Henri de Bodinat (Time Equity Partners) "Nous investirons dans des sociétés qui font plus de 10 millions d'euros de CA"

Alors qu'il s'apprête à clôturer un fonds de 100 millions d'euros, le président de Time Equity Partners dévoile sa stratégie d'investissement.

JDN. Vous travaillez à la création d'un fonds de 100 millions d'euros, le double du premier. En quoi se différenciera-t-il ?

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Henri de Bodinat : "Notre objectif est de clôturer ce nouveau fonds à 100 millions d'euros" © S. de P. Time EP

H. de Bodinat. Dans le cadre des investissements réalisés via Time I, nous avons ciblé des sociétés réalisant au minimum 5 millions d'euros de chiffre d'affaires, comme iConcert, Oodrive, Mobile Network Group et CCM Benchmark (éditeur du JDN, ndlr). Avec Time II nous investiront des tickets situés entre 5 et 15 millions d'euros dans une douzaine de sociétés réalisant plus de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, rentables et qui ont largement démontré leur modèle économique.

Ce fonds sera toutefois ouvert à d'autres investisseurs que Yam Invest, l'unique investisseur de Time I, qui souhaite représenter environ 1/3 des capitaux de ce nouveau fonds. Il nous a d'ailleurs déjà alloué 20 millions d'euros pour nous permettre de commencer à investir. Nous ne sommes pas un acteur du capital-risque mais davantage un acteur du capital développement.

Quels secteurs ciblez-vous ?

"Le marché de l'éducation en ligne va décoller"

Notre métier est de balayer en permanence tous les branches du numérique. Il y a toujours des segments qui apparaissent et qui finissent par s'essouffler. Nous souhaitons quant à nous rester concentrés sur le SaaS, les contenus et les médias numériques, qu'il s'agisse de TV connectée ou de livre numérique. Nous suivons également attentivement le marché de l'éducation en ligne, qui va décoller. Nous souhaitons par ailleurs investir dans des sociétés européennes, pour des raisons de proximité avec les équipes dirigeantes. Mais on leur demande évidemment de se développer à l'international.

Vous avez investi dans l'optique en ligne en Allemagne. Pourquoi pas en France ?

Nous sommes au capital de Brille24.de depuis septembre dernier. L'Allemagne est un pays où les mutuelles permettent d'avoir une paire de lunettes tous les trois ans. En France elles sont considérées comme gratuites grâce à de meilleurs remboursements des mutuelles. Les réseaux d'opticiens sont très nombreux et les lunettes bien remboursées, les Français n'ont donc pas grand intérêt à les acheter en ligne et à modifier leurs habitudes de consommation. Nous observons d'ailleurs que les opticiens en ligne ont beaucoup de mal à progresser sur ce secteur. De manière générale, nous n'investissons pas dans une entreprise qui perd de l'argent.

"AppGratis savait qu'ils allaient se faire déréférencer"

Dans un marché où les coûts d'acquisition clients sont très élevés comme celui de l'optique en ligne, comment Brille24.de trouve-t-il ses relais de croissance ?

La start-up va nouer un accord avec une chaîne de télévision allemande, qui en échange d'espaces publicitaires et de quelques millions d'euros, va prendre une position minoritaire dans le capital de la société. C'est une stratégie qui correspond à un besoin d'évangélisation du marché. Ce type d'échange fonctionne bien et devrait se développer davantage en France, à l'image de ce que TF1 a fait avec Place des tendances.

Vous connaissez bien le marché du marketing mobile en raison de votre participation dans Mobile Network Group. Comment analysez-vous le désenchantement d'AppGratis suite à sa levée de fonds auprès d'Iris Capital ?

AppGratis savait qu'ils étaient limites et que l'application allait se faire déréférencer. Ils ont d'ailleurs été prévenus par Apple environ six mois plus tôt. Leur business model n'était pas robuste ou du moins trop beau pour être vrai. Quand on investit dans le numérique il faut savoir démonter un business model pour l'appréhender dans son ensemble.

Diplômé de HEC, de l'IEP Paris et de Harvard, Henri de Bodinat débute sa carrière chez HEC puis rejoint le cabinet Arthor D. Little en 1976. En 1979 il fonde et dirige Actuel Magazine pour devenir "managing director" de Saatchi & Saatchi France en 1985, puis dirigeant de Sony Music Entertainment France, où il devient VP Europe en 1993. Un an plus tard, il prend la direction du Club Med qu'il quitte en 1998 pour monter un label de musique baptisé Cantos Music. Il revient chez Arthur D Little en juillet 2003 pour cinq ans et prend la présidence de Time Equity Partners à sa création en 2009.