Neil Rimer (Index Ventures) "Il est difficile d'investir en France en ce moment"

Index Ventures a levé 2,4 milliards d'euros depuis sa création, en 1996. Son cofondateur décrypte la stratégie du fonds tourné principalement vers l'Europe.

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Neil Rimer est le cofondateur d'Index Ventures. © S. de P. Index Ventures

JDN. Pouvez-vous présenter les fonds d'Index Ventures ?

Neil Rimer. Le premier fonds d'Index Ventures, un "pilote", a été levé en 1996. La même année, Giuseppe Zocco, David Rimer et moi-même avons décidé de créer Index Ventures à Genève. Notre but : importer le style d'investissement des VC de la côte ouest américaine en Europe. Nous avons ouvert des bureaux à Londres en 2002 et à San Francisco en 2012. Depuis la création d'Index, nous avons levé plus de 2,4 milliards d'euros. Notre dernier closing, en juin 2012, de 350 millions d'euros, est destiné à être investi dans des start-up innovantes en early stage et en amorçage. Il fait partie d'une levée d'un milliard sur les douze mois précédents. Nous nous concentrons sur quelques points géographiques précis : Berlin, Londres, New York, San Francisco, Stockholm et Tel Aviv. Mais de manière générale, nous investissons à toutes les phases de développement de la start-up, depuis l'amorçage jusqu'à la croissance explosive, des sommes allant de 500 000 à 50 millions d'euros.

"Nous visons une participation de 20%"

Quelle part du capital des start-up prenez-vous en retour ?

Nous voulons obtenir une participation minoritaire significative, mais nous ne voulons jamais être actionnaires majoritaires. Il faut que les fondateurs et l'équipe de direction aient une part significative dans leur propre société. Cela dépend, mais en général nous visons une participation de 20%. C'est parfois moins, parfois plus...

Quels sont les secteurs qui vous intéressent le plus ?

Nous investissons dans tous les secteurs où la technologie bouleverse l'économie, dont l'e-commerce, les marketplace, le cloud et la Big Data, le mobile, le social et les services financiers.

Comment un entrepreneur peut-il vous convaincre d'investir dans sa société?

Nous préférons que l'entrepreneur nous approche via quelqu'un qui appartient à notre réseau, et nous lui conseillons d'avoir un produit –ou au moins un prototype- développé avant de pitcher. Plus il a avancé avec peu de moyens, plus nous risquons d'être impressionnés. Il doit être très clair sur ce qui le différencie des autres. Nous attendons une étude approfondie de l'état du marché : l'entrepreneur doit comprendre ses concurrents et les opportunités sur son marché. Les entrepreneurs que l'on soutient construisent toujours des produits ou services qui s'adressent à un large marché potentiel ou –grâce à un gros avantage compétitif ou la disruption- un large marché déjà existant.

Qu'est ce qui est rédhibitoire pour vous ?

Des pitchs qui partent dans tous les sens où qui sont bourrés de jargon. Des réponses évasives à nos questions. Des idées de sociétés trop localisées. Des entrepreneurs qui posent des conditions excessivement compliquées. Des entrepreneurs qui ont des sociétés parallèles – filiale ou holding- qui n'ont aucun rapport avec la société que l'investisseur va soutenir. Avant tout, nous avons besoin de nous entendre avec les équipes. Nous travaillons ensemble, et soit il y a une alchimie, soit ça ne marche pas.

Quelles sont vos plus grandes réussites ?

Nous avons investi dans plusieurs centaines de sociétés depuis 18 ans. Parmi nos plus grands success : MySQL, Skype, Dropbox, Betfair, Last.fm, Lovefilm, MOO, Mind Candy, King, Path, Etsy, Factual, NastyGal, Flipboard, LookOut... Et plus récemment, Supercell (racheté par Softbank), Criteo, qui vient d'entrer en bourse... En général, nous investissons dans dix à quinze sociétés par an.

"La qualité des start-up françaises s'améliore d'année en année"

Investir dans des start-up françaises fait-il partie de vos priorités?

Nous voulons investir dans de grandes start-up menées par de grands entrepreneurs, où qu'elles soient. Cependant, parce que le gouvernement français rend difficile d'investir en France en ce moment, nous ne cherchons pas particulièrement à y investir. Ceci dit, le pays compte de nombreux entrepreneurs talentueux et connaît une grande activité entrepreneuriale, tout particulièrement à Paris. Nous sommes d'ailleurs en discussion avec plusieurs start-up françaises en ce moment. La qualité des start-up que nous rencontrons en France s'améliore chaque année de manière significative et est à des années lumière de ce qu'elle était il y a cinq ans – ce qui est très excitant. Mais un point d'interrogation demeure concernant les conditions dans lesquelles les start-up évoluent en France. Toutefois, des sociétés comme Criteo ont connu un énorme succès malgré un cadre législatif plutôt difficile.

Vous avez récemment investi dans Algolia...

Algolia a été incubée au sein de TheFamily (dans laquelle nous avons investi également). La start-up a une équipe forte, une technologie intéressante et une opportunité de marché dans les moteurs de recherche sur mobile. Mais c'est un investissement en amorçage, encore récent, donc nous attendons de voir comment cela se développe. Le domaine des moteurs de recherche n'est pas un intérêt nouveau pour les VC et a généré quelques un des plus gros retours sur investissement. Et le mobile est un secteur que beaucoup d'investisseurs regardent aussi. Donc vu que les deux sont combinés, il nous a paru naturel de nous y intéresser.

Quels sont les pays européens les plus innovants ?

Je préfère parler des pays "les plus entrepreneuriaux" : ils ne voient pas seulement émerger des entrepreneurs, mais ils sont ouverts et accueillants. Dans ces pays, le gouvernement lui-même décide que soutenir l'entreprenariat et l'innovation est un vecteur de développement stratégique et primordial. Je pense que la Finlande en est un exemple incroyable. Israël, aussi. Le Royaume-Uni et plus particulièrement Londres a aussi fait des progrès énormes dans cette direction.

Où investissez-vous le plus ?

Dans tous les endroits d'où vient l'innovation, dont Berlin, Londres, Stockholm, New York, San Francisco, Tel Aviv, Helsinki...

Sur quels types de start-up devrions-nous garder un œil en 2014?

De manière générale, nous nous intéressons à l'infrastructure cloud, aux applications natives sur mobile, et aux marketplaces qui bouleversent d'importants secteurs de l'économie comme la finance ou l'assurance. Au-delà de ça, nous sommes bien sûr en train de suivre certains secteurs plus spécifiques, mais nous ne sommes pas encore prêts à les dévoiler...