"Nous voulons faire de Playse la référence mondiale du football connecté"
Ancien champion du monde de football, devenu investisseur puis entrepreneur, Blaise Matuidi veut faire de Playse une plateforme incontournable de l'entraînement connecté.
Après avoir remporté la Coupe du monde de football en 2018, vous avez cofondé en 2022 une start-up baptisée Playse. Quel est son concept ?
L'idée est née d'une expérience personnelle. Lorsque je cherchais un coach pour entraîner mes enfants lors d'un passage en région parisienne, j'ai dû faire une heure de route faute d'en trouver un disponible aux alentours. J'ai alors imaginé une solution permettant d'entraîner les jeunes dans un lieu sûr, avec une méthodologie qui leur donne envie de progresser tout en prenant du plaisir. C'est ce que propose aujourd’hui Playse, une start-up que j'ai cofondée en 2022 avec Thibault Aliadière, dirigeant chez Doctolib. Cette plateforme SaaS tout-en-un permet de réserver des entraînements de football encadrés par des coachs certifiés. Notre startup sportech opère déjà en France, aux Etats-Unis et au Congo.
A qui s'adresse concrètement Playse ? Quel est le profil type de vos utilisateurs ?
Notre plateforme met en relation des coachs, des terrains et des jeunes joueurs - ou plutôt leurs parents. Notre volonté est de combiner progression et plaisir. Près de 8 000 jeunes ont déjà été accompagnés, dont 500 aux Etats-Unis. Le profil varie selon les pays. En France, la plupart des jeunes utilisant Playse s'entraînent déjà en club, parfois deux à trois fois par semaine. Pour autant, ces jeunes n'avaient pas la possibilité de s'entraîner davantage, car beaucoup de clubs amateurs n'ont malheureusement pas les moyens de proposer plus de trois entraînements hebdomadaires. Il y a aussi ceux qui veulent simplement prendre du plaisir dans un cadre positif et sécurisé, tout en progressant grâce à nos coachs certifiés.
Quel est le processus de recrutement de vos entraîneurs et comment garantissez-vous la qualité de l'entraînement ?
Nous avons développé notre propre méthodologie d'entraînement, en tirant parti des expériences que j'ai pu vivre en tant qu'ancien footballeur. Cette méthodologie unique vise à améliorer les compétences tactiques, physiques et cognitives des joueurs, tout en offrant aux clubs et aux familles un suivi précis des performances. La plupart de nos coachs travaillent déjà pour des clubs et s'inscrivent sur Playse en tant qu'auto-entrepreneurs avant de passer notre certification. Nous en dénombrons aujourd'hui 150, dont 10 aux Etats-Unis. Enfin, nous intégrons également une brique technologique afin d'accompagner encore davantage les jeunes dans leur progression.
Quelle place occupe la technologie dans votre approche de l'entraînement ?
Nous nous sommes associés à la startup Move N See, une start-up spécialisée dans les solutions vidéo intelligentes pour le sport. Grâce à son expertise, nous voulons équiper certains terrains de caméras dotées d'IA, permettant de suivre automatiquement l'action et de générer des statistiques précises sur chaque entraînement. A travers l'application Playse, nous rendrons ces données accessibles aux joueurs, à leurs parents et à leurs entraîneurs, qui pourront ainsi personnaliser chaque entraînement selon les besoins identifiés. Evidemment, ces données ne seront recueillies qu'avec l'accord des parents, dans le but d'améliorer la qualité des entraînements, de visualiser la progression et d'assurer un suivi clair.
Alors qu’une levée de fonds est en cours, il se murmure que Playse pourrait racheter Move N See. Quels sont vos objectifs avec ce rachat ?
Effectivement, nous cherchons actuellement à lever entre 5 et 8 millions d'euros. Parmi les investisseurs, le fonds Seventure Capital prévoit d'investir 1,5 million d'euros, alors qu'un million d'euros sera apporté par de nouveaux business angels qui rejoindront l'entrepreneur Jean-Pierre Nadir ainsi que des joueurs tels que Moussa Sissoko ou Dayot Upamecano. Nous discutons aussi actuellement avec des fonds institutionnels pour deux millions d'euros supplémentaires. Enfin, nous avons choisi d'ouvrir cette levée également au grand public via la plateforme Sowefund, avec une volonté de démocratiser l'investissement dans la tech et le football, et espérons lever 1,5 million d'euros via ce mode de financement participatif.
Comment Playse génère-t-il des revenus ?
