Stanislas de Bentzmann (Devoteam) "Les DSI des grandes entreprises planchent sur des Clouds privés"

L'activité de la SSII remonte en puissance dans le secteur de la banque et de la finance. Le groupe se considère bien armé pour accompagner les projets de migration vers le Cloud Computing.

JDN Solutions. Comment avez-vous vécu la fin de l'année 2009 et de le début de 2010 ?

Stanislas de Bentzmann. Nous avons terminé 2009 honorablement . Nous avions des inquiétudes en début d'année et nous nous demandions quel serai le niveau de la crise. Or nous avons enregistré un chiffre d'affaires en baisse de 7% en organique sur l'intégration et le conseil, là où les autres acteurs ont affiché des chutes de 10%. Au total, nous avons fini l'année sur une profitabilité de 6,2%.

Pour 2010, nous restons cependant assez prudent. Nous anticipons une croissance organique de 3% pour une profitabilité de 6%. Nous ne retrouverons donc pas encore le niveau de 2008 dont le niveau de profitabilité était de 9%. 

Par ailleurs, nous avons cessé de recruter mi-2008, ce qui nous a permis de gérer efficacement nos coûts. Nous avons ainsi protéger également notre profitabilité. Nous avons montré au marché que nous savions rester prudent en temps de crise. Comme le Syntec Informatique, nous nous attendons à un deuxième semestre meilleur que le premier.

Comme la plupart de vos concurrents, constatez-vous une reprise des projets dans le secteur de la banque et de la finance ? Qu'en est-il des autres domaines ?

La reprise était plutôt timide en 2009 dans ce secteur. En 2010, nous avons constaté un retour de la croissance de notre activité sur ce segment. Dans les télécoms, les grands équipementiers ont souffert face aux équipementiers informatiques et l'émergence des chinois Huawei et ZTE. Face à cette nouvelle concurrence, ces acteurs qui sont aussi de grands clients ont délocalisé massivement, ce qui nous a fait du tort.

Quelles tendances observez-vous en matière de Cloud Computing ? Quelle est la position de vos grands clients sur le sujet ?

Globalement, nous constatons un mouvement de fond en faveur de la rationalisation et de l'automatisation des centres de données, avec à la clé des projets autour du Green IT. Ces chantiers s'accompagnent de démarches de virtualisation, de modification de processus, de déploiement d'outils de pilotage, d'une remise à plat du management, et de beaucoup de conduite de changement. Un ensemble de sujets sur lesquels nous sommes positionnés et impliqués.

"Nous faisons déjà face à une pénurie de compétences sur certains profils"

Tous les acteurs des télécoms désirent se positionner sur le Cloud Computing public. Ils y travaillent de façon énergique. Quant aux DSI des grandes entreprises, elles commencent à plancher sur des modèles de Cloud privé. Nous menons un certain nombre de missions de conseil sur la question. Sans aller jusqu'à recourir à des Clouds publics, ces DSI réfléchissent à des processus de facturation interne de catalogue de services IT centralisés sur des centres de données.

L'infrastructure et la gouvernance IT font partie de vos spécialisations historiques. Le Cloud Computing semble donc plutôt une opportunité pour Devoteam. Mais, est-ce vraiment le cas ?

C'est une opportunité, mais aussi un risque. A terme, on peut en effet penser que le SaaS répondra aux besoins en matière de logiciels, et le cloud computing [ndlr les modèles Infrastructure as a Service et Platform as a Service] aux autres besoins.

Dans les faits, l'évolution vers cette nouvelle logique implique de nombreux changements à réaliser, en matière de gouvernance, de sécurité, de modification d'infrastructure, et de gestion du changement. Pour nous, l'accompagnement dans ce domaine porte aussi bien sur l'évolution technologique que sur la question de la maitrise des coûts et le pilotage des contrats.

Les entreprises doivent-elles avoir peur d'externaliser ainsi leurs données dans les nuages ?

L'externalisation des données ne date pas d'hier. Elle existait déjà à travers les contrats d'externalisation d'infrastructure. Les entreprises ne doivent pas en avoir peur. Leurs données sont peut-être mieux protégées au sein d'un centre de données externe, conforme aux dernières normes et avec un degré d'exigence de sécurité à l'état de l'art, que dans un datacenter maison.

Sur ce point, il est intéressant de constater qu'au travers du grand emprunt, le gouvernement est prêt à soutenir la technologie supportant les infrastructures de Cloud Computing.

Avec la reprise des activités dans l'informatique d'entreprise, le Syntec Informatique anticipe déjà un retour de la pénurie des compétences pour certains profils. Est-ce déjà le cas ?

Nous ressentons en effet le phénomène. Il concerne certains profils spécialisés dans l'infrastructure, la virtualisation, la sécurité, ou encore le management de services IT.

C'est un problème structurel. La France ne forme pas assez d'ingénieurs. Les bons profils se tournent vers la finance ou le conseil. Les hautes technologies restent le parent pauvre. On ressent moins le problème en période de crise. Mais dès que les projets repartent, les compétences redeviennent très vite rares.

Stanislas de Bentzmann est diplômé de l'INSEEC (1987) et titulaire d'un BA en marketing de l'Université de San José, Silicon Valley. Il a rejoint le groupe Randstad comme directeur régional, avant de piloter l'intégration d'une société nouvellement acquise. En 1995, il crée Devoteam avec Godefroy de Bentzmann. Il en est aujourd'hui co-président du directoire.