Référentiel de la maturité digitale des entreprises EBG – IBM 2018 - 2019

L’entreprise apprenante contre-attaque. Le Business Model des nouveaux entrants. Avec la IVe révolution industrielle, de nouveaux acteurs ont challengé les entreprises établies sur trois fronts : l’expérience client, la data et les plateformes.

Grâce à un effort conséquent sur ces trois axes, ils ont fait émerger de nouveaux modèles autour de la désintermédiation, en captant une partie des chaînes de valeur.

En réaction, les entreprises établies ont intégré les concepts inspirés de ces nouveaux entrants. Nous observons en effet les trois tendances suivantes.

• Une prise de conscience de la nécessité de remettre le client au centre des enjeux et du modèle opérationnel de l’entreprise : 68 % des dirigeants d’entreprises accordent à présent plus d'importance à l'expérience client qu'au produit (1).

• Une utilisation de la donnée au-delà du pilotage des entreprises : 66 % des entreprises travaillent à exploiter les données dans leur business model. Les Galeries Lafayette vont, par exemple, mettre en place des initiatives digitales omnicanales pour booster les ventes globales en ligne et en magasin.

• Une transformation des entreprises pour être plus agiles et innovantes : 64 % des entreprises ont fait de l’introduction et l'implémentation des méthodes agiles un chantier prioritaire au cours de ces douze derniers mois. À cet égard, l’initiative ayant l’impact le plus positif est le Design Thinking.

Ce changement de paradigme permet aux entreprises établies de rattraper leur retard et de rester dans la course. Un véritable enjeu se présente à ces entreprises, à savoir la reprise du leadership au sein des marchés, et l’anticipation de la nouvelle vague de révolution technologique. Pour ce faire, une transformation des organisations, de fond, continuelle et scalable est nécessaire. Cette transformation n’est pas toujours simple : 46% des entreprises jugent que leur culture n’est pas encore alignée sur le client. La bonne nouvelle, c’est que c’est précisément au sein de ces entreprises dites établies que se trouvent les atouts différenciants pour y parvenir.

Le retour par le couple expérience client / expérience employé

Sur l’expérience client, les entreprises établies ont intégré la nécessité de repenser les parcours, l’expérience utilisateur, le design, etc. Et elles ont compris, au-delà de ces améliorations, à quel point elles pouvaient s’appuyer sur l’expertise et l’expérience de leurs employés – que n’ont pas les nouveaux entrants, par définition. Elles ont aussi réalisé qu’il devenait essentiel de valoriser le savoir-faire, parfois centenaire, de leurs propres employés. Celui-ci devient un actif lorsqu’il est valorisé dans la construction de nouveaux services, comme le montre l’exemple de La Poste, où le réseau de facteurs devient un différenciant.

Notre étude montre que 70 % des organisations interrogées jugent que l’expérience employé doit être aussi importante, sinon plus, que l’expérience client. On parle du couple expérience employé / expérience client, auquel sont appliqués les mêmes approches et standards d’exigence et de qualité. L’entreprise va tenter d’augmenter la valeur de ce couple employé-client de manière exponentielle. En mettant l’accent sur l’expérience employé, les entreprises peuvent se différencier : l'acronyme CTO ne couvre pas seulement les fonctions de "Chief Technology Officer" ou "Chief Transformation Officer", mais également (par exemple chez Publicis), un "Chief Talent Officer", garant de la bonne gestion des talents et des compétences.

La refonte des pratiques managériales grâce aux méthodologies collaboratives et à l’implémentation de l’Agile est un exemple. The Walt Disney Company, dont l’objectif est de rester « one of the most admired companies », a ainsi utilisé des techniques d’experience mapping en interne, pour repenser le parcours de l’employé, de son recrutement jusqu’à son départ de l’entreprise.

Le pouvoir par la data, patrimoine de l’entreprise établie

Les nouveaux entrants ont bâti leur modèle à 100 % sur la data alors qu’ils n’ont accès qu’à 20 % des données – celles qui sont publiques et donc accessibles à tous. Les 80 % restants sont des données internes, stockées dans les systèmes d’information des entreprises historiquement établies sur le marché : dans leurs usines, magasins, dépôts, agences, via leurs produits et leurs ressources humaines… Un constructeur automobile, par exemple, dispose de données dans ses moteurs, de données sur les usages des conducteurs et de données sur ses employés. Tandis que les nouveaux entrants n’ont pas accès à ces données internes des entreprises établies, il est aujourd’hui très aisé pour ces dernières d’accéder aux 80 % de data externes … un avantage de taille sur les nouveaux entrants !

