Développer une stratégie solide de collecte des données primaires de la chaîne d'approvisionnement

Avec le développement durable au coeur des discussions globales, les entreprises doivent plus que jamais disposer de données fiables et précises pour mesurer et réduire leur impact.

La plupart des initiatives des entreprises en matière de développement durable reposent sur trois axes : mesure, réduction et production de rapports sur l’impact environnemental, lesquels requièrent des données primaires précises et récentes sur la chaîne d’approvisionnement. Malheureusement, de nombreuses entreprises sont loin du compte. Selon McKinsey, près de la moitié des leaders internationaux n’auraient qu’une vision limitée de leur chaîne d’approvisionnement, voire aucune. Afin de pérenniser leur stratégie de développement durable, les entreprises doivent disposer d’un plan d’action en trois phases leur permettant de se doter d’un programme de données primaires sur leur chaîne d’approvisionnement.

De nombreuses organisations ne disposent pas d’une idée claire de leurs objectifs et pourraient par conséquent être tentées de collecter autant de données primaires que possible. Or, outre le fait que cela soit aussi chronophage que coûteux, une telle approche est susceptible de générer, la majeure partie du temps, de la confusion et de conduire à un certain découragement pour les équipes. En découlent alors des effets de résistance qui entraînent une baisse de la qualité des données, une couverture moins complète de la chaîne d’approvisionnement et du retard dans la réception des données.

Objectifs et besoins : une combinaison essentielle

C’est pourquoi, en premier lieu, les entreprises doivent commencer par définir une relation claire entre leurs objectifs et leurs besoins en données primaires. Ces dernières, au regard des tendances actuelles, doivent se concentrer majoritairement – mais de manière non-exhaustive – sur les émissions carbone, la consommation d’énergie, les déchets et l’eau.

Ainsi, pour les aider à déterminer les types de données à collecter, les entreprises peuvent répondre à une série de questions.

Tout d’abord, elles doivent évaluer leurs exigences en matière de rapports. En effet, elles peuvent inclure notamment les objectifs volontaires, tels que les objectifs SBT, ou science-based targets, qui visent la réduction des émissions de gaz à effet de serre et fournissent aux organisations une trajectoire alignée sur la science du climat. Elles peuvent également s’appuyer sur les contraintes réglementaires, telles que la directive européenne CSRD (pour Corporate Sustainability Reporting Directive), qui s’appliquera progressivement à compter du 1er janvier 2024 et remplacera l’actuelle directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive). Cependant, la plupart des exigences en matière de carbone et de déchets s’appuient également sur les orientations techniques Scope 3 du protocole sur les gaz à effet de serre et/ou sont compatibles avec celles-ci. Les rapports sur l’eau ne sont, pour leur part, pas encore définis avec la même précision, et les entreprises peuvent, pour l’heure, se référer au réseau Water Footprint Network.

Une fois ce premier cadre établi, elles doivent déterminer leur mode de sélection et d’évaluation des fabricants. Les évaluations de la collecte de données sur la chaîne d’approvisionnement doivent inclure des questions permettant de classer et de trier les fabricants en fonction de leur taille, de leur position dans cette chaîne d’approvisionnement, de leur pays et de leurs capacités de production. Faute d’informations concrètes sur le fonctionnement d’une usine, les organisations risquent de comparer des chiffres qui n’ont rien à voir lors de l’analyse des données. Il est en outre important de recueillir les données à une fréquence régulière (mensuelle, trimestrielle ou annuelle) afin de suivre aisément l’évolution des performances du fabricant au fil du temps.

Enfin, les entreprises doivent définir la manière dont elles mesureront l’impact de leur travail avec les partenaires de leur chaîne d’approvisionnement en s’assurant de recueillir des données avec le niveau de précision et à la fréquence requis. Ainsi, si elles ne collectent des données que tous les ans, il leur faudra peut-être plus d’un an pour analyser l’impact d’un projet. Un tel délai peut éroder la confiance accordée à vos cadres et nuire à l’efficacité de votre programme.

Priorités de la collecte de données

Lorsqu’il s’agit de collecter des données primaires, les moindres détails ont leur importance. C’est la raison pour laquelle il est important que les questions et réponses en matière d’évaluation tiennent compte des données que les systèmes internes de l’entreprise peuvent traiter ainsi que des données dont les équipes en charge de ces activités auront besoin pour leurs rapports.

