Le SEO influence nos croyances

À l'ère où les moteurs de recherche ont remplacé les bibliothèques pour s'informer, les professionnels du référencement web ne manipulent pas seulement les moteurs de recherche, mais également les croyances de ceux qui les utilisent pour se renseigner.

Qu'est-ce qu’un "référenceur web" ?

Le travail d'un référenceur web consiste à manipuler l'interprétation que peut faire un moteur de recherche, tel que Google, de la qualité d'un contenu grâce à des techniques de “SEO ”, dont l’acronyme représente Search Engine Optimization, que l’on peut traduire en français par : optimisation pour moteur de recherche.

Ainsi, même si un contenu est de mauvaise qualité du point de vue d'un humain, si un référenceur a optimisé son référencement, alors le moteur de recherche devrait potentiellement le proposer dans les premiers résultats.

Cela signifie que lorsque vous vous renseignez sur un sujet quelconque, si une entreprise, un parti politique ou autre a un intérêt à être la source d'information que vous visitez (ce qui arrive dans la plupart des cas), alors il est possible de faire intervenir un référenceur afin de figurer parmi les premiers résultats de vos recherches.

Pour en revenir à la comparaison entre une bibliothèque et un moteur de recherche, cela reviendrait à dire que votre bibliothécaire ne vous proposerait pas les ouvrages les plus pertinents pour votre recherche, mais ceux que des tiers lui auraient demandé de recommander.

Quelles règles doivent respecter les référenceurs ?

Même si elles ne concernent pas directement les référenceurs, il existe des lois pour la lutte contre la manipulation de l'information, dont la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018, plus communément appelée la “loi Infox”.

Celle-ci introduit notamment :

  • un devoir de coopération à la charge des opérateurs de plateforme en ligne, dont Google fait partie et exige de leur part la mise en œuvre de mesures en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public ou d'altérer la sincérité d'un des scrutins mentionnés au premier alinéa de l'article 33-1-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.
  • l'obligation de rendre publiques dans une déclaration annuelle adressée au Conseil Supérieur de l'Audiovisuelles, les mesures et l'ensemble des ressources consacrées à la réalisation de l'objectif énoncé dans le premier point.

Mais pour les techniques d'optimisation à proprement parler, celles-ci sont essentiellement commerciales comme le montrait en 2014 Étienne Wery, avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, dans ce rapport.

Notons tout de même, qu'il existe des cas de jurisprudences, dont celle de la Cour d’appel de Douai qui avait estimée dans l’Arrêt n° 10/03751, que “la création de sites satellites renvoyant à un site principal est constitutive d’un acte de concurrence déloyale si ces sites favorisent le placement du site principal en tête des moteurs de recherche”.

Mais concrètement les seules limites des référenceurs sont celles fixées par les moteurs de recherche eux-mêmes. Cependant, il n’est pas illégal de les contourner comme le rappelaient Alan “Cladx” et Olivier Andrieu lors de ce débat sur les différentes techniques d'optimisation.

La cour d’appel de Bruxelles avait justement souligné cela en indiquant que « cette difficulté tient notamment à l’absence de toute norme internationale ou nationale [...] et aux particularités des moteurs de recherche, chacun utilisant son propre algorithme » (Source : CA Bruxelles, 29 juillet 2010, Extenseo & Ed. Urbaines c. Dialo, RG 2007/AR/422).

Toutefois, il ne s’agit pas ici de tomber dans la paranoïa comme cela a pu être le cas par exemple en novembre 2019 avec l’article “How Google Interferes With Its Search Algorithms and Changes Your Results” paru dans le Wall Street Journal. En effet, la communauté des référenceurs est globalement bienveillante et les moteurs de recherche veillent à la qualité de leurs résultats qui est étroitement liée à leur chiffre d’affaires.

D’autant plus que, comme l’indique Étienne Wery dans son rapport cité précédemment : “L’optimisation du référencement est aujourd’hui habituelle, à tel point que des juges ont considéré que le fait, pour un concepteur, de ne pas intégrer cette contrainte dans le développement du site, est un manquement à l’état de l’art.”

Comment Google lutte-t-il contre la désinformation ?

Google utilise une multitude de signaux lui permettant de classer automatiquement ses résultats de recherche et pour veiller à la qualité de ses résultats, le moteur de recherche fait appel à des évaluateurs humains auxquels il fournit ce guide de notation.

L'un des principaux critères d'évaluation qu’on retrouve dans ce guide, provient du concept “E-A-T”, pour Expertise Authoritativeness Trustworthiness, que l'on peut traduire en français par : expertise, autorité et confiance / fiabilité.

L'idée derrière ce concept est de juger de la qualité d'un contenu en fonction de la raison d'être du contenu en question. 

Précisons ici que l’évaluation de ces humains n'a pas d'incidence directe sur le classement des résultats de recherche et que ce concept de notation impact essentiellement la thématique Your Money Your Life (YMYL) car ces contenus influencent fortement le bonheur, la santé, la stabilité financière ou la sécurité de ceux qui les consultent.

Concernant le traitement de l’actualité, Google a cette fois dû s’adapter à la contrainte du temps, car une actualité doit rapidement être diffusée. Par conséquent, les sources d’informations qui sont publiées sur Google Actualités ont été présélectionnées pour leur fiabilité.

Néanmoins, comme Google l’indiquait dans sa déclaration pour 2020 pour la lutte contre la manipulation de l’information, “il est extraordinairement complexe (voire impossible), que ce soit pour des individus ou des outils technologiques, de déterminer la véracité ou l’intention derrière un contenu, surtout s’il concerne des événements d'actualité.”

Comment s’informer sur internet ?

D’après cette étude de la Fondation Descartes datant de mars 2021, les français semblent avoir une représentation relativement floue de leur comportement informationnel en ligne et savoir de quelle source émanent les articles n'est peut-être pas une préoccupation majeure pour bon nombre d'internautes. 

Pourtant, la démarche de s’informer est intrinsèquement liée à la recherche de la vérité. Et selon le dictionnaire Le Robert, la vérité est “ce à quoi l'esprit peut et doit donner son assentiment”. Autrement dit, être en accord avec une opinion bien-fondé.

Attendre d’une loi qu’elle puisse nous protéger et définir ce qu’est la vérité est alors aussi invraisemblable que d’attendre cela d’un algorithme.

La seule protection que vous avez contre les informations erronées, c’est votre propre raisonnement pour construire votre vérité en diversifiant les sources d’informations tout en choisissant d’accorder votre confiance aux auteurs légitimes.

Aujourd’hui, des outils comme le Fact Check Explorer proposé par Google ou encore le decodex créé par le journal Le Monde peuvent vous aider dans cette démarche.

De même, un plus serait de prendre les informations que vous trouverez comme une vérité parmi d’autres et être capable de remettre ces dernières en question, car une vérité est muable et subjective.