Aujourd'hui, les parents peuvent opter pour des sessions individuelles à 15 euros ou souscrire à un abonnement à 49,90 euros par mois donnant accès à des sessions illimitées. Nous prenons une commission sur ces séances réalisées par nos coachs certifiés. Nous développons également des partenariats avec les clubs, notamment en les aidant à équiper leurs terrains avec des caméras et capteurs Move N See. A terme, cette activité de location deviendra sans doute notre activité principale en termes de revenus. Nous pourrons ainsi proposer aux clubs ces caméras alimentées par l'IA en location, en donnant accès via notre plateforme aux analytics sur un modèle SaaS. Le CA combiné des deux sociétés s’élève à 3,5 millions d'euros.
Vous mentionnez une présence en France, aux Etats-Unis et au Congo. Quelle est votre stratégie à l’international ?
Résidant aux Etats-Unis, j'ai pu observer à quel point le football a gagné en popularité au cours des dernières années, notamment depuis l'arrivée de Messi à l'Inter Miami en 2023 et avec la Coupe du monde 2026 qui se profile. Il faut souligner que l'usage de caméras et de solutions d'analyse vidéo est déjà très répandu aux États-Unis, où la plupart des terrains sur lesquels évoluent les équipes U7 à U19 sont équipés de caméras. Là-bas, le sport occupe une place centrale dans le parcours scolaire, notamment avec l'objectif d'obtenir des bourses d'études universitaires, et ces données vidéo sont précieuses pour les recruteurs des universités. Concernant le Congo, nous avons saisi une opportunité avec une académie pour jeunes avec laquelle nous avons signé un contrat de dix ans, où nous formons des coachs sur place.
Quels sont vos principaux axes de développement pour les prochaines années ?
Nous allons continuer de développer notre implantation aux États-Unis, où nous aimerions avoir un impact fort sur le système footballistique américain dans les trois à cinq ans. Nous allons également continuer de nous développer en France tout en restant attentifs aux opportunités, notamment en Afrique ou aux Emirats. Notre conviction profonde est que le football doit être un sport pour tous. Playse veut être une structure qui accompagne les jeunes dans leur progression tout en leur permettant de prendre du plaisir.
Après cette levée, nous prévoyons de recruter pour renforcer l'équipe et ainsi poursuivre notre expansion internationale, menée par Jacques D'Arrigo, CEO de Playse. Par la suite, nous proposerons également de l’analyse vidéo via des partenaires ainsi que des CV vidéo, qui sont très demandés aux US pour le scouting (repérage de talents, ndlr). En bref, notre volonté est de devenir la référence mondiale du football connecté.
Un mot sur Origins, le fonds que vous avez cofondé en 2021. Quels sont les premiers résultats ?
Nous n’avons pas encore réalisé d'exit, mais certaines sociétés de notre portefeuille ont déjà vu leur valorisation être multipliée depuis notre entrée au capital. Origins a montré qu’il était possible de créer un pont entre le monde du sport et de l’entrepreneuriat. D’ailleurs, de plus en plus de sportifs s’y intéressent et voient dans l’entrepreneuriat la suite logique de leur carrière pendant laquelle ils ont pu développer des compétences précieuses pouvant être mises à profit dans monde des affaires.
Aujourd’hui, notre fonds peut se targuer d’offrir une visibilité aux entrepreneurs à travers le réseau des différents sportifs qui investissent dans leurs projets, parmi lesquels Paulo Dybala, Kingsley Coman, Antoine Dupont, ou encore Teddy Riner. Au total, en additionnant leurs abonnés respectifs sur le Social Web, cela représente une audience de plus de 160 millions de followers !
Investissez-vous également votre argent personnel ? Quels types de start-up recherchez-vous ?
Bien sûr, car il est important de montrer l’exemple. Nous investissons le plus souvent des tickets entre 100 000 et 500 000 euros, principalement en early stage, dans des start-up technologiques orientées consumer. J’apprécie tout particulièrement les entrepreneurs ambitieux et résilients, qui n’ont pas peur de casser des barrières. Parmi les start-up de notre portefeuille, je peux citer Alan, qui a à sa tête un incroyable dirigeant cofondateur en la personne de Jean-Charles Samuelian-Werve. Origins a déjà démontré sa capacité d’entrer au capital de sociétés à fort potentiel et nous voulons continuer sur cette voie.
Blaise Matuidi est le cofondateur de Playse, une startup sportech qui ambitionne de digitaliser les entraînements de football. En 2021, il a également cofondé, aux côtés de l’entrepreneur Ilan Abehassera, le fonds d’investissement Origins Fund. Ancien footballeur, champion du monde en 2018 avec l’équipe de France, il a notamment joué pour le Paris Saint‑Germain, la Juventus F.C. et l’Inter Miami.