Xavier Aucompte (B-R-Ent) : "L'intranet 2.0 ne veut rien dire si l'entreprise n'a pas la volonté de changer en profondeur"

Le consultant indépendant analyse les récentes évolutions des intranets 2.0, tout en insistant sur la nécessaire bascule vers des projets plus globaux, visant à transformer de fond en comble l'entreprise.

Quelles sont les tendances en matière d'intranet depuis le début de l'année ?

Les huit premiers mois de l'année 2008 ont été relativement cycliques et dynamiques. Le début d'année a montré une vraie énergie et une volonté des entreprises de passer à des intranets 2.0. A partir du mois d'avril, lorsqu'on est passé à la phase de concrétisation, il y a eu un arrêt qu'on pouvait imaginer lié à la crise économique. 

Mais au cours de l'été, la dynamique est repartie. Les entreprises ont pris la mesure de l'importance de l'intranet, elles ont pris conscience qu'il s'agissait d'un sujet stratégique, et qu'il fallait passer à des sites 2.0.

Que mettez-vous précisément derrière le terme "intranet 2.0" ?

Avec les intranets 2.0, des réseaux sociaux internes se développent, il y a davantage de collaboratif - avec de nouvelles formes de collaboratif - et une revisite des intranets dans leur ensemble s'opère. Les intranets 2.0 se traduisent également par une plus grande ouverture vis-à-vis de l'Open Source, de l'alternatif. Toutes les entreprises sont désormais prêtes à y réfléchir.

Elles intègrent d'ailleurs soit un nuage de tags dans la navigation, soit des outils de géolocalisation, ce qui constitue un bon mix de fonctionnalités 2.0, et correspond à l'arrivée de nouvelles façons de naviguer et de gérer l'intranet.

Qui des PME ou des grandes entreprises sont les plus actives dans ce domaine ?

Les intranets 2.0 se traduisent par une plus grande ouverture vis-à-vis de l'Open Source

Les deux le sont. Concernant la mise en place de réseaux sociaux internes, par exemple, ce sont davantage les grandes entreprises ou certaines directions de grands groupes qui sont en avance, sur des projets concernant de petites communautés. Leur capacité à gérer un premier projet leur permet de se lancer.

Mais les PME ont davantage la souplesse de gérer en interne la révolution induite par un intranet 2.0. Car, au-delà du simple outil "intranet", c'est le chemin vers l'entreprise 2.0 qu'il faut savoir gérer, ce qui représente un vrai changement organisationnel.

L'intranet 2.0 ne veut rien dire si l'entreprise n'a pas la volonté de changer, ce n'est pas un projet informatique en tant que tel, c'est une partie d'un tout plus vaste. On le voit aujourd'hui par ceux qui prennent les décisions : les directions générales s'investissent plus, les DSI évoluent dans leur approche, les DRH et les directeurs de la communication ont une nouvelle dynamique.

Où en sont aujourd'hui les projets de blogs internes ?

J'ai envie de dire qu'ils sont aujourd'hui dépassés, qu'ils ont reculé. Les réseaux sociaux les ont dépassés. Mais ils restent quand même très présents. En fait, on assiste aujourd'hui à la continuité de l'ascension des blogs. Même s'ils sont moins présents en tant que tels, tout ce qu'ils ont amené constitue un élément structurant des projets actuels.

Le blog est le couteau suisse avec lequel on peut tout faire. Avec un blog, vous pouvez construire un site 1.0 en fermant les commentaires. Mais sa vraie utilisation est sur du collaboratif, sur de l'échange d'information, sur du panneau syndical...  On peut aller très loin et je ne connais pas un seul projet où on n'en parle pas...

Nous sommes actuellement dans une phase de première maturité

Je pourrais faire la même réponse sur le wiki : on ne mène pas beaucoup de projets wiki aujourd'hui mais tout ce que le wiki a apporté a été intégré par les éditeurs dans leurs solutions. On parle ainsi très souvent de documents partagés, évolutifs, d'encyclopédie, de lexiques communs, sans forcément parler de wikis en tant que tels. Les noms changent mais les fonctionnalités sont là.

Cela signifie-t-il que nous sommes dans une phase de maturité ?

La première phase de développement du Web 2.0 a connu les intranets 2.0 qui contenaient des blogs, des wikis et des flux RSS. Maintenant, nous sommes dans une phase de première maturité, où l'on parle davantage d'entreprise 2.0. Les enjeux portent sur la transformation de l'entreprise. Et technologiquement, il faut tenir compte de l'arrivée de l'Ajax, de Flex, des outils "plug-in" ou des "widgets" de géolocalisation.

Quid des podcasts ?

Pour ce qui est des podcasts et des vidéocasts, il y a une vraie envie, une vraie compréhension du besoin. A côté de cela, on a encore souvent des problèmes de bande passante, de bureautique interne, qui sont autant de freins technologiques à ce genre de projets. Et certaines entreprises ont parfois la crainte de l'intranet "futilité", où regarder de la vidéo ne serait pas considéré comme du vrai travail.

Certaines entreprises ont parfois la crainte de l'intranet "futilité"

Mais dans les secteurs où on ne se pose pas la question, à savoir pour tout ce qui touche aux outils de formation et d'auto-formation, les projets avancent. Ailleurs, je pense que tout cela va arriver naturellement en 2009. Les technologies évoluent, les réseaux aussi... Et de plus en plus d'entreprises comprennent l'intérêt d'utiliser au quotidien la vidéo en vidéocast.

Vous parlez beaucoup de passage à l'entreprise 2.0, qu'entendez-vous par là ?
On est passé à une vision entreprise 2.0 et non plus seulement intranet 2.0. Il s'agit désormais d'un projet organisationnel, impliquant les ressources humaines, la direction de la communication, la direction générale. Cela ne concerne plus seulement les outils.

Certains se posent la question de savoir si l'entreprise 2.0, ce n'est pas du luxe. Aujourd'hui, on voit que la majorité des grands groupes y vont, et que les PME sont parfois plus innovantes et en avance. L'entreprise 2.0 est devenue non plus un choix, mais une obligation, car on vit une crise économique d'ampleur, où il faut trouver des solutions, dans toutes les strates de l'entreprise.

Les projets intranet 2.0 sont moins coûteux, plus rapides et répondent aux transformations qui permettent à l'entreprise de se repositionner et de répondre aux défis des crises actuelles. Ces crises sont de nature économique - il y a obligation d'être plus rentable, plus souple au niveau organisationnel et managérial, et que le passage de l'information soit plus rapide au quotidien.

Il y a aussi une obligation de répondre à la crise générationnelle, créée par le départ des papy-boomers : quand l'entreprise a des difficultés à recruter, à transmettre le savoir en direction générale et en management, les projets intranet 2.0 deviennent des obligations.