L’étude montre que 70 % des entreprises souhaitent exploiter les données collectées, tout en en assumant la responsabilité. Bien-sûr, les nouvelles règlementations européennes sur la protection des données y incitent : les cas de Facebook et Uber soulignent à ce titre la criticité de la maîtrise de la data. Les clients se rendent compte qu’ils ne peuvent plus confier aveuglément leurs données aux entreprises, en particulier à celles qui opèrent à la fois en BtoB et en BtoC.

Conscientes de ces enjeux, les entreprises continuent d’utiliser cette data pour enrichir leur offre. C’est le cas de Total, qui a décidé de s’attaquer au secteur très concurrentiel de l’électricité, en s’appuyant sur les données collectées en stations-service depuis vingt-cinq ans. Un autre groupe se réinvente grâce à la data : BMW, qui développe actuellement une offre premium de mobilité avec sa flotte existante de voitures pour concurrencer Uber. Une voiture pourra, au choix, être conduite par un chauffeur professionnel faisant office de taxi, ou bien être disponible en location à l’heure (2).

Les business models de plateforme pour construire le futur

Les systèmes d’information, d’abord construits autour du produit, avaient vocation à rester un outil interne à l’entreprise. Ils se sont ouverts progressivement à l’extérieur, autour du client et des partenaires (avec la notion d'Échange de Données Informatisé – EDI). Pour reprendre le leadership sur le marché, les entreprises construisent à présent des systèmes d’information dits « SI d’écosystèmes » qui rassemblent clients, collaborateurs, partenaires, tiers de confiance et concurrents dès la conception. Ces plateformes redéfinissent les processus et l’usage des données, qui deviennent de plus en plus spécifiques mais de plus en plus partagés. Cette évolution s’accompagnant de l’émergence de nouvelles capacités technologiques avec l’intelligence artificielle, qui permet de passer des systèmes statiques et programmés à des systèmes apprenants.

Pour concevoir ces nouvelles plateformes d’industrie, les entreprises ouvrent leurs systèmes d’information existants pour s’intégrer à un écosystème et y partager leurs actifs, savoir-faire et expertises, mais aussi bénéficier de capacités technologiques mises en commun pour le développer, le structurer, et l’enrichir de nouvelles composantes. Maersk, l'un des leaders mondiaux du marché du transport et de la logistique a créé avec IBM une plateforme de l'écosystème Supply Chain (Global Trade Digitization) permettant de gérer les interactions et documents partagés avec plus de 300 intermédiaires de manière centralisée et sécurisée (3).

Les quatre nouvelles technologies les plus structurantes pour les plateformes sont les suivantes

• L’Intelligence Artificielle, permettant de repenser les processus de ces systèmes d’informations, pour passer d’un modèle statique et déterministe à un modèle apprenant et probabiliste. Sur ce point, les entreprises n’en sont encore qu’à leurs débuts : moins de 30 % des organisations ont mis en place des modèles d’analyse avec des données non structurées.

• La Blockchain, permettant de construire un réseau d’informations sécurisé, vérifié, et partagé par l’écosystème.

• L’Internet des Objets, permettant de faire prendre corps à ces nouveaux usages, dans les objets du quotidien, et d’animer l’écosystème. 75 % des entreprises ont une stratégie de connectivité de leurs produits et actifs.

• Le Cloud hybride, comme socle technologique permettant à la fois d’ouvrir le SI existant et d’accueillir les nouvelles technologies citées, tout en garantissant le passage à l’échelle. Le cloud est le premier facilitateur d’exploitation des données et d’accélération de la transformation digitale pour 55 % des entreprises.

28 % des entreprises interrogées sont déjà engagées vers ces nouveaux business models de type plateforme (4), et 72 % des nouveaux disrupteurs d’un secteur sont des entreprises traditionnelles du secteur en question (et non les géants du numérique) (5).

La Poste est particulièrement emblématique : groupe fondé à partir des relais créés par Louis XI, La Poste se réinvente aujourd’hui par le biais du digital, des plateformes et de l'IoT, en exploitant l’expérience de ses employés et son vaste réseau de proximité pour améliorer ses services de livraison et de banque autant que de coffre numérique.

Un autre récit est fascinant : celui de la SACEM, qui crée une plateforme mondiale de référence sur laquelle travaillent de nombreuses startups et IBM comme tiers de confiance, aujourd’hui en passe d’adresser les marchés américain, italien et espagnol pour amorcer la collecte des droits.

Sources :

(1) IBM for Institute Business Value 2018 - Incumbents Strike Back - Insights from the Global C-suite study.
(2) IBM Global C-suite study 2018 : Incumbents strike back
(3) IBM Institute for Business Value 2017 - Global C-suite Study, 19th Edition. Forward together : three ways blockhain Explorers chart a new direction
(4,5,6) :  IBM Global C-suite study 2018 : Incumbents strike back