Interopérabilité, Microsoft franchit une nouvelle étape

L'interopérabilité progresse chez Microsoft. Une annonce du 22 mai dernier prévoit que le support de certains formats concurrents - comme ODF - sera assuré dans sa suite bureautique Office 2007 à côté celui de son format OpenXML.

Très souvent les idées reçues ont la vie dure. C'est en tout cas ce que l'on peut constater dans le domaine de l'interopérabilité des systèmes d'information. Aux chantres du logiciel libre perçu de manière délibérément faussée comme le moyen pour les utilisateurs de s'émanciper d'une solution logicielle propriétaire, les média grand public opposent le grand méchant éditeur américain : Microsoft.

La vérité est plus nuancée, loin de cette image d'Epinal véhiculée en premier plan par les concurrents de Microsoft prêts à tout pour emporter de nouvelles parts du marché des prestations informatiques.

Il est patent, en effet, que ces mêmes acteurs omettent - délibérément ou pas - de mentionner les avancées de Microsoft en termes d'interopérabilité pour assurer la coexistence de deux modèles de développement du logiciel : les logiciels propriétaires (éditeurs) et les logiciels à code ouvert (SSLL et fournisseurs de services).

 

L'interopérabilité reste un sujet crucial pour le numérique, où une très large palette de matériels et logiciels doit être mise en oeuvre aux travers de réseaux caractérisés par leur hétérogénéité. L'architecture de l'environnement numérique repose sur des normes, protocoles, formats et autres standards.

Nonobstant la communication et les échanges entre des systèmes d'information, la portabilité et la pérennité des données sont aussi des aspects essentiels. L'interopérabilité s'entend de la possibilité pour des moyens logiciels et matériels, appartenant à plusieurs plates-formes dotées de systèmes hétérogènes de communiquer et de travailler ensemble. L'interopérabilité est incontournable aussi bien dans la sphère privée que dans le secteur public.

 

Dans ce contexte, Microsoft avait innové en publiant le 21 février 2008, quatre principes d'interopérabilité : garantir l'ouverture et l'accès à ses produits, promouvoir la portabilité des données, améliorer les standards de l'industrie, favoriser les pratiques collaboratives comme le développement de l'interopérabilité avec des solutions de l'open source.

A ce titre, force est de constater que - malgré les reproches incessants dont elle est l'objet - cette société est la première  entreprise à prendre position de façon globale sur un marché où ses produits sont leaders et de large diffusion. La lecture de ces principes permet de comprendre leur objectif : assurer la transparence des informations et des protocoles utilisés par l'éditeur.

Cela se traduit concrètement par la mise à disposition en ligne de la documentation technique (310 Mo). Le libre accès à ces informations donne ainsi à l'ensemble des développeurs les moyens d'être sur un pied d'égalité avec ceux de Microsoft. Une telle évolution ne peut qu'intéresser l'observateur.

 

Alors qu'une grande partie de l'industrie du logiciel se félicitait de cette annonce (ex : l'Afdel), une partie de la communauté du « libre » n'était pas convaincue par la démarche. Pourtant, on pouvait lire dans ces principes que « Microsoft s'engage à ne pas poursuivre les développeurs de « logiciels « libres » pour le développement et la distribution non commerciale des implémentations de ces protocoles ouverts. »

Mais la critique semblait se situer sur un plan « idéologique » :

-         d'une part, Microsoft détient des brevets sur certains protocoles ouverts. Ainsi, pour être recevable, il faudrait que Microsoft suivent les principes de propriété intellectuelle adoptés par la communauté du libre jusque dans ses conséquences juridiques ultimes (c'est à dire l'abandon des brevets) ;

-         d'autre part, il n'y aurait pas lieu de distinguer entre utilisation commerciale et non commerciale.


Ces deux critiques sont trop extrêmes pour être convaincantes. En effet, le fait de breveter un protocole a un coût économique et ce n'est que l'expression d'un droit légitime et reconnu dans tous les systèmes juridiques. De plus, comment admettre une création de valeur (services rémunérés) sans rémunération de la création initiale ?

La logique juridique est difficile à suivre dès lors que le droit de la propriété intellectuelle, qu'il émane d'un éditeur propriétaire ou d'un prestataire de services (SSLL), dépend du choix onéreux ou gratuit, code ouvert ou non, etc de la part du titulaire des droits.

 

Consciente que l'avenir du logiciel passe par les deux systèmes, propriétaire et libre, sans en exclure aucun, Microsoft a mis l'accent sur l'interopérabilité et le développement de standards et de nouveaux formats ouverts comme OpenXML (norme récemment approuvée par l'ISO ; ISO/IEC IS 29500) et leur coexistence avec des formats complémentaires, comme ODF.

C'est pourquoi le 22 mai 2008, Microsoft a annoncé ajouter à sa suite bureautique Office 2007 leur support à côté de celui de son OpenXML. Cette nouvelle mesure permet également de répondre aux accusations d'agissements anticoncurrentiels portés  au début de l'année 2008 par l'ECIS (European Committee for Interoperable System) et par Opera (un éditeur norvégien du navigateur Internet éponyme) devant la Commission européenne.

 

La prochaine mise à jour de Microsoft Office 2007 permettra de lire, créer, modifier et enregistrer des documents sous les nouveaux formats : Open Document Format (ODF 1.1), Adobe Portable Document Format (PDF) et XML Paper Specification (XPS).

Il est à noter que cette étape donnera lieu à de nouveaux développements pour dans les prochains mois pour répondre au plus près aux besoins des utilisateurs et des entreprises et contribuer  ainsi à l'interopérabilité entre les formats ODF et OpenXML.

Pour ces raisons, Microsoft collaborera avec la communauté « Open Source » pour développer un traducteur entre les deux formats et participera au comité technique concerné d'OASIS, organisme en charge de développer les évolutions du format ODF.

A côté de cela, le Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI) de la DGME du Minéfi, recommandé dans le secteur public devrait intégrer dans sa prochaine version le nouveau format ISO d'OpenXML à côté du format ODF. Cette décision annoncée sur le site du monde.fr semble plus équilibrée et non discriminante : elle intègre la complémentarité en lieu et place de l'exclusion d'un format.

 

La Commission européenne (ainsi que la Free Software Fondation) a accueilli positivement l'initiative de Microsoft en faveur de l'interopérabilité entre applications. Mais elle veillera à s'assurer que l'annonce ne reste pas lettre morte et que l'éditeur assure concrètement le support du format ODF. De même, elle a indiqué son intention d'évaluer l'impact de la démarche sur les choix des utilisateurs.

 

Microsoft donne le sentiment d'évoluer en profondeur sans toutefois abandonner son attachement aux droits de propriété intellectuelle lui conférant ainsi une dimension à la fois dynamique et collaborative. L'écoute du marché et des besoins propres de tous les utilisateurs constitue une véritable innovation, moteur de cette évolution pluraliste, transparente et ouverte...