Les nouveaux ressorts de la visibilité média des startups
Pour exister médiatiquement, les startups doivent prouver leur utilité collective avant même d'afficher des millions sur leur compte en banque. C'est une inversion durable des ressorts de la notoriété.
Le monde des start-ups se caractérise souvent par la nécessité de lever des montants conséquents avant de parvenir à trouver une possible rentabilité. Dans ce contexte, on a longtemps cru que l'intérêt médiatique était proportionné à celui des investisseurs : une startup obtiendrait mécaniquement d’autant plus de couverture qu’elle lèverait plus d’argent. Pourtant, en 2025, certaines jeunes pousses bénéficient d'une présence remarquée dans les médias sans avoir réussi de levées record auprès des investisseurs.
Prenons l’exemple des start-ups distinguées par le mouvement Impact France au travers de son indice Impact 40/120. Les lauréats de cet indice, destiné à braquer les projecteurs sur les start-ups à impact les plus prometteuses, illustrent bien cette déconnexion entre financement et reconnaissance médiatique.
Leader en visibilité sur le premier semestre 2025, Yuka génère 514 articles sans aucune levée de fonds récente, tandis que Verkor, malgré ses 1,3 milliard d'euros levés, ne comptabilise que 440 articles. De même, Api les superettes (299 articles) et C'est qui le patron ?! (190 articles) n’ont pas levé de fonds sur cette période - mais elles surpassent en visibilité médiatique de nombreuses startups financièrement bien dotées.
Les clés de la visibilité : bien plus que l'argent
L'actualité socio-économique comme levier d'exposition
La notoriété de ces startups qui n’ont pas récemment levé de fonds tient à leur capacité à s’imposer dans les débats. Leur force : intervenir à la croisée de sujets brûlants, qu'il s'agisse de consommation responsable, de circuits courts, de santé ou de transition écologique.
En comparaison, les mieux financées, Verkor (1,3 milliard€ levé, 440 articles), Electra (304 millions€, 147 articles) ou TooGoodToGo (300 millions€, 345 articles) bénéficient d'une couverture substantielle, mais leur ratio visibilité/financement révèle une efficacité médiatique moindre que leurs homologues "non-financées".
L'ancrage territorial et la presse locale : accélérateurs d'émergence
Pour les startups qui font parler d’elles, la conquête des médias ne commence pas obligatoirement dans les grands quotidiens ou sur les plateaux TV nationaux. Pour nombre d’entre elles, la visibilité débute sur le terrain, par une couverture dans la presse locale ou régionale. C’est le cas pour Too good to go ou pour Api les supérettes, qui rendent aux Français des services de proximité qui sont - normalement – relayés par les médias locaux. Il ne faut pas oublier que la PQR est lue par plus de 80% des Français, qui lui accordent souvent plus de crédit qu'aux médias nationaux. Cette reconnaissance locale leur servira ensuite de tremplin pour toucher un public plus large.
L'innovation d'usage et le storytelling à impact
Se faire remarquer dans un environnement saturé impose d'avoir un discours distinctif, souvent alimenté par l'impact sociétal ou environnemental de la startup : inclusion, écologie, bien-être, enjeux alimentaires, etc. Yuka incarne parfaitement cette logique où l'utilité perçue prime sur la puissance financière. Cette dimension de défense du consommateur et d’« utilité publique » attise la curiosité des journalistes et fédère une communauté, indépendamment de la réussite économique.
L'opportunisme éditorial : surfer sur les débats et crises
Qu'il s'agisse d'alimentation responsable, de sobriété énergétique ou de pouvoir d'achat, les startups parviennent à s'imposer quand elles proposent une réponse claire sur ces sujets chauds. Leurs fondateurs deviennent alors des figures sollicitées par les médias comme « experts de terrain » ou porte-voix d'une nouvelle manière de raisonner, de consommer et de vivre.
Nouvelle donne pour la French Tech médiatique
Cette analyse quantitative démontre que la levée de fonds n'est plus la seule voie vers la lumière : la capacité à incarner une cause, à s'ancrer localement, à illustrer une tendance de fonds ou à répondre à une angoisse sociétale immédiate pèse tout aussi lourd dans les choix rédactionnels.
La visibilité médiatique des startups françaises ne se réduit plus à la puissance de leurs levées de fonds. Cette nouvelle donne se structure autour de la compétence des startups à s'inscrire dans les préoccupations économiques, sociales ou environnementales contemporaines, à activer des relais locaux authentiques et à incarner une histoire pertinente.
Pour exister médiatiquement, les startups doivent prouver leur utilité collective avant même d'afficher des millions sur leur compte en banque. C’est une inversion durable des ressorts de la notoriété dans l'écosystème tech français, où l'impact sociétal devient le nouveau graal de la visibilité.
Tous les chiffres mentionnés dans cet article sont tirés de la plateforme de veille médiatique Europresse / Cision.