Une partie de ce travail doit être consacrée à la définition des données afin d’éviter toute confusion. Cela peut sembler fastidieux, mais de petits malentendus sur les définitions peuvent avoir d’importantes conséquences. Des termes aussi évidents de prime abord que "gaz naturel", peuvent par exemple être interprétés de différentes manières, comme en témoigne l’exemple ci-dessous :

  • Gaz naturel : généralement livré par des systèmes de distribution centralisés à partir d’un fournisseur municipal ;
  • Gaz naturel comprimé (GNC) : généralement livré dans des bonbonnes et utilisé pour les véhicules ;
  • Propane liquide / Gaz de pétrole liquéfié (GPL) : inclut les mélanges avec le butane. Généralement livré en bonbonnes ;
  • Gaz naturel liquide (GNL) : gaz refroidi à très basse température pour conserver sa forme liquide. Il est généralement stocké dans des réservoirs sous pression.

Il est donc conseillé de demander à son fournisseur de solutions un dictionnaire de données avec un niveau de spécificité similaire afin de ne pas risquer de mauvaise interprétation pouvant conduire à des rapports erronés.

Autre exemple qui prête souvent à confusion, celui de la consommation et de la comptabilisation de l’eau. Afin d’évaluer avec précision la consommation d’eau, ce bilan doit être calculé de la même manière pour chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement. Il est essentiel de définir et de recueillir avec soin les données pour différents types d’eau si vous souhaitez disposer d’un système de comptabilisation fiable et précis.

  • Eaux bleues : eaux douces de surface et souterraines ; l’eau des lacs, des rivières et des aquifères d’eau douce ;
  • Eaux vertes : les précipitations sur la terre qui ne s’écoulent pas et n’alimentent pas les réserves souterraines, mais qui sont stockées dans le sol ou restent temporairement au-dessus du sol ou de la végétation ;
  • Eaux grises : eaux usées qui ont été utilisées puis rejetées à partir de processus ou d’utilisations domestiques, commerciales ou industrielles ;
  • Consommation d’eau : volume d’eau douce utilisé puis perdu par évaporation ou incorporé dans un produit. Cette consommation comprend également l’eau prélevée dans les eaux de surface ou souterraines d’un bassin versant et renvoyée dans un autre bassin versant ou dans la mer ;
  • Prélèvement d’eau : volume d’eau douce extraite et/ou prélevée dans les eaux de surface ou souterraines, qui est soit perdue par évaporation, soit transportée vers un autre bassin versant ou vers la mer.

Il est recommandé de stocker ces données à la fois dans leur format brut et dans un format nettoyé, prêt à être inclus dans des rapports externes. Le premier format facilitera la gestion interne et le suivi des progrès. Le second permettra de partager des informations et des analyses comparatives avec les interlocuteurs et les collaborateurs. Pour passer des données brutes aux résultats publiables, les organisations peuvent soit consulter les conseils de calcul du GHG Protocol, soit s’adresser à leur fournisseur de solutions de mesure et d’analyse des données.

Analyser, améliorer et étendre

Si la collecte de données est cruciale, elle ne constitue toutefois qu’une première étape. Sachant que la plupart des données primaires de la chaîne d’approvisionnement proviennent des estimations des fournisseurs, elles peuvent contenir des erreurs. Les équipes doivent donc en vérifier la qualité et les nettoyer avant de se lancer dans leur analyse. Pour ce faire, elles doivent tout d’abord échanger régulièrement avec leur fournisseur lorsqu’un point de donnée pose problème ou interroge, afin d’améliorer les analyses. Ensuite, automatiser la détection des valeurs non conformes permet de faciliter l’identification et la correction des erreurs de données. Enfin, la vérification des données primaires sur site est une approche efficace et très utile dans les relations avec des partenaires récents, de grande envergure ou d’une complexité particulière. Une fois cette étape de nettoyage des données effectuée, les entreprises n’ont plus qu’à les analyser et peuvent ensuite réfléchir à d’autres types de données ou de partenaires de la chaîne d’approvisionnement à inclure dans leurs prochaines collectes.

Les données primaires sont la base de tout programme de développement durable solide. A l’heure où les données fiables, précises et pertinentes sont une valeur essentielle, les entreprises doivent plus que jamais mettre en œuvre des stratégies solides. Cela leur permettra de collecter les données nécessaires pour identifier, mesurer et réduire l’impact environnemental de leur chaîne d’approvisionnement, tout en les conformant à leurs obligations au niveau de la publication de rapports.