Cloud computing et production : de l'impossible à l'indispensable

Les progrès réalisés en termes d'infrastructure, associés à la croissance exponentielle des solutions cloud, ont accéléré la digitalisation des opérations et de la supply chain, permettant aux entreprises de produire et d'interagir avec leurs partenaires de manière plus transparente et automatisée.

Cette chronique est co-signée par Cédric Aubry, directeur exécutif Industrie du futur chez Accenture et Jérôme Gotty, directeur exécutif et responsable Cloud First France chez Accenture.

Usine digitale, site de production intelligent, site de production du futur... Autant d’expressions devenues familières à la majorité des groupes industriels. Quelle que soit la terminologie employée, ces expressions désignent un environnement de production où les technologies digitales permettent des gains de productivité, de sécurité et de qualité. Mais force est de constater que cet environnement digital n’est pas encore celui que connaissent la plupart des industriels. Pourquoi ? Historiquement, les projets informatiques de la production se sont avérés chronophages, coûteux et possiblement, risqués – notamment lorsqu’ils nécessitaient l’hébergement à distance d’applications de production.

Pour autant, on observe depuis quelques années une accélération de l’adoption du digital appliqué à la production, favorisée par trois grands facteurs. Tout d’abord, le déploiement massif de services réseau à haut débit et haute disponibilité. Également, l’évolution de la technologie cloud, qui propose désormais des solutions permettant une accélération considérable de la génération de valeur pour les industriels. Enfin, un contexte qui, avec les disruptions dues à la pandémie de Covid-19, a obligé ces mêmes industriels à repenser leurs productions pour développer des approches plus résilientes.

Parmi les nouvelles solutions, citons l’edge computing, qui permet de répondre à des cas d’utilisation en quasi-temps réel ; le cloud privé, potentiellement nécessaire pour répondre à certaines contraintes de sécurité, et le cloud public, synonyme de déploiements à grande échelle, de capacités d’innovation et de flexibilité. C’est ce que nous appelons le continuum cloud - un nouveau modèle qui associe ressources de calcul centralisées et distribuées, afin de générer des gains d’efficience, aussi bien sur le plan informatique que sur le plan opérationnel.

Ainsi, on ne présente plus les gains d’efficience informatiques associés au cloud. Il permet aussi d’accéder aux capacités de grands fournisseurs de services tels qu’AWS, Azure, Google, ou encore Oracle, pour n’en citer que quelques-uns. Les entreprises s’assurent ainsi du bon fonctionnement de l’infrastructure, au lieu de dépendre de logiciels dépassés ou d’infrastructures parfois obsolètes et vulnérables. Exploité de manière appropriée, le cloud permet aux entreprises d’optimiser les coûts d’infrastructure et de fonctionnement.

D’un point de vue efficience opérationnelle, les fabricants peuvent accélérer la création de valeur en s’appuyant sur :

  • Les outils analytiques, qui permettent la supervision en temps réel des activités de production et de supply chain pour des prises de décisions opérationnelles plus rapides et efficaces.
  • Les algorithmes de machine learning et les jumeaux numériques, qui permettent d’anticiper les opérations de maintenance et les possibles dérives qualité.
  • L’IIoT (Industrial Internet of Things), pour le contrôle des outils de production et une meilleure fiabilité opérationnelle.
  • Les data plateformes, pour le partage des données d’ingénierie et de production modélisées et contextualisées avec tous les collaborateurs.
  • Le contrôle qualité optimisé via des prises de vue automatisées et un traitement de l’image par algorithme pour les contrôles des produits notamment dans des zones à risque pour des opérateurs.
  • Les bases de données temporelles, pour l’échange de données avec les fournisseurs de matières premières et les consommateurs en aval.
  • Les outils de développement low-code / no-code, pour accélérer l’automatisation des workflows, de la collecte de données et le développement de solutions pour exploiter ces dernières.

Pour autant la question reste entière : malgré tous les avantages que présente le cloud, pourquoi certains industriels hésitent-ils encore à exploiter des solutions cloud pour leur production ?

Si, du point de vue de l’infrastructure, les questionnements associés à l’hébergement à distance d’applications de production (performance, disponibilité et sécurité) sont bien connus de la majorité des industriels, les solutions restent relativement méconnues. De nouvelles technologies telles que la 5G et la norme MEC (multi-access edge computing), qui apportent une couche de sécurité supplémentaire, étaient encore, il y a peu, non maitrisées ou inabordables.

Le cloud ne générait il y a quelques années qu’une valeur très limitée pour les industriels. Il était perçu alors comme un data center virtuel, et y migrer des applications de production ne constituait pas un business case intéressant, son coût ne permettant pas de compenser les risques. Avec l’arrivée de nouvelles solutions cloud sur le marché, on assiste à un tournant radical en termes d’adoption. Ces dernières suscitent un plus grand intérêt, notamment auprès de ceux qui recherchent des moyens innovants de résoudre des problèmes qui seraient autrement plus coûteux et plus difficiles à résoudre via les modèles habituels de déploiement sur site.

Les progrès réalisés en termes d’infrastructure, associés à la croissance exponentielle des solutions disponibles dans le cloud, ont accéléré la digitalisation des opérations et de la supply chain, permettant ainsi aux entreprises de produire et d’interagir avec ses partenaires de manière plus transparente et automatisée. Les entreprises font passer leur intelligence opérationnelle à la vitesse supérieure : passant d’une approche descriptive limitée à des opérations uniques (qui informe les industriels sur les événements passés), à une analyse prédictive (qui informe des différentes réponses possibles aux événements qui sont sur le point de se produire) – et ce de manière transverse à travers les différents sites de productions.

Mais le cycle de création de valeur que permet le continuum cloud ne dépend pas seulement de l’IT. Il implique aussi que les entreprises aient une stratégie claire sur ces sujets d’innovations technologiques, un modèle opérationnel adapté et une adhésion forte des équipes aux nouvelles solutions. Les entreprises qui adoptent des solutions cloud sans tenir compte de ces trois éléments rencontrent généralement des difficultés au moment de les déployer à grande échelle et de pérenniser les avantages escomptés.

Pour résumer, l’adoption du cloud dans la production, initialement considérée comme impossible, ou du moins comme non viable d’un point de vue économique, est devenue indispensable à la compétitivité des entreprises. Naturellement, dans leur course à la productivité, à la sécurité et à la qualité, et face à la pléthore d’innovations qui occupent leur espace, les fabricants disposent de peu de temps pour tirer des enseignements de leurs expériences.