Dominique Morvan (Internet Fr) "Nous enrichissons notre offre d'hébergement avec un cloud public"

L'hébergeur français s'est doté d'un second centre d'hébergement optimisé en matière de consommation d'énergie. Prochaine étape : trouver un partenaire pour recycler la chaleur de ses datacenters.

JDN Solutions. Comment se portent vos activités d'hébergement depuis début 2010 ? 

Dominique Morvan. L'année 2009 a été très correcte, même si nous avons enregistré un certain tassement de la croissance. Nous avons observé des difficultés chez certains clients, qui ont pu les conduire à réduire leurs frais de fonctionnement voire à la faillite pour quelques-uns. Mais globalement, la demande est restée significative.

2010 a démarré rapidement, mais l'activité s'est ensuite un peu essoufflée. Nous expliquons ce pic par un phénomène de fin d'exercice, et le fait que l'hébergement arrive en bout de chaine. Un grand nombre d'applications pour lesquelles des budgets annuels avaient été débloqués ont été finalisées fin 2009, et donc mises en production dans nos centres d'hébergement début 2010. D'autres applications moins prioritaires ont été mises ensuite en attente, les entreprises préférant prendre le temps en cette période d'incertitudes.

L'hébergement de systèmes d'information monte-t-il en puissance ? Quelle est votre politique en matière de SLA dans ce domaine ?

Nous hébergeons des sites d'e-commerce comme Florajet [ndlr site de livraison de fleurs] ou Spartoo [ndlr vente de chaussures]. Mais notre activité se focalise aussi de plus en plus sur l'hébergement de systèmes d'information. Il s'agit en général d'applications d'intranet ou d'extranet et CRM au sens large. Elles s'appuient souvent sur des progiciels métier du marché. Il peut s'agir par exemple de progiciel de gestion immobilière, ou de service de gestion de trésorerie fourni par un prestataire à ses clients. Nous pouvons apporter l'intégralité de la plate-forme d'hébergement, du centre de données aux serveurs d'application et bases de données en passant par les serveurs et équipements réseau.

"En cas de problèmes de qualité de service, nous devons assumer"

Notre mission est d'accompagner le déploiement de la solution, ainsi que les ajustements et la maintenance en phase d'exploitation. Nous mettons en place des dispositifs pour gérer les mises à jours du serveur d'applications ou de la base de données, en minimisant les interruptions de service.

En tant qu'hébergeur de système d'information, notre niveau d'engagement est très fort. En cas de problèmes de qualité de service, nous devons assumer. Notre politique de SLA se définit en fonction d'un compromis entre les exigences du client et le prix qu'il est prêt à payer pour construire une configuration robuste. Si la plate-forme est correctement dimensionnée et redondée, nous nous engageons sur un taux de disponibilité de 99,90%. On nous demande souvent pourquoi nous ne montons pas plus haut. La réponse est assez simple. Nous devons garder une marge de manœuvre. Un impondérable peut toujours arriver, notamment sur la couche logicielle : un crash de la base de données... qui peut nécessiter de redémarrer. Ce qui nécessite quelques minutes.

Vous êtes vous mis au cloud computing ? Quelle est votre approche dans ce domaine ?

Nous avons bâti un nuage public. Il devrait prendre petit à petit la place de notre offre historique de serveurs mutualisés. Ce cloud s'appuie sur des systèmes d'exploitation Linux et Windows, sur serveurs Intel, et la technologie de virtualisation VMWare. C'est une plate-forme de machines virtuelles utilisables à la demande et de ressources machines partagées. Nous mutualisations également par ce biais le stockage, l'équilibrage de charge, les passerelles réseau. Un ensemble de briques qui peuvent se révéler onéreuses.

"Le refroidissement ne représente plus que 30 à 40% de la consommation d'un serveur"

Cette infrastructure présente beaucoup d'avantages. Elle nous permet par exemple d'allouer à chaud une ou plusieurs machines virtuelles en cas de chute d'une machine physique. En fonction des besoins du client, nous pouvons également créer des architectures hybrides, avec les serveurs d'applications et bases de données sur des serveurs dédiées et les serveurs Web et de cache sur des machines virtuelles du cloud public. Nous pouvons ainsi être très réactifs en cas de montée en charge et multiplier les serveurs frontaux rapidement.

L'émergence des offres de cloud pourrait à terme conduire les clients à faire appel à plusieurs hébergeurs pour chaque service : serveurs frontaux, stockage, équilibrage de charge... Pour atteindre ce nouveau modèle, il faudra néanmoins que les débits des réseaux s'améliorent encore, et qu'un standard s'impose pour la virtualisation. En attendant, nous sommes déjà capables de panacher les offres et technologies au sein de nos propres datacenters.

La virtualisation nous a également permis d'améliorer notre rendement énergétique. C'est un indicateur que nous intégrons à nos devis. Comparé à notre plate-forme de serveurs dédiés, il passe globalement de 4 à 8, et ce même si nous limitons le nombre de machines virtuelles par serveur pour une bonne gestion de la qualité de services.

Globalement, nous incitons nos clients à aller vers la virtualisation pour optimiser l'énergie. D'ailleurs, l'un des indicateurs de nos commerciaux est le chiffre d'affaires par kilowatt-heure consommé. En matière de Green IT, nous avons construit en 2007 un second datacenter optimisé en matière de consommation d'énergie, avec baies haute densité, free cooling... Résultat : le refroidissement ne représente plus que 30 à 40% de la consommation électrique d'un serveur, contre 80% dans notre infrastructure historique. Nous avons tenté de trouver un industriel ou un partenaire public pour financer l'infrastructure nécessaire au recyclage de la chaleur de nos centres de données, pour produire de l''eau chaude, sans succès jusqu'à maintenant.

Diplômé de l'Ecole Supérieure d'Electricité et de l'INSA de Rennes, il a exercé différentes fonctions de direction des opérations auprès de plusieurs acteurs appartenant au secteur des technologies réseaux de 1977 à 1997 : Marben, Lir, Syseca Telecoms, Société des Ordoprocesseurs. Dominique Morvan est également fondateur d'Ingenosya : une société de développement logiciel offshore en France et à Madagascar. Il occupe la fonction de directeur général de plusieurs sociétés du groupe Jutheau Husson Technologies depuis 2004 : Internet Fr (France), Namebay (Monaco), Level IP (Italie), Hebergement.com (France).