Cloud souverain : Gaïa-X peut-il relever les défis de l'économie numérique ?

Les responsables politiques de France et d'Allemagne se sont récemment accordés sur la nécessité de créer des champions européens du cloud, afin de disposer d'alternatives aux fournisseurs de clouds américains ou chinois.

L’économie des données est devenue un enjeu crucial aussi bien au niveau national qu’à l’échelle paneuropéenne, c’est pourquoi les États souverains doivent veiller à ne pas devenir dépendants d’organisations et d’opérateurs étrangers pour le traitement de leurs propres données. Les éléments de preuve ne manquent pas : selon le cabinet KPMG, le marché européen du cloud était estimé à 53 milliards d’euros en 2020, et devrait représenter entre 300 et 500 milliards d’euros d’ici 2027-2030[1]. Mais qu’est ce qui justifie précisément la recherche d’un cloud souverain aujourd’hui ? Les raisons sont multiples mais on peut néanmoins les résumer à la domination des hyperscalers tels que Azure, Google et AWS, ainsi qu’à notre dépendance croissante et malsaine vis-à-vis de ces entités soumises aux conséquences des lois extraterritoriales américaines pour conserver de précieuses informations.

Qui détient les données ?

Prenons l’exemple des immatriculations de véhicules, qui sont gérées par les services des cartes grises. Ces données ont une valeur évidente concernant les migrations de personnes, les dépenses automobiles, ou encore les émissions de carbone. Cependant, si l’on parvenait à exploiter le potentiel de ces informations à l’aide d’outils (comme le machine learning par exemple), elles pourraient être déterminantes dans la prise de décision, dans les secteurs publics et privés, ainsi que pour les citoyens. Tel est l’intérêt de la souveraineté. Elle répond à la volonté de créer de la valeur à partir des données de référence, et de faire en sorte que celles-ci retombent entre les mains de ceux à qui elles profiteront le plus.

Mais dans un contexte de commerce mondialisé, les limites, réglementations et exigences peuvent paraître floues. La France, par exemple, a lancé une politique en vertu de laquelle toutes les données nationales doivent être stockées dans l’Union européenne. Même son de cloche en Allemagne, où les données doivent être localisées soit en Allemagne, soit en Union européenne, en fonction du niveau de souveraineté requis. Cependant, quelles que soient les données, il ne s’agit plus que de simples octets sur un disque dur : elles représentent l’essence même d’un futur gisement de valeur économique qui doit être géré, protégé et partagé de façon souveraine, mais exploité par l’Europe. Bien entendu, c’est pour cela que le projet Gaia-X a été conçu.

Un croisement source de valeur

Le projet Gaia-X va bien au-delà de la notion de cloud souverain. Ce concept permet en effet à différents groupes et industries et de se réunir et de partager des données selon des cadres définis et conformément à des directives claires afin de permettre à l’Europe de rapatrier toute cette valeur. Si le projet Gaia-X et le concept de cloud souverain sont indépendants l’un de l’autre, les deux s’entrecoupent lorsqu’il s’agit de créer un écosystème de confiance dans la région, basé sur des pratiques de référence et de premier ordre.

Gaia-X facilite la création de nouveaux espaces de données, au sein desquels ces dernières peuvent être échangées entre différentes industries, afin de soutenir les progrès de la science, la société et les économies nationales. Cependant, nous devons également permettre aux acteurs du marché d’en saisir l’impact également. Les défis que représentent la portabilité des données et des applications, l’interopérabilité et les cadres commerciaux et juridiques communs représentent différentes implications pour chaque secteur. Gaia-X aide les acteurs à se réunir pour définir des cas d’usage pour leurs industries, et partager des informations dans le but de concrétiser le concept d’espaces de données sectoriels. En effet, chaque industrie se doit de réfléchir à la façon dont ces données seront exploitées, l’endroit où elles résident, qui peut les utiliser, et comment elles peuvent être combinées afin de profiter d’une réelle opportunité économique pendant de nombreuses années.

L’Europe progresse rapidement vers une Économie numérique. Les données en sont le carburant, et le cloud le moteur. Tout ceci nécessite d’énormes investissements, qui doivent être protégés à l’aide de nouveaux cadres. Le projet Gaia-X se focalise sur le développement d’espaces de données, tandis que le cloud souverain a pour but de garantir la conformité des services cloud avec les réglementations locales et en matière de sécurité. La croissance exponentielle des volumes de données représente une opportunité extraordinaire de créer de nouveaux cas d’usage pour des services à haute valeur ajoutée (transformant les données en connaissances et services).

Investir dans l’économie des données

Après avoir investi des ressources pendant des années dans le développement d’infrastructures routières nationales, d’aéroports ou de ports afin de stimuler la croissance économique, les responsables politiques doivent désormais investir dans l’économie des données. Nous avons les technologies nécessaires pour permettre à tous les États européens de créer leur propre cloud souverain, conformément au projet Gaia-X. L’idée n’est pas d’exclure les hyperscalers et les fournisseurs de technologie extra-communautaires, mais de passer d’une stratégie cloud-first à une politique cloud-smart, plus réfléchie. Les principes édictés par Gaia-X permettront à l’Europe de relever les défis de son économies numérique.

[1] Source