L’agilité, un enjeu de transformation à différents niveaux

L’essor de l’agilité traduit une évolution profonde des habitudes de travail et des pratiques dans la gestion de projet, notamment dans l’industrie bancaire et financière.

L'agilité apporte une réponse concrète aux challenges auxquels doivent faire face les banques dans un environnement en perpétuel changement, sous la pression des régulateurs, des évolutions technologiques et des attentes pour de meilleures expériences clients.

Pour comprendre les origines de l’agilité, il est nécessaire de s’arrêter sur une statistique cauchemardesque. En 2015, Standish Group International publie un rapport indiquant que près de 60% à 70% des projets engagés échouent, dans le sens où un projet est un succès lorsqu’il délivre la valeur attendue dans les délais et le budget impartis. Dans bien des cas, les produits et services, une fois sortis de leur cycle de développement, sont considérés comme inadaptés car ils ne répondent pas aux besoins réels des utilisateurs, voire déjà obsolètes car les attentes ont évolué entre le lancement du projet et la livraison finale. La tendance est à l’amélioration, avec un taux d’échec en baisse (<50 % selon le PMI), néanmoins HBR souligne que les dépassements budgétaires sont conséquents, et dans certains cas fatals à l’organisation. 

Fort de ce constat, plusieurs courants de développement informatique ont émergé apportant respectivement de nouveaux frameworks. Ils ont tous la particularité de mettre en avant la capacité à être proche des utilisateurs pour capter leurs attentes réelles, à pouvoir s’adapter rapidement aux changements d’orientations et de priorités, et à mettre en œuvre des cycles d’amélioration continue. C’est donc naturellement que l’agilité a d’abord été adoptée par les DSI. Elle est encore majoritairement perçue comme un besoin informatique. Pourtant, elle s’impose peu à peu dans d’autres départements, tels que le marketing pour les développements de produit.

Des bénéfices concrets

Les 17 leaders IT qui ont défini l’agilité au travers du Manifeste Agile ont préféré mettre en avant un état d’esprit (engagement individuel et global de l’équipe, confiance, auto-résolution des problèmes, mesure de résultats tangibles…) plutôt que des méthodes de travail bien établies. L’agilité n’est probablement pas adaptée à toutes les situations. Néanmoins les organisations qui ont intégré et adopté les bonnes pratiques issues de l’agile ont obtenu des résultats réels. Les différentes études menées, pour lesquelles l’industrie financière et les assurances représentent près de 30% des réponses, ont permis notamment de lister les bénéfices suivants :

  • Visibilité accrue sur les projets
  • Alignement entre métiers / équipes projets
  • Mise sur le marché plus rapide
  • Meilleure qualité des produits / services
  • Progression de la productivité des équipes
  • Réduction des coûts d’investissement
  • Amélioration du moral des équipes
  • Capacité à changer de priorités.

La méthode agit positivement sur des dimensions autres que le trio habituel d’indicateurs projets (qualité, coûts, délais).

Etapes et facteurs clés de succès d’une transformation agile

Derrière ce bilan très encourageant se cache une transformation réelle des individus et des organisations. Elle peut se mesurer selon 3 niveaux de complexité croissante, induisant des efforts et investissements de plus en plus conséquents.

Dans le premier niveau, les équipes agiles sont de petites équipes projet (environ 10 collaborateurs) qui s’organisent selon un framework particulier adapté à leur contexte. La transformation impacte d’abord les équipes de développement sur le terrain. Malgré une volonté affichée, il arrive souvent que les équipes continuent de fonctionner comme avant en essayant simplement d’appliquer les termes issus de l’agilité. Le symptôme le plus répandu étant un "product owner" qui n’est autre qu’un manager ou un chef de projet issu de la DSI. Il est compréhensible qu’il soit difficile pour un opérationnel de sortir de sa production pour se dédier totalement aux projets. C’est un choix d’organisation, mais les métiers n’en ont pas encore tous pris conscience. La conséquence est que les bénéfices de l’agilité ne sont pas totalement récoltés. L’important est de se lancer et d’apprendre au travers des réussites mais surtout des échecs. "Fail fast, Learn fast" n’est-il pas l’adage des agilistes ?

 

Lorsque le projet requiert de synchroniser plusieurs équipes agiles, les organisations passent au niveau de l’agilité à l’échelle. Les grands projets (>100 collaborateurs impliqués) génèrent davantage de complexité dans la synchronisation des multiples équipes qui composent le projet, et dans le pilotage global. La transformation est plus difficile, elle suscite beaucoup de résistance au changement du fait d’une décentralisation des responsabilités et de l’aplanissement des organisations hiérarchiques, avec une revisite des rôles d’encadrement et une redistribution des rôles d’expertise. Elle impose également de nouvelles pratiques dans la définition et le pilotage des budgets et des portefeuilles de projets comme SAFe qui fournit un cadre très complet a l’avantage de rassurer les managers qui l’adoptent.

Au dernier stade, une organisation devient agile lorsque ses processus, et notamment les processus de décisions stratégiques, sont capables de s’adapter aux changements en continu, en s’alimentant des retours des clients. Les entreprises qui se définissent comme entièrement agiles restent encore minoritaires.




















Que l’organisation ait choisi une approche globale, ou ait décidé d’y aller par opportunités, le succès de cette transformation s’appuie sur 3 principaux facteurs clés : un sponsorship fort de l’exécutif, la création d’une équipe interne de coachs agiles et des programmes internes de formation. Le développement des collaborateurs et l’intégration de nouveaux talents à l’esprit entrepreneurial permettent d’accélérer la transformation et nécessitent des actions pour la pérenniser. Revoir les politiques de rémunération est nécessaire mais cela ne sera pas suffisant pour garantir l’attractivité dans la durée.

Les organisations qui ont expérimenté l’agilité dans leurs projets admettent ne pas vouloir revenir en arrière. Elles reconnaissent que, même si le concept d’agilité reste assez simple à comprendre, son implémentation est longue et lourde, impliquant à partir d’un certain stade une transformation sur toutes les couches. Chaque organisation définit sa propre ambition dans l’échelle de maturité et son rythme pour y arriver. L’agilité dépasse largement le cadre de la conception de logiciels. A quand une RH agile, ou de l’amélioration continue dans le département Finance ? Les organisations du futur seront agiles notamment dans l’exécution de leurs projets informatiques mais également dans leurs Métiers. La question est de savoir qui en fera partie.