Chief Data Officer, une destinée de bon augure ?

Qu’est-ce qu’un CDO ? Quelles sont ses missions, ses responsabilités ? Pourquoi le recrute-t-on essentiellement dans le marketing ? Et à quelle destinée peut-on s’attendre à ce poste ? Décryptage.

Le Gartner l’affirme : 2015 est l’année du Chief Data Officer (CDO), une fonction si importante qu’on y trouvera les grands patrons de demain. Mais d’autres lui prédisent une disparition prochaine, dès que le virage de la transformation numérique sera passé. Qu’est-ce qu’un CDO ? Quelles sont ses missions, ses responsabilités ? Pourquoi le recrute-t-on essentiellement dans le marketing ? Et à quelle destinée peut-on s’attendre à ce poste ?

Chief Data Officer : en français, directeur des données. Le titre porterait presque à sourire : comment peut-on diriger des données ? Pourtant, selon le Gartner, près d’un quart des sociétés US auront recruté un CDO d’ici la fin de cette année[1]. Car il est la pierre angulaire d’un mouvement de fond qui touche toutes les entreprises, petites et grandes, de tous secteurs et tous pays : la transformation digitale.

A chaque minute écoulée, 98 000 tweets sont émis dans le monde, et dans le même temps onze millions de messages instantanés sont échangés sur Facebook. Le volume de données numériques fait plus que doubler tous les 14 mois. Nous ne sommes plus à l’ère de l’information mais de la surinformation, et il est temps d’organiser la connaissance. Le CDO est l’architecte de cette transformation. Sa mission : sourcer les données, s’assurer de leur qualité et de leur interopérabilité, les organiser, les classifier et les faire passer par différents filtres et process pour les rendre accessibles à la bonne personne, au bon moment, pour le bon besoin.

Le premier bénéficiaire de son travail, c’est la direction générale. La fonction est stratégique, car dans un contexte de marchés plutôt instables et incertains, les directions générales sont friandes d’informations capables de les aider à lire les grandes tendances. Pierre Delort, Président de l'Association Nationale des DSI explique : « Là où certaines orientations stratégiques sont souvent prises par vision ou intuition, la création d’un poste de CDO permettra d’appuyer davantage les décisions sur des éléments objectifs, les données, traitées par des méthodes statistiques solides. »[2]

S’il est proche du PDG, le CDO a aussi un rôle opérationnel transversal, car les données concernent tous les services. Récemment nommé Administrateur Général des Données de l'Etat, Henri Verdier décrit ainsi sa mission : « Il s’agit de bâtir progressivement une véritable gouvernance de la donnée au sein de l'Etat. Chaque service produit une masse croissante de données, et il n’a pas toujours été facile d’assurer leur homogénéité, leur bonne circulation, et leur pleine utilisation dans les différentes missions de service public. Je pense par exemple à la difficulté de faire bénéficier les collectivités locales des données produites par les services déconcentrés, qui ne leur parviennent que tardivement et après agrégation. »[3]

Du fait de cette transversalité de la fonction, plusieurs départements revendiquent son leadership. Ainsi, chez Axa ou Accor, il est intégré à la direction marketing, tandis qu’à la BPCE il est rattaché à la direction de l’innovation – elle-même pilotée par la direction stratégique. Le Gartner préconise un rapprochement avec la DSI, qui pilote déjà les datawarehouse… Emmanuel Stanislas, du cabinet de recrutement Clémentine, évoque même « une guerre d’influence pour savoir qui va encapsuler la data dans ses équipes. »[4]

Dans cette course, le département marketing tient la corde. De fait, le marketing moderne s'appuie sur trois piliers: data, contenus et process, et dans ce triptyque la data représente une valeur grandissante. Le volume de données concernant le marché (clients, partenaires, prospects) et les besoins d'analyse expliquent que 65% des Chief Digital Officers nommés aujourd’hui viennent du marketing stratégique. Dans ce domaine, leur rôle consiste essentiellement à identifier des leads grâce à l'analyse de données, puis à proposer des dispositifs conversationnels micro-personnalisés: c'est l'avènement du marketing 1to1, dont on parlait au début des années 2000 et qui devient possible à l'aide d'une segmentation ultrafine et de process algorithmiques complexes.

On le constate particulièrement dans le secteur de la distribution, qui peut s'appuyer sur des données consommateurs en quantités massives pour concevoir des offres très ciblées et augmenter la satisfaction clients. Mais tous les secteurs sont concernés. Patrick Hoffstetter, CDO chez Renault, explique : « Avec la multiplication des options, on n'est jamais certain que le modèle va plaire. Alors Renault collecte sur ses différents sites Internet des données sur les préférences de ses potentiels clients. Quels modèles les ont le plus attirés ? Quelles options les ont intéressés ? A moyen terme, nous pourrons utiliser ces informations pour dire à nos usines : produisez plus de Twingo rouges, avec des sièges en cuir marron. »[5]

Cette prééminence du marketing devrait assurer de beaux jours à la fonction, loin des Cassandre qui annoncent sa disparition programmée quand les entreprises auront franchi le cap de la transformation digitale. Le développement des usages mobiles et l'émergence des objets connectés vont encore accélérer la production de data, tout en proposant de nouveaux formats, donc de nouvelles problématiques.

Le poste vous intéresse ? On vous comprend ! Stratégique et vital, il est associé à de grandes responsabilités… et à une rémunération équivalente (entre 100 et 180 K€ par an, selon Fabrice Coudray, de Robert Half[6]). Sachez qu’il vous sera demandé des qualités d’analyse et une vraie passion pour la technologie ; mais aussi de l’écoute et un sens diplomatique hors pair, car la pression viendra de tous côtés, et pas seulement de votre PDG.