Métaverse : les cas d'usage se précisent dans le collaboratif

Métaverse : les cas d'usage se précisent dans le collaboratif Avec ses univers virtuels en 3D, le métaverse est appelé à revisiter la collaboration à distance en proposant une expérience utilisateur engageante et immersive. Pour l'heure, l'offre reste modeste et les fonctionnalités basiques.

Le métaverse pourra-t-il recréer le lien social distendu depuis la généralisation du télétravail ? Seul devant son écran, le collaborateur enchaîne les visios sans moments propices aux échanges informels entre collègues. La fameuse pause-café, essentielle à la cohésion d'un collectif, devient un lointain souvenir. En immergeant le collaborateur dans un univers virtuel, le métaverse porte la promesse d'une expérience salarié plus engageante et conviviale. Objectif : retrouver en ligne le sentiment de présence propre au monde physique. Reproduisant les tranches de vie au bureau, il permet de croiser un collègue dans un couloir avant de le rejoindre en salle de réunion.

D'ores et déjà, un certain nombre de cas d'usage RH se dessinent dans le métaverse comme conduire un entretien d'embauche à distance, mettre en place un parcours d'onboarding (la recrue découvre son futur univers de travail recréé virtuellement), tenir des formations immersives ou organiser des événements de team building. La dimension collaborative semble, en revanche, encore embryonnaire.

L'offre du marché reste, de fait, émergente. Si Meta a dévoilé cet été sa solution Horizon Workrooms, Microsoft joue la montre. Présentée en novembre 2021, son offre Mesh pour Teams est attendue "courant 2022". En attendant, ce sont des pure players, pour la plupart américains, comme Engage, Virbela, Engage ou Glue qui occupent le terrain. Leurs mondes se ressemblent beaucoup, peuplés d'avatars, qui bien que "customisés", s'apparentent à des personnages de jeux vidéo. Au mieux, le visage des participants est collé sur ces silhouettes façon Sims à partir de photos d'identité. Pour plus de réalisme, il faudra attendre l'intégration de technologies holographiques comme Cisco l'envisage avec sa solution Webex Hologram.

Un effet waouh qui retombe

Quant aux avatars d'Horizon Workrooms, ils reproduisent bien la gestuelle de leurs propriétaires mais le métaverse de Meta nécessite pour cela le port d'un casque de réalité virtuelle. Un équipement qui peut se révéler rédhibitoire pour des raisons de coûts, à l'échelle d'une entreprise, mais aussi d'expérience utilisateur. Mal de mer, perte de repères dans l'espace… L'expérience immersive devient physiquement éprouvante passée la demi-heure. Meta propose bien de rejoindre une réunion en réalité virtuelle via un appel vidéo mais l'expérience n'est évidemment plus la même.

En termes de fonctionnalités, les plateformes précédemment citées proposent des univers prêts à l'emploi ou personnalisables, composés de salles de différents formats, du bureau individuel à l'amphithéâtre en passant, bien sûr, par la salle de réunion. Flux vidéo, tableau blanc, partage d'écran... Les fonctionnalités essentielles à la collaboration à distance sont bien présentes. Pour la manipulation d'objets 3D (un cas d'usage très attendu par les industriels), il faudra, en revanche, attendre l'intégration de technologies de réalité mixte comme HoloLens de Microsoft.

Pour Arnaud Rayrole, directeur général du cabinet Lecko, l'effet waouh autour du métaverse collaboratif est déjà retombé. "D'après les retours de nos clients, ce n'est clairement pas leur priorité et l'expérience utilisateur n'est pas aussi fluide qu'annoncé. D'évidence, des cas d'usage se dessinent avant tout dans le domaine de l'événementiel pour organiser, par exemples, des séminaires. En revanche, tenir des réunions récurrentes dans le métaverse semble encore futuriste", analyse le consultant.

"Quoi qu'on en dise, le métaverse va s'insérer dans notre quotidien professionnel, par porosité avec les usages grand public'"

Le sujet est, selon lui, avant tout poussé par les big tech et ne correspond pas aux attentes du travail en mode hybride. "Les dirigeants ont la volonté d'améliorer le lien social, de réduire la distance entre collaborateurs et cela ne semble pas passer par la collaboration dans des univers virtuels", pondère  Arnaud Rayrole.

Alors que le leitmotiv en cette rentrée est la sobriété énergétique, le développement d'univers immersifs particulièrement hyperénergivores va, par ailleurs, dans le sens inverse de l'histoire. Face à l'accroissement de la cybermenace, la sécurité des données ne semble pas, par ailleurs, une priorité pour les éditeurs de plateformes.

Pour autant, Arnaud Rayrole se dit curieux et en veille. "Quoi qu'on en dise, le métaverse va s'insérer dans notre quotidien professionnel, par porosité avec les usages grand public. Si on m'avait dit il y a quelques années que des Gif animés feraient leur apparition dans les réseaux sociaux d'entreprise, cela m'aurait paru incongru. De même pour le métaverse, ce n'est qu'une question de temps. Il faut s'intéresser au sujet, expérimenter même si on ne voit pas de cas d'usage immédiats", analyse le directeur général de Lecko.

Un univers rétrogaming en 2D

Spécialiste des réseaux sociaux d'entreprise, Jamespot propose d'ores et déjà à ses clients de monter progressivement en puissance dans les univers virtuels. Fin juin, l'éditeur français lançait Jamespot.land, son métaverse d'entreprise. Pas besoin de matériel ou de logiciel additionnel, son interface en 2D, propulsée par le moteur de rendu open source WorkAdventure, tourne sur n'importe quel terminal.

La courbe d'apprentissage est particulièrement rapide. Dans cet univers reprenant le look et les codes du rétrogaming, les flèches du clavier suffisent à faire avancer son avatar dans le village, au café, dans les espaces de coworking ou les bureaux privatifs. Vous rencontrez un visiteur, des bulles de discussion s'ouvrent, vous entrez dans une salle de réunion et une séance de "visio" se lance.

"Il s'agit, comme à la machine à café, de provoquer des rencontres fortuites entre, par exemple, un administrateur système et un responsable marketing"

Avec cette première mouture appelée à s'enrichir, Alain Garnier, président fondateur de Jamespot, entend "démystifier le concept de métaverse qui peut être porteur de projections négatives avec des univers désincarnés et le port obligatoire d'un casque réalité virtuelle." Jamespot.land vise, au contraire, à recréer du lien en proposant un espace commun où les collaborateurs se retrouvent.

En permettant de déambuler d'un espace à l'autre, Jamespot a également voulu renouer avec la logique de rencontre informelle. "Il s'agit, comme à la machine à café, de provoquer des rencontres fortuites entre, par exemple, un administrateur système et un responsable marketing." Une entreprise peut s'approprier l'espace en choisissant un fonds de carte qui symbolise son indenté, zen, nature ou futuriste.

Dans les mois à venir, Jamespot enrichira son métaverse de fonctionnalités dynamiques comme un tableau Kanban ou le partage d'écran. L'éditeur ouvrira aussi un espace Amphithéâtre pour organiser des événements avec des intervenants externes. "A l'inverse de Meta, nous commençons par proposer des espaces privés et sécurisés avant de s'ouvrir progressivement au monde extérieur", conclut Alain Garnier.