Les enjeux cachés de la pénurie d‘adresses IPv4

Toutes les adresses IPv4 seront allouées d’ici la fin février 2011. Nous sommes passés depuis le dimanche 12 décembre 2010 sous la barre des 100 000 000 d’adresses disponibles.

Prédiction : dans quelques années, nous nous moquerons de cette annonce, tout comme nous nous sommes moqués du bug du passage à l'an 2000. Mais cette fois-ci, il y a beaucoup moins d'articles alarmistes dans la presse grand public.

Car il ne faut pas se voiler la face, ce n'est pas Armageddon : des adresses "allouées", cela ne veut pas dire "utilisées". Nous allons donc voir une ruée vers l'or qui va se dérouler, pour rechercher les dernières adresses IPv4 non allouées. Ou peut-être juste une usurpation de terre, car il est peu probable qu'il y ait beaucoup d'or derrière ces collines.

Le commerce des adresses IPv4 Mais il est certain que les opérateurs qui achètent en ce moment les dernières adresses non allouées par l'IANA (Internet Assigned Numbers Authority) espèrent gagner de l'argent en les revendant ou en les louant. Si la loi de l'offre et de la demande se maintient, et à moins que l'IPv6 ne prenne un envol soudain, les prix des adresses IPv4 vont probablement augmenter, et certains acteurs vont en profiter pour parier sur une forte hausse. Il est beaucoup plus intéressant de se demander combien d'espaces d'adressage IPv4 sont réellement utilisés, et pas seulement alloués. Cette quantité est beaucoup plus difficile à calculer, car il n'existe aucune autorité centrale comparable à l'IANA pour obtenir ces chiffres. Certains grands "dinosaures" qui ont été impliqués dans les premières étapes du développement de l'IPv4 possèdent un grand nombre d'adresses probablement inutilisées pour lesquelles il risque d'y avoir une forte demande. Surveiller l'épuisement de l'espace non alloué est un bon indice pour deviner le moment où quelque chose commencera à se produire au niveau des "netblock" alloués aux entreprises comme General Electric (3/8, c'est-à-dire 3.0.0.0 via 3.255.255.255, ou environ 16 millions d'adresses IPv4), IBM (9/8), Hewlett-Packard (15/7, 32 millions d'adresses), Apple (17/8), MIT (18/8) et Ford Motor Company (19/8). Le département américain de la Défense possède également un grand nombre de blocs d'adresses, et alors qu'il est probablement très réticent à les abandonner, nous pouvons facilement supposer qu'il fera l'objet d'une grande pression pour transférer certaines de ces adresses vers une utilisation civile ou même commerciale. Mais bien avant cela, Ford va certainement trouver un moyen de monnayer son lot d'adresses IPv4, même si elle ne rentrera pas en compétition directe avec AT&T et Level 3 Networks. L'allocation d'adresses IP dans le futur Il est également intéressant de se demander sous quelles conditions vous serez autorisés à obtenir une adresse IP dans le futur. Le prix est juste un facteur, et comme le montre l'incident récent de WikiLeaks, obtenir une adresse IP qui offre une véritable liberté d'expression sera peut-être encore plus important, pour ceux qui ont des choses impopulaires à dire. Et de façon ironique, il semble que les états totalitaires seront les seuls à offrir cette "petite commodité" à tout le monde excepté à leurs propres citoyens. Il semble que WikiLeaks lutte pour ne pas avoir à déménager ses serveurs vers l'Est, car une telle liberté a un prix, qui est mesuré en partie en termes éthiques, mais aussi sécuritaires. Et il n'est pas viable à long terme de dépendre des relations entre une partie de la communauté internationale et les Etats malveillants. En attendant, ne paniquez pas, mais gardez un oeil sur la situation. Nous n'essayons pas de dire que l'épuisement des adresses IPv4 n'est pas un problème, et nous sommes certainement en faveur d'un développement durable, que cela prenne la forme de l'IPv6 ou d'une réforme de l'IPv4. Mais nous souhaiterions souligner que c'est juste une autre phase ou un problème chronique, et pas une crise aigüe pour l'IPv4.