Numérique responsable : quand frugalité et éthique riment avec performance

Et si le numérique plombait la performance des entreprises ? Énergivore, obèse et excluant, le numérique tel qu'on le pratique aujourd'hui voit ses jours comptés. Urgence climatique oblige, les entreprises vont devoir passer à l'ère du numérique responsable. Pour le meilleur et pour l'avenir.

Le numérique, comme toute technologie, est un pharmakon, c’est à dire qu’il a cette particularité d’être à la fois un poison et un remède. Cette observation du philosophe Bernard Stiegler résume à elle-seule l’enjeu auquel le numérique se trouve aujourd’hui confronté : s’il veut rester un outil de performance pour les organisations, il va devoir se débarrasser de son venin, devenir plus frugal, plus inclusif et plus éthique, plus propre donc.

Le numérique sera responsable ou ne sera plus !

Alors que l’urgence climatique force les entreprises à adopter un positionnement plus responsable, le numérique se retrouve au cœur de la réflexion et des changements à opérer. Et pour cause : ses bénéfices sont de plus en plus contrebalancés. D’une part, parce qu’il constitue une source majeure de gaz à effet de serre. En 2025, il pourrait représenter 8% des émissions de GES, soit plus que le secteur de l’automobile. D’autre part, parce qu’il est obèse : 10 milliards d’équipements sont fabriqués par an, dont 30% des fonctionnalités développées ne seront jamais utilisées. Enfin, parce qu’il exclut : 70% des sites et 2/3 des sites e-commerce ne sont pas accessibles.

La loi au service de la sobriété numérique

L’ère où l’on donnait carte blanche au numérique est dépassée. Aujourd’hui, place à sa rationalisation. Pour les entreprises, développer un numérique responsable, rimant avec sobriété et éthique, est devenu indispensable pour s’aligner avec les nouvelles exigences d’un monde en surchauffe. Ce n’est plus un choix mais une obligation portée par un arsenal réglementaire de plus en plus contraignant pour les organisations.

On pourrait citer la Loi relative à la transition écologique qui punit l’obsolescence programmée, ou encore la Loi REEN, adoptée en novembre 2021, qui vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique. Même impulsion du côté de l'International Sustainability Standards Board (ISSB) qui a pris la décision d’intégrer le numérique responsable dans ses standards.

Les GAFAM prennent les devants

Parce que le numérique est puissant, il exige un traitement précautionneux et des usages exemplaires. Ce n’est pas nouveau, tout le monde le sait : With great power comes great responsability. Les géants du numérique (GAFAM) se sont d’ailleurs empressés d’annoncer qu’ils visaient la neutralité carbone à tous les niveaux de leurs activités pour 2030.

Et pourtant, malgré l’urgence et la contrainte réglementaire, le marché, dans sa grande majorité, regarde encore tout cela de loin. Pour combien de temps encore ? L’ère du laxisme arrive à sa fin. Bientôt les organisations n’auront plus d’autre choix que d’intégrer le numérique responsable dans leurs pratiques L’INR (institut du numérique responsable) préconise notamment :

  • D’optimiser les outils numériques pour limiter leurs impacts et consommations ;
  • De développer des offres de services accessibles pour tous, inclusives et durables ;
  • De déployer des pratiques numériques éthiques et responsables ;
  • De rendre le numérique mesurable, transparent et lisible ;
  • De favoriser l’émergence de nouveaux comportements et valeurs.

Le numérique frugal & éthique, nouveau levier de performance

Il s’agit d’un véritable chantier de transformation pour les entreprises, d’une métamorphose des usages. D’un lifting numérique qui n’est pas sans bénéfices réels et même conséquents.

Contribution aux engagements RSE, optimisation des coûts, durabilité des investissements, sécurisation des données, meilleure expérience client, offres de services accessibles pour tous, inclusives et durables, bénéfices d’image, limitation de l’impact carbone… La liste est longue ! Mais attention, pas de numérique responsable fructueux sans une feuille de route précise et engagée à trois niveaux : écologique (green IT), social (IT for green) et éthique. Ni sans la création d’un référentiel sur-mesure adapté à l’ADN et à l’environnement de l’entreprise.

Construire son propre référentiel : clé du succès numérique

Demain, le numérique responsable ne sera plus un horizon fantasmé ou valorisant mais un levier déterminant dans la performance des entreprises. Il sera même créateur de valeur, à condition de ne pas se lancer dans la bataille en ordre dispersé, de mettre en place une démarche globale au sein de l’entreprise

La feuille de route de l’organisation demande à être structurée autour des trois dimensions du numérique responsable (NR) :

Cela demande de respecter quatre étapes fondamentales, comme le recommande le Cigref* : 

  • Mettre en place les prérequis d’une démarche de sobriété numérique ; notamment intégrer les externalités négatives du numérique dans les coûts complets, faire apparaitre la notion de dette technique liée à ces enjeux.
  • Activer les leviers d’action pour convaincre et déclencher les décisions (démontrer la valeur des projets numériques sobres, anticiper l’impact des réglementations et projets de loi) ;
  • Organiser la gouvernance (intégrer la sobriété numérique dans les processus et les décisions à l’échelle de l’organisation) ;
  • Construire et partager les bonnes pratiques en créant un référentiel de bonnes pratiques qui décrit par domaines les grandes étapes à prendre en compte dans une démarche de sobriété numérique.

En l’absence de véritables référentiels de marché, construire son propre référentiel est la clé de voute d’une transformation numérique responsable réussie. Cette démarche permet en effet de mieux appréhender les impacts en interne et en externe, de prendre conscience des enjeux, de construire des objectifs cohérents. Et, à terme, de piloter plus efficacement la transformation.

*Association des grandes entreprises et administrations publiques françaises, le Cigref se donne pour mission de développer leur capacité à intégrer et maitriser le numérique.