Et si c'était l'Empire romain qui nous en apprenait le plus sur ce qu'est un NFT ?

En juin dernier, le NFT CryptoPunk #7523, une œuvre d'art digitale représentant un visage punk pixelisé, a été vendu à 11,2 millions de dollars, devenant ainsi le Punk le plus cher de la série. Celle-ci totalise des ventes avoisinant les 2 milliards de dollars.

Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce terme aujourd’hui apanage d’une communauté geek/crypto ? Bien plus qu’une œuvre d’art digitale ou un effet de mode, les NFT pourraient totalement redéfinir notre notion de la propriété, et faire entrer notre économie dans une nouvelle phase de digitalisation. 

Les NFT kesako ? 

Que veut dire NFT ? NFT signifie “non-fungible token” ou “jeton non-fongible” en français. Le terme de “fongibilité” n’est pas le plus courant dans notre vocabulaire, le Robert en donne la définition suivante :

"Se dit des choses qui se consomment par l'usage et peuvent être remplacées par une chose analogue (denrée, argent comptant)"

On notera que jusqu’à présent il n’a pas encore été question d’art.

Dans notre quotidien, l’immense majorité des choses qui nous entourent est non-fongible : meubles, animaux, voitures, même les billets de banque ont un numéro d’identification qui les rend différentiables les uns des autres.

Ce qui n’est pas le cas dans le monde digital, où n’importe quel élément peut être “clic droit et enregistré” selon la formule consacrée. N’importe quel code (et a fortiori n’importe quel site ou image) est donc parfaitement fongible. C’est là où interviennent les NFTs. Dans le cas du Punk #7523, pour le rendre non-fongible, on a créé un jeton sur lequel on a inscrit un code (Punk #7523) et une adresse URL qui renvoie à l’image sur un site. Un NFT, ce n’est dans ce cas ni plus ni moins qu’un jeton avec un code.

Le NFT, ou comment reprendre le contrôle sur la propriété

Faisons maintenant une comparaison entre une transaction digitale et une transaction “de la vie réelle”.

Mettons que l’on veuille acheter un tableau dans une galerie d’art. Le personnel devra prouver que l’œuvre est authentique. Dans bien des cas il sera fourni un certificat d’authenticité lui-même établi par un expert. On pourra alors douter de l’expert et demander des garanties supplémentaires, mais in fine c’est bien cette preuve sociale qui attestera que l’œuvre est bien originale, certifiée par un document qui l’est également.

Dans le monde de la blockchain, lorsque l’on veut acheter une œuvre d’art digitale, il suffit de consulter le jeton et de voir le numéro pour être sûr que l’œuvre est bien l’originale (toutes ces informations étant rendues infalsifiables par les procédés cryptographiques de la blockchain).

Le NFT rend donc possible la rareté et la propriété dans le monde infini du digital. Le NFT est associé à un petit programme informatique nommé smart contract (”contrat intelligent”) permettant de gérer les différentes transactions de manière prédéfinie. Par exemple : si une personne crée un NFT et le vend. Elle peut paramétrer le smart contract associé de telle sorte qu’à chaque fois qu’il sera revendu, 5% du prix de vente lui sera reversé automatiquement.

Alors que la principale préoccupation des collectionneurs a toujours été l’authenticité et la rareté de leurs objets, l’utilisation des NFTs permet d’offrir des garanties sur ces deux aspects. A titre d’exemple, cela explique l’incroyable succès de la start-up SORARE devenue une licorne en un temps record. En effet, elle a utilisé la technologie des NFT pour créer un jeu de cartes de foot digitales infalsifiables à collectionner.

Comment les NFTs peuvent-ils fluidifier les échanges du monde réel ?

Comme nous l’avons vu, il n’y a pas que les images qui sont concernées. Ainsi, beaucoup d’industries « du monde réel » pourraient être complètement bouleversées par une utilisation massive des NFT.

Par exemple, les NFTs permettent aussi de donner accès à des contenus spécifiques ou à des communautés. Si un artiste souhaite organiser un concert, il peut le réserver aux seuls fans qui possèdent son NFT, les autres n’ayant aucun moyen de falsifier le billet d’entrée (NFT qui aura préalablement distribué à ses fans pouvant justifier de l’achat de tous ses albums par exemple, ou via une vente pour financer un nouveau projet...).

L’immobilier aussi peut être massivement transformé par les NFTs. Le cadastre n’est plus nécessaire si un jeton certifie que le vendeur est bien le propriétaire du bien. Il ne reste alors qu’à transférer l’argent sur la blockchain pour déclencher automatiquement l’envoi du NFT vers son compte et devenir ainsi le nouveau propriétaire du bien (sous réserve que le NFT soit reconnu juridiquement). Ce que permet le NFT, c’est réduire à un coût marginal l’authentification et la traçabilité d’un objet puisqu’il n’y a plus besoin de l’intervention d’une autorité centrale.

Et si c’était l’Empire Romain qui nous en apprenait le plus sur ce qu’est un NFT ? Fongible vient du latin fungi « accomplir; remplir une fonction ». C’est exactement ce qu’est un NFT. Un NFT est un jeton qui remplit une fonction, plus précisément c’est un jeton associé à un smart contract pour déclencher une action. Il se trouve que l’utilisation première de cette technologie a été d’encapsuler un nombre qui fait office de certificat d’authentification d’une oeuvre d’art. Mais comme nous l’avons vu, ce n’est qu’une des très nombreuses applications possibles du NFT. Dans les premières heures du web, internet était moqué : “ce n’est qu’un flyer que vous avez mis en ligne”. Il faut prendre les NFTs aujourd’hui comme le web du début. Certes ils sont aujourd’hui essentiellement utilisés pour des images, mais il est nécessaire d‘aller plus loin pour percevoir tout le potentiel qu’une telle technologie peut avoir.