La crise, alibi pour l'offshore ?

Les SSII françaises accroissent leur présence dans les pays offshore, dont l'Inde, afin de réduire leurs coûts. Pour Capgemini, cette stratégie est justifiée par des pressions sur les prix. Fuite en avant ?

Le modèle indien séduit de plus en plus les entreprises françaises, et tout particulièrement les SSII hexagonales dont les effectifs en Inde s'accroissent. Cette tendance est plus notable au sein de certains acteurs du secteur des services informatiques comme Capgemini, qui en fait d'ailleurs un axe majeur de sa stratégie.

Un développement qui pour Capgemini est notamment justifié par la crise économique et la pression sur les prix exercée par les clients. Paul Hermelin, le directeur général de la première SSII française, a ainsi présenté l'offshore, et spécialement en Inde, comme une des solutions envisagées pour maintenir l'activité en cette période de turbulences.

Et les pistes explorées par Capgemini ont sans doute de quoi effrayer les salariés et étudiants des filières informatiques françaises. La SSII concentre en effet de façon croissante ses recrutements sur les régions à bas coûts de main d'œuvre. Elle y dispose déjà de 28% de ses effectifs. Au 31 décembre, l'effectif en offshore représentait 25 275 personnes sur un total de 91 621.

En outre, sur la seule année 2008, Capgemini a réalisé près de 50% de ses 8 113 recrutements dans les pays offshore, c'est-à-dire l'Inde, la Pologne, la Chine, le Maroc et l'Amérique latine. Et compte tenu des pressions sur les prix des prestations dont Syntec Informatique s'est fait l'écho, le phénomène, qui affecte le marché de l'emploi français, devrait se poursuivre dans les prochaines années.

L'offshore représente 5% des services informatiques en France

C'est d'ailleurs ce que souligne l'étude "Réalité de l'utilisation du modèle Indien en France" réalisée par le cabinet Pierre Audoin Consultants. Ce dernier note ainsi également les importants investissements en Inde des sociétés françaises, parmi lesquelles Capgemini, Steria et Atos Origin. Mais le cabinet s'attend aussi au développement de l'offshore indien sur la période 2009-2010.

L'Inde représentait en 2008 30% (350 millions d'euros ou 7 100 équivalents temps plein) de l'ensemble des prestations informatiques effectuées en offshore. Le volume d'affaires total en France est estimé à 1,2 milliard d'euros, c'est-à-dire 5% du marché des services informatiques. Selon PAC, la part de l'Inde devrait croître jusqu'à représenter 50% du total de l'offshore en France, et 16 500 ETP en 2010.

Toujours selon l'étude du cabinet PAC, les SSII françaises parviendraient même à se montrer plus dynamiques dans l'offshore indien que les entreprises nationales comme Wipro, Infosys ou TCS. Ces dernières auraient même vu leur part de marché décliner, même si elle reste forte, de l'ordre de 45% en 2008. Capgemini tire particulièrement bien son épingle du jeu en accaparant environ 15% du marché. Le patron de la SSII n'a d'ailleurs pas manqué de s'en féliciter, faisant état d'une croissance des activités dans les régions à bas coûts de 25 à 30%. Bien plus que les concurrents indiens, s'est-il félicité.

Mais tous les prestataires français ne sont pas aussi volubiles que Capgemini sur les bienfaits pour leurs marges du modèle offshore. Sopra se montre moins catégorique lorsqu'il s'agit de l'envisager comme solution à la crise. L'entreprise ne compte à l'heure actuelle que 10% de ses effectifs dans des pays offshore ou nearshore, dont 600 en Inde (le pays où ses effectifs progressent le plus vite).

Sopra admet toutefois sa volonté de porter ce total à 15% en 2009. Autre exemple, Steria. L'entreprise disposerait déjà en Inde de 27% de son personnel, soit 20 000 salariés. La SSII se serait en outre fixée comme objectif un taux de 40% de ses effectifs d'ici à 2010    

Le recours à l'offshore se borne-t-il à n'être qu'une réaction à la crise ? Cela paraît peu probable puisque nombre de SSII (aussi bien françaises qu'étrangères) avaient déjà commencé à accroître leurs effectifs offshore depuis plusieurs années. Quant aux pressions sur les prix des prestations, elles non plus ne sont pas nouvelles.

La France se caractérise déjà par des prix sensiblement plus bas en comparaison de ceux pratiqués par ses voisins européens, dont l'Allemagne. La crise joue alors plus sûrement le rôle d'accélérateur que de véritable déclencheur d'une tendance nouvelle.