Quand open source et cloud font bon ménage

Alors qu’il y a encore quelques années le cloud computing était inconnu de tous, il représente désormais un enjeu majeur du secteur de la high-tech, et vient redessiner les contours de l'open source.

Par sa simplicité et son efficacité, le nuage a su s’imposer comme un outil essentiel à même de transformer profondément nos usages, tant personnels que professionnels. Il se voit cependant être à l’origine d’un autre phénomène jusqu’alors contre-nature, à savoir l’ouverture des géants de la technologie à l’open-source. 

Si cette évolution silencieuse en passe de devenir une révolution est lourde de sens, il est de raison de s’interroger quant aux motivations d’un tel mariage.

"Linux is a cancer"

Steve Ballmer, ancien CEO de Microsoft, avait ces mots très durs lorsqu’il parlait de Linux et plus généralement de l’open source en 2001.

A l’époque, la vision de ce type de solutions était bien plus négative qu’aujourd’hui pour les plus grands acteurs du marché informatique. Des concurrents aisément accessibles et libres de droits face à des softwares vendus, parfois au prix fort, cela fait quelque peu désordre. Heureusement pour les deux parties, la situation a bien changé.

Quand un nouveau dirigeant métamorphose un ancien pilier

L’arrivée de Satya Nadella en 2014 à la tête de la firme de Redmond a changé la donne. Il reprend le flambeau à Steve Ballmer et ses idées (d’un autre temps) avec pour objectif de transformer Microsoft.

En effet, le nouveau CEO a toujours été un grand partisan de l’open source, mais surtout l’instigateur du changement de stratégie et de la transition vers le cloud.

Au revoir au discours maladif, place au "Microsoft ♥ Linux" désormais. La révolution est en marche et personne ne l’a vu venir.

L’acquisition de Github, célèbre plateforme de partage de code entre développeurs, en juin 2018 pour 7,5 milliards de dollars ou encore la libération de 60 000 brevets en octobre dernier sont certainement les points les plus démonstratifs de la nouvelle stratégie du géant, celle de l’ouverture.

Officiellement, Microsoft annonce vouloir protéger Linux contre les "patent troll" (ces sociétés spécialisées dans la détention de brevets) et détecter les meilleurs codeurs pour mieux les recruter au travers des deux actions présentées ci-avant.

Des actes nobles au demeurant, mais Microsoft n’est pas qu’une entreprise philanthrope et les véritables raisons se trouvent ailleurs.

L’Open Cloud, ou le meilleur de deux mondes

Depuis plusieurs années, une grande majorité des projets open source a conduit à la création de softwares de grande qualité, extrêmement puissants et adaptés aux besoins d’un grand nombre d’entreprises dans le monde.

Ces dernières les utilisent de plus en plus au détriment des solutions de marché, généralement couteuses et peu flexibles.

Il existe néanmoins des contraintes à ces usages. Les sociétés travaillant avec des quantités de données toujours plus massives, elles doivent disposer d’infrastructures informatiques à même de répondre aux nouveaux besoins en termes de stockage, de puissance et de flexibilité. 

C’est ici qu’interviennent Microsoft Azure, Amazon Web Services ou encore Google Cloud Platform, (la liste est longue), les nouvelles plateformes des plus grandes capitalisations technologiques. Spécialisées dans le cloud et optimisées pour les technologies open source, elles sont dotées d’immenses fermes de serveurs prêts à l’emploi et présentant les meilleures avancées en termes de technologies matérielles.

En soit, ces acteurs proposent un terrain fertile à louer pour que les clients puissent y semer leurs plantations open source dans la plus grande des simplicités. On appelle ceci l’open cloud.

Adieu les installations maison, l’entretien matériel, le remplacement des serveurs et les équipes dédiées. Bienvenue à la simplicité et à la flexibilité, à un coût raisonnable tout en profitant de machines distantes à la pointe de ce qu’il se fait. Une fois le tout combiné à des logiciels libres, vous obtenez ce qui semble être la solution idéale.

Car en effet, l’open cloud, c’est avant tout laisser la possibilité de développer et d’utiliser des dispositifs puissants et accessibles à toutes et à tous, en entreprise comme chez soit avec un matériel réduit.

A l’heure des connexions très haut débit, il s’agit d’un parc de clients potentiels incroyable pour ces services à abonnement, à l’origine d’une nouvelle ère dans le milieu des batailles technologiques.

Vers une transformation profonde du marché

Si Microsoft est ici citée en exemple, c’est parce qu’elle incarne mieux le changement radical de position et de vision à long terme de son activité, mais la société américaine n’est pas en reste.

Cloudera et Hortonworks, tous deux principaux fournisseurs de solutions Hadoop (solution open source de gestion massive de données) ont fusionné pour 5,2 milliards de dollars en 2018 afin de continuer à croitre notamment dans le domaine du cloud hybride.

IBM a, pour sa part, sorti son chéquier en octobre 2018 afin de s’offrir Red Hat (premier éditeur mondial de solutions logicielles open source et spécialiste des technologies Linux et de cloud computing) pour la modique somme de 34 milliards de dollars, en faisant sa plus grande acquisition mais également l’une des plus importante du secteur.

Enfin, Google se lance lui dans le cloud gaming (streaming de jeux-vidéo) avec son nouveau service Stadia et ses serveurs 100% basés sous Linux et utilisant Vulkan comme technologie libre pour ses graphismes 3D.

L’open source n’a jamais été aussi présent et mis en avant chez les géants de la technologie qu’aujourd’hui.

Une véritable mutation du marché a lieu avec des acteurs faisant de l’open cloud leur cheval de bataille, des éditeurs de logiciels payants redoutant la montée en force des solutions open source et se transformant pour les intégrer dans leur catalogue et enfin des géants qui n’hésitent pas à procéder à des acquisitions massives dans le domaine du logiciel libre pour se distinguer et proposer des solutions exclusives.

Les prochaines années vont bousculer fortement le marché, cela est certain. La véritable question est de savoir comment seront redistribuées les cartes du succès pour les acteurs de la high-tech.