Créations et destructions d'entreprises : en finir avec les montagnes russes

Près d'1 million de créations d'entreprises, des dizaines de milliers de défaillances… Pourquoi le Plan Indépendants peut contribuer à faire rimer entrepreneuriat et pérennité.

“Rebond des créations d’entreprises”, nouveau record historique”… Il y a quelques semaines, les titres de presse étaient dithyrambiques et le constat indiscutable : l’année 2021 démontrait une confiance inébranlable en notre économie et la concrétisation de ce fameux désir d’entrepreneuriat des Français. Début avril, c’est la douche froide. La Banque de France annonce que les défaillances d’entreprises sur les douze derniers mois (avril 2021 – mars 2022) ont augmenté de 6,3 %. Une hausse qui doit être interprétée avec précaution puisque la période de comparaison comprend les premiers mois de la crise de Covid avec un taux – artificiellement – faible de défaillances du fait, notamment, des nombreuses mesures de protection. Mais le cabinet Altares confirme et publie le 11 avril une étude faisant état d’une hausse de 34,6% des défaillances. La Banque de France ne comptabilise que les situations de cessation de paiement, c’est-à-dire les redressements et liquidations judiciaires, quand le second intègre également les procédures de sauvegarde. Quoi qu’il en soit la tendance n’est pas bonne. Était-ce prévisible ?

Imminence des échéances de remboursement des PGE, guerre en Ukraine et pénurie de matières premières, augmentation des prix de l’énergie, crise chinoise… Quelles sont les causes de ce revirement de situation ? Faut-il considérer qu’après une phase importante de créations d’entreprises, la logique darwinienne veut une phase de destructions importante ? Faut-il s’alarmer ?

Mais que se cachait-t-il derrière ce quasi million d’entreprises créées en 2021 ?  Derrière ce “record” de créations, on compte en réalité seulement 354 325 entreprises créées hors micro-entreprises. Côté défaillances, ce sont les TPE, soit les entreprises de moins de 11 salariés, qui se taillent la part du lion, en particulier dans la restauration et petits commerces d’alimentation… Et ça fait toute la différence.

Alors soyons clairs, le poisson est bon pour la santé, c’est bien connu, mais comparer un thon – qui peut dépasser 4 mètres - et des sardines de 10 à 20 cm, c’est comparer l’Everest et la butte Montmartre… C’est toute la limite de la communication des différents organismes sur des chiffres globaux qui ne veulent pas dire grand-chose. Autant, il convenait de relativiser le record de 2021 porté par les créations de micro-entreprises – et donc signe à la fois d’un engouement pour l’entrepreneuriat mais aussi d’une certaine précarité –, autant jeter « le bébé avec l’eau du bain » aujourd’hui n’a pas plus de sens. Depuis plusieurs années déjà, le dynamisme de l’entrepreneuriat est en partie tiré par l’attractivité croissante du statut de micro-entrepreneur. Au 31 décembre 2020, on comptait ainsi près de 2 millions de micro-entreprises en France, soit 17% de plus qu’en 2019 (source URSSAF). Derrière ce chiffre, une réalité : le régime de la micro-entreprise est bien plus fragile que les statuts classiques.

590 euros par mois, 70% de fermetures à 5 ans

Le succès de la micro-entreprise s’explique notamment par sa simplicité de création et l’exonération de TVA (conditionnée à certains seuils) mais c’est aussi le régime adapté à l’accumulation de petits boulots ou de salariat déguisé offrant aux entreprises une alternative à l’embauche. Selon une étude de l’INSEE (juillet 2021), les micro-entrepreneurs retiraient en 2019 en moyenne 590 € par mois de leur activité, soit 6,5 fois moins que les non-salariés classiques (TNS). 18% vivent sous le seuil de pauvreté et 70% des micro-entreprises ferment dans les 5 ans…

Sécuriser les entrepreneurs, favoriser des activités pérennes

C’est dans ce contexte que la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante (dite “Plan Indépendants”) a été officiellement promulguée et publiée au Journal Officiel en février dernier. Dans la continuité des mesures gouvernementales de ces dernières années visant à simplifier l’entrepreneuriat, cette loi vise à sécuriser l’activité des 3,6 millions d’indépendants concernés, des professions libérales (infirmière à domicile…) aux commerçants (restaurateurs, hôteliers…) et artisans (fleuristes, coiffeurs…), au cœur du dynamisme économique mais victimes d’un statut juridique trop peu sécurisant. Parmi les principales mesures : la création d’un statut unique. Comme pour les sociétés classiques, l’indépendant bénéficiera d’un patrimoine personnel distinct de son patrimoine professionnel. Cette mesure vise également à faciliter la transformation d’une entreprise individuelle en société. Autre pilier de la loi : un soutien aux indépendants contraints de cesser leur activité. Jusqu’ici subordonnée à l’ouverture d’une procédure en redressement ou liquidation judiciaire, l’allocation forfaitaire d’assurance chômage est élargie aux indépendants involontairement privés de leur activité, sans pour autant faire l’objet d’une procédure collective (procédure rarement exercée par ces mêmes indépendants).

Assurance chômage, protection du patrimoine personnel en cas de faillite… Les indépendants voient la sécurité de leur statut renforcée, une réduction des inégalités avec les statuts classiques. Autant de mesures qui ont vocation à renforcer la motivation à entreprendre mais aussi à faciliter l’investissement et pourquoi pas le recrutement plutôt qu’une prudence excessive qui parfois confine à l’immobilisme et in fine à une fermeture. Si ces mesures portent les effets escomptés, alors on peut espérer éviter d’emprunter le chemin des montagnes russes et que le nombre d’entreprises créées reflètera bien la réalité d’un développement entrepreneurial dynamique et pérenne.