Comment piloter une entreprise dans un contexte marqué par les pénuries ?

Alors que les crises se multiplient, les organisations doivent savoir identifier les signes annonciateurs et anticiper leur manière de réagir lorsqu'elles seront effectives.

Ces dernières années ont été marquées par une succession de crises ayant bouleversé les activités des organisations. Toujours est-il que la géopolitique du monde ou le changement climatique sont autant de facteurs qui tendent à montrer que ces événements vont se multiplier et créer des situations de pénuries par effet domino.

La pandémie par exemple, a mis à l’arrêt la production de puces électroniques, si bien qu’au sortir de la crise, la demande était très supérieure à l’offre. C’est ainsi que tous les fabricants d’appareils dépendants de ces dispositifs se sont retrouvés impactés.

Plus récemment, c’est le conflit en Ukraine qui a rendu certaines matières premières pratiquement introuvables, aussi bien pour les consommateurs que pour les industriels de l’agroalimentaire. De la même manière, la décision de ne plus recourir au gaz russe a mécaniquement fait monter le prix de l’énergie en Europe, au point de mettre en péril certains secteurs.

Nul ne saurait prédire quelle est la prochaine crise mais tout le monde s’accorde à dire qu’elles vont se multiplier. Ainsi, d'ici 2030, ce sont plus de 85 millions d'emplois qui pourraient rester vacants faute de travailleurs qualifiés pour les occuper. Quant à la transition vers la mobilité zéro émission, elle pourrait être compromise par le manque de matières premières comme les métaux nécessaires à la fabrication des batteries.

Les organisations doivent ainsi savoir identifier les crises en devenir et anticiper la manière dont elles vont pivoter lorsque celles-ci seront effectives.

Savoir identifier les crises avant qu'elles adviennent

Toutes les situations de crises ne surviennent pas de manière imprévisible. Dans de nombreux cas, il est possible d’identifier certains signaux faibles très en amont à partir d’informations provenant du terrain.

Mais ces signes avant-coureurs n’ont de sens que s’ils sont identifiés, analysés à grande échelle. Par exemple, le ralentissement de l’activité commerciale d’un individu ne permet pas de tirer de conclusions alors qu’un ralentissement des ventes à l’échelle d’un territoire ou d’un secteur d’activité mérite que l’on y porte une attention particulière.

Toutefois, il peut être difficile pour un cerveau humain d’absorber un volume important de données disparates provenant de différentes sources. Mais grâce aux technologies de Big Data, d’AI ou de Machine Learning, celles-ci vont devenir lisibles et ainsi permettre de développer une business intelligence tandis que des processus digitaux, basés sur ces données consolidées, permettront d’alerter les dirigeants sur des situations à risque et les aider à prendre les meilleures décisions.

Intégrer les situations de pénuries à l’activité quotidienne

Pour gérer une situation de pénurie, les organisations ont besoin de s’appuyer sur des données qui dépassent leur propre périmètre. Ainsi, elles doivent pouvoir compter sur leur écosystème complet qui regroupe aussi bien leurs clients, leurs fournisseurs et leurs partenaires, sans oublier les organisations interprofessionnelles ou associations référentes au secteur d’activité qui les concerne.

Lors de la pandémie de Covid-19, le NHS Scotland a décidé d’utiliser les workflows digitaux pour optimiser sa campagne de vaccination. Toutes les parties prenantes ont donc été réunies sur une même plateforme : les fabricants pour la disponibilité des doses, les centres de vaccination et les personnel pour les créneaux, et enfin les patients pour la demande.

Chacun possédait une partie des données qui, isolées, n’avaient qu’un intérêt limité. Ce n’est qu’une fois qu’elles ont été corrélées et que leurs interactions et leurs dépendances ont été analysées, qu’il a été possible d’en dégager une véritable valeur ajoutée. Regroupées sur un même outil, assisté d’IA, ces facteurs ont permis aux autorités écossaises de fluidifier leur travail, malgré un approvisionnement en tension.

Dans une situation de pénurie, une telle organisation apporte aux dirigeants la flexibilité nécessaire pour réagir rapidement comme par exemple se tourner vers un nouveau fournisseur ou le choisir en fonction de sa situation géographique pour réduire le temps de livraison.

Engager tout le monde dans la bataille

Pendant longtemps, les entreprises ont anticipé les crises en les intégrant à leurs plans de reprise après sinistre. Autrement dit, il s’agissait de définir un référentiel des actions à mener selon les situations potentielles.

Mais à la différence des catastrophes naturelles ou des cyberattaques, les pénuries ont ceci de particulier qu’elles peuvent être contournées sous réserve d’être prises en compte en permanence. Elles nécessitent donc une approche particulière.

Une fois de plus, le concours de l’écosystème complet est indispensable pour apporter une réponse globale et efficace qui ne soit pas qu’un pansement sur une jambe de bois.

Si l’on prend le cas d’une rupture de la chaîne logistique, au-delà de simplement chercher à résoudre les difficultés d’approvisionnement, les entreprises doivent considérer des paramètres tels que le respect des normes environnementales, les délais de livraison ou encore la qualité des marchandises alternatives. C’est pourquoi un travail commun, mené par tout un secteur a plus de chance d’apporter des solutions qu’une multitude d’initiatives individuelles.

Cet état de coopétition dans lequel des organisations pourtant concurrentes travaillent ensemble à la résolution d’une problématique commune, permet de confronter ses difficultés et d’y apporter des solutions qui bénéficient à chacun et donc de créer un cercle vertueux qui profite à tous.

Encore une fois, un tel dispositif n’a d’intérêt que s’il se base sur des informations fiables et en temps réel et nécessite donc l’appui d’une plateforme digitale capable d’absorber un volume important de données protéiformes et les retransmettre sous forme d’informations exploitables.

La technologie, si précieuse soit-elle, n’a pas vocation à remplacer les individus mais les aider à prendre des décisions en temps réel, en transformant des données de multiples sources et formats, en informations compréhensibles par un cerveau humain. L’automatisation de certaines tâches complexes pour l’être humain (corrélation de données provenant de systèmes divers par exemple) représente un gain de temps parfois vital à la gestion d’une crise.

Gardons enfin en tête que nous sommes entrés dans un nouveau paradigme depuis quelques années avec des réseaux sociaux, des médias qui propagent extrêmement rapidement toute situation de crise. Prenons par exemple la situation récente de la Silicon Valley Bank, en quelques minutes les difficultés de l’établissement bancaire ont été connues de tous provoquant entre autres une ruée vers les distributeurs.

Il est impossible de lutter contre la rapidité de propagation des informations sur la toile et ce à l’échelle mondiale. Un évènement dans une partie du globe peut en quelques secondes avoir des conséquences à des milliers de kilomètres, le fameux effet papillon. Le digital à travers l’hyper automatisation, l’IA ou la Data est une réponse concrète mais bien évidemment pas la seule.

L’approche standardisée du travail telle qu’imaginée par Henry Ford est désormais révolue et se voit remplacée par une conception sur mesure qui dépend de multiples circonstances.

Toutefois, il n’est pas encore possible de relever les défis civilisationnels par le numérique. Certaines activités, comme les secteurs vitaux, devraient faire l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics, via la création d’instances de régulation par exemple. L’avenir dira si l’IA en est capable !