Levée de fonds : 4 investisseurs livrent leurs meilleurs conseils pour se démarquer
Pour lever des fonds, une équipe solide et un marché prometteur sont des impératifs. Cela les entrepreneurs le savent depuis longtemps et peu se présentent face aux investisseurs sans l'un ou l'autre. Alors, comment se démarquer ? Pour le savoir, le JDN a interrogé quatre investisseurs reconnus de l'écosystème français. Voici leur 7 conseils les plus originaux.
1. Demander moins pour obtenir plus
Dans la religion chrétienne, la gourmandise fait partie des sept pêchés capitaux. Dans le monde du capital risque, c'est un vilain défaut qui peut faire fuir les investisseurs. Demander une trop grosse somme à l'ouverture des négociations est une pratique très risquée : "Si une start-up ne parvient pas à obtenir le montant qu'elle a demandé, elle va tenter de lever une somme moindre. Et quand un fonds dit non une première fois, il y a peu de chance qu'il réouvre le dossier, même pour un montant inférieur", explique Maximilien Bacot, cofondateur et directeur général de Breega. "C'est déjà arrivé qu'une start-up nous demande 20 millions d'euros au début puis 10 millions d'euros au fur et à mesure des refus successifs. Cela envoie un signal très négatif. On a l'impression que les fondateurs ont mal estimé leurs besoins", abonde Victor Charpentier, associé chez Alven. "Je conseille plutôt de partir avec un ticket un peu sous-évalué. Une fois que plusieurs fonds ont manifesté leur intérêt, la start-up peut profiter de la concurrence pour augmenter le montant demandé. Le fait d'augmenter la somme initiale est un puissant levier pour lever des fonds".
2. Synchroniser la négociation avec tous les fonds
Quand une start-up cherche à lever des fonds, elle s'adresse généralement à plusieurs VC pour maximiser ses chances de trouver preneur. Une pratique qui nécessite de ne pas désynchroniser les négociations. "Il faut rester à la même étape de négociation avec tous ses interlocuteurs et respecter le planning qu'on s'est fixé", conseille Victor Charpentier. Dans le cas contraire, le fondateur peut se retrouver face à un sérieux dilemme : accepter la première offre posée sur la table ou poursuivre le process avec les autres fonds pour lesquels la négociation est moins avancée. Pour éviter un tel choix, le fondateur "doit se poser en maitre du temps" pour "créer un environnement concurrentiel". Et si une négociation traîne, l'entrepreneur doit faire preuve d'habileté pour "mettre le bon niveau de pression pour que les discussions avancent sans se montrer trop insistant", indique Alexis Frentz, directeur des investissements d'Elaia.
3. Profiter de l'asymétrie d'information
Entre le fondateur qui connait sa start-up sur le bout des doigts et l'investisseur qui la découvre, l'écart de connaissance est abyssal. Jusque-là, rien de nouveau ni de très surprenant. Sauf que le fondateur peut transformer ce constat extrêmement banal en véritable atout : "Il faut savoir jouer sur cette asymétrie d'information. L'entrepreneur doit donner certaines informations pour aiguiser l'appétit du fonds mais il ne doit pas tout dévoiler non plus", glisse Alexis Frentz. "Comme par exemple dire qu'il discute avec d'autres VC mais sans préciser lesquels…".
4. Ne pas fanfaronner sur les précédentes levées de fonds
Que cela soit justifié ou pas, les levées de fonds reviennent souvent comme un indicateur phare pour mesurer la dynamique, voire le succès d'une start-up. Pourtant, quand il s'agit de boucler un nouveau tour de table, mieux vaut ne pas trop insister sur les précédentes levées, a fortiori si les montants sont élevés. C'est en tout cas ce que conseille Fabio Lancellotti, partner chez Aster Capital : " Il s'agit d'une information qu'on peut obtenir très facilement mais il ne faut pas trop mettre cet argument en avant. Je préfère largement une boite qui a levé 2 millions d'euros et qui réalise 1 million d'euros d'ARR qu'une boite qui a récolté 5 millions d'euros et qui réalise également 1 million d'euros d'ARR. Cela ne sert à rien de se vanter si derrière la start-up génère peu de valeur".
5. Se renseigner précisément sur son interlocuteur
Comme le souligne Fabio Lancellotti, "un fondateur qui connait le fonds à qui il s'adresse renvoie une image sérieuse". Mais que signifie connaître un fonds ? "Il faut comprendre sa stratégie d'investissement, c'est-à-dire comprendre son cycle de vie, son modèle économique, ses secteurs d'investissement et sa dynamique", détaille Alexis Frentz. Ce dernier recommande également de se renseigner sur la personne qui représente le VC dans la négociation : "Il ne faut pas hésiter à rechercher son profil sur LinkedIn, à regarder ses posts et les publications qu'il a aimées".
6. Trouver son mentor
Si, comme mentionné précédemment, le fondateur peut tirer profit d'une asymétrie d'information, l'investisseur peut lui jouer sur une "asymétrie d'expérience", confie Alexis Frentz. Sans surprise, les VC sont "bien plus habitués aux négociations que les entrepreneurs". Pour éviter que ce décalage lui porte préjudice, le fondateur "doit s'entourer d'un mentor qui a de l'expérience dans cet exercice". A défaut de mentor, il doit au moins trouver une personne pour l'introduire auprès du fonds : "Si on ne connait pas du tout l'équipe fondatrice, c'est très rare qu'on ouvre la négociation", reconnait Maximilien Bacot.
7. Ne pas se survendre pour ne pas perdre de temps
Comment séduire les investisseurs sans trop en faire ? A l'image d'un funambule, le fondateur doit toujours composer avec cet équilibre délicat. Car s'il survend trop sa start-up, il risque de tomber dans le ravin. "Une fois le term sheet signé (un document légal qui synthétise les conditions financières et juridiques de la potentielle levée de fonds, ndlr), la due diligence s'intensifie. Si on découvre que la réalité n'est pas conforme avec ce que l'entrepreneur nous a raconté (comme par exemple un client potentiel que le fondateur a présenté comme déjà signé), on abandonne la négociation". Un refus qui peut entrainer une perte de temps non négligeable pour le fondateur. En effet, la signature du term sheet contient souvent une clause d'exclusivité qui engage le dirigeant à ne pas entamer de discussion avec d'autres investisseurs pendant une période généralement comprise entre 40 et 65 jours.