de management visuel", se souvient Matthieu Beucher. La ZRR permet alors à Klaxoon de centrer sa R&D sur ce nouveau développement, sans perturbation extérieure, tout en évitant qu'une autre entreprise reprenne l'idée. "Au final, tout l'enjeu est de livrer le bon niveau d'innovation, un niveau suffisamment disruptif pour apporter une valeur certaine, mais pas trop pour ne pas désorienter les clients et permettre un travail d'évangélisation efficace", conclut le CEO. Revendiquant 10 000 clients à date, Klaxoon compte 250 collaborateurs, dont 70 en R